Bertrand Piccard, aérostier et psychiatre suisse de son état, se lance un nouveau défi, cette fois en compagnie de l’ingénieur-pilote militaire André Borschberg. Les deux hommes ont dévoilé leur projet fou, le 9 avril dernier, depuis la base militaire de Payerne, en Suisse. Solar Impulse II, l’avion solaire, aura ainsi pour challenge de réaliser un tour du monde par étapes, sans carburant, et comme unique source d’énergie de propulsion, les rayons solaires. A bord, un seul pilote.
Cet avion, dont l’envergure dépasse celle d’un Boeing 747, sera léger comme une grosse voiture, 2,3 tonnes. Le Solar Impulse II sera aussi équipé de technologies les plus novatrices, afin d’économiser sur le poids. Son aile a été ainsi réalisée entièrement en fibres de carbone. «Il fallait qu’elle soit plus résistante que celle du premier avion, le HB-SIA, car nous irons un peu plus vite – 90 km/h au maximum, contre 65 km/h avec le prototype – mais aussi proportionnellement plus légère», a expliqué André Borschberg.
Pour élaborer l’appareil, Piccard et Borschberg se sont inspirés des technologies utilisées dans le monde de la voile, en collaboration avec la société North TPT. C’est l’équipe du chantier Décision SA, d’où sont sortis les catamarans Alinghi pour l’America’s cup de 2011, qui a fabriqué 83% des pièces formant le squelette de l’appareil. Des lamelles de fibres de carbone ne pèsent ainsi que 25g/m2 contre 80 g/m2 pour une simple feuille de papier. Car le facteur poids est essentiel pour un avion fonctionnant grâce à l’énergie du soleil accumulée pendant la journée, surtout lors des vols de nuit. Chaque kilo supplémentaire ferait augmenter la consommation de «carburant».
L’aile du Solar Impulse II, qui mesure
72 m de long, a vu son armature constituée de 144 nervures oblongues, alignées tous les 50 cm. Les cellules photovoltaïques seront plus nombreuses que sur le prototype d’origine. Au nombre de 17 248, elles ont subi un encapsulage total dans le film transparent en polymère qui constitue le dessus de l’aile. «Durant les longues étapes, nous pourrions avoir à traverser des nuages ou à voler dans une légère pluie», a justifié Bertrand Piccard. Des moteurs électriques, d’une puissance de 17,4 CV chacun, auront la charge de faire tourner les hélices de l’engin.
Autre élément impressionnant de l’aéroplane, le cockpit. Cossu, imposant et spacieux, selon Borschberg, qui a même dit en plaisantant qu’il pourrait faire son yoga dedans. Compte tenu de la durée des étapes, cinq jours et cinq nuits, il était en effet indispensable que le pilote puisse bouger à sa guise dans l’habitacle. Sur le tableau de bord, des dizaines de boutons et interrupteurs. Si dans le précédent engin, le pilote disposait d’une verrière pour s’installer, le Solar Impulse 2 sera doté d’une porte latérale. «De quoi, en cas d’urgence, sauter en parachute avec tout le matériel nécessaire: radeau de survie, vivres pour plusieurs jours, etc. Le pare-brise est également fixe pour éviter les infiltrations d’air que nous avons connues avec le premier avion. Car, à
9 000 m d’altitude, il peut faire -45 C!», a indiqué André Borschberg.
Pour prévenir tout accident, l’équipe de Solar Impulse, outre un programme de pilotage automatique, a mis au point un système ingénieux. Si un avion normal peut virer avec ses ailes à 40 degrés, l’inclinaison de celles de l’aéroplane solaire ne pourra dépasser 5 degrés, sous peine de lui faire perdre trop de portance et de le faire partir en vrille.
L’équipement du pilote a aussi été pensé et élaboré pour le protéger des changements de température. La combinaison high-tech est ainsi composée de fibres en nylon intelligentes, capables de réguler la température corporelle, selon le froid ou le chaud extrêmes. Les premiers essais du Solar Impulse II auront lieu en mai prochain, à Payerne.
Jenny Saleh
Avec l’ambition de réaliser le tour du monde avec pour seul carburant, les rayons du soleil, le Solar Impulse II frappe fort. Départ de l’aventure début mai.
L’itinéraire
La première tentative réelle de tour du monde en avion solaire devrait débuter, en principe en mars 2015, dans le Golfe persique. L’avion traversera la mer d’Arabie, l’Inde, la Birmanie, la Chine, le Pacifique, avant de relier les Etats-Unis, l’Atlantique, l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord. L’objectif étant de rejoindre ensuite son point de départ. Le tout avec des escales, mais sans changement de pilote. Le premier prototype de Solar Impulse avait déjà relié deux continents et traversé les Etats-Unis.