Magazine Le Mensuel

Nº 2946 du vendredi 25 avril 2014

Mouna Béchara

A l’épreuve de la démocratie

Le la est donné à la présidentielle. Ce serait de bon augure, si cela devait nous mener vers une élection démocratique. Hélas, l’incrédulité fait loi et l’homme du 25 mai, tant est qu’il y en ait un, sera-t-il l’homme miracle qui, d’une baguette magique, résoudra la crise aiguë financière et sécuritaire que connaît le pays? Qui ramènera la confiance des citoyens et rendra leur patrie à ceux qui, forcés, ont dû s’expatrier avec femme et enfants? La poignée de main, que le président sortant est censé échanger, en ce jour béni, avec celui qu’il recevra sur le perron du palais présidentiel, opèrera-t-elle le miracle espéré auquel même les plus optimistes n’y croient pas? N’attendra-t-on pas une fois de plus un signe de l’étranger tel, par exemple, un rapprochement saoudo-iranien dont on parle dans les salons politiques? Le président Michel Sleiman, en cédant la place à son successeur, lui transmettra-t-il son sens de la nation qui, pour certains, ne suffit pourtant pas? Ils lui reprochent, disent-ils, son inaction, oubliant les miettes de prérogatives que lui a laissées l’accord de Taëf, si mal appliqué par ailleurs. Il a cependant l’un des rares privilèges, celui de pouvoir rendre au Parlement les lois iniques que le gouvernement Mikati a déposées dans la corbeille de l’équipe Salam confrontée à ce cadeau empoisonné. A titre d’exemple, l’inextricable affaire de la grille des salaires qui aurait pu, avant d’être promise, faire l’objet d’une étude en profondeur par des économistes chevronnés, connus pour leur compétence comme pour leur intégrité dont le Liban, heureusement, ne manque pas. Pourquoi avoir attendu de longs mois jonchés de grèves, d’activités paralysées, de négociations stériles entre syndicats et patronats, avant de faire appel au gouverneur de la Banque centrale le mieux placé pour rendre son verdict? Il n’a pas hésité à semoncer les responsables et à les mettre en garde contre une faillite financière inévitable de l’Etat et désastreuse sur le plan social pour toutes les catégories sociales.
Les mesures envisagées, disent les décideurs, pour colmater les brèches, ne font qu’aggraver une situation déjà dramatique. Augmenter l’impôt sur les intérêts bancaires dont souffrent en priorité les classes moyennes, les retraités et les petits épargnants, les autres ont déjà, depuis belle lurette, mis leurs fortunes à l’abri. On dit, à juste titre, que les capitaux sont lâches, mais en l’occurrence il est difficile de critiquer ceux qui, tout en continuant à œuvrer au Liban et à créer de l’emploi, envers et contre tout, cherchent à garantir leur avenir et celui de leurs descendants.
Les salariés et les enseignants qui réclament à cor et à cri leurs droits, certes justifiés et surtout promis, ne réalisent-ils pas que la réponse à leurs revendications est une croissance galopante du coût de la vie? Il en a toujours été ainsi. Dès que la rumeur d’une éventuelle hausse des salaires est envisagée, les prix des denrées courantes flambent. Ce n’est évidemment pas la faute des salariés mais celle d’une commission de contrôle des prix, rattachée au ministère de l’Economie, dont on a rarement, pour ne pas dire jamais, vu le fruit du travail.
Les établissements scolaires privés, eux, n’ont-ils pas déjà alourdi les écolages? Les parents qui ont déjà subi lourdement le poids des scolarités appellent à un gel de leurs paiements. Alors que nos universités ont toujours été connues pour le haut niveau de leur enseignement et la qualité de leurs professeurs, les parents qui peuvent ou qui se sacrifient pour le faire, envoient leurs jeunes à l’étranger, poursuivre leur formation professionnelle à un coût plus abordable, au risque de leur enlever tout désir de rentrer au bercail. Il ne faut pas non plus oublier, dans les projets de renflouement des finances publiques, la hausse de la TVA. Une mesure qui touche tout le monde. On ne parle même pas du problème des anciens locataires qui, s’ils étaient dans le besoin ce qui ne manquera pas, auraient droit, dit-on, à une aide financière, celle-ci devrait tomber du ciel et non des caisses de l’Etat qui sonnent creux. Les principales sources d’économie sont occultées. Si les biens maritimes reviennent timidement à la surface, nul n’ose parler du coût des escortes officielles des personnalités publiques, des corps de garde qui protègent les bâtiments de l’Etat et qui fourniraient des économies substantielles.
Peut-on encore espérer sauver le Pays du Cèdre dont les dirigeants balaient d’un tour de main tous les atouts? Que reste-t-il de ce qui était jadis le lien entre l’Orient et l’Occident? Celui qui, après avoir été le pays du tourisme historique et religieux parmi les plus célèbres, n’est plus évoqué dans les chroniques étrangères que pour son accointance avec les crises régionales dans lesquelles il prend, sans cesse, sa part des dommages collatéraux.

Mouna Béchara

 

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