Le Liban, encore jeune Etat indépendant, cherchait difficilement dans les années cinquante, sa place au milieu des Etats arabes et dans le monde. Après l’essor politique qu’il a connu sous le mandat du président Camille Chamoun, le pays traverse des années difficiles au milieu des nombreuses perturbations régionales, surtout avec la proclamation de l’Etat d’Israël en 1948.
Depuis la Première Guerre mondiale, les sionistes anglais s’activent à créer une entité juive en Palestine et à intégrer à l’intérieur de ses frontières les lits de l’ensemble des affluents du Jourdain. La frontière nord du futur Etat devant être marquée par le cours est-ouest du Litani.
Après les événements qui ont suivi la déclaration de l’Etat sioniste, en mai 1948, Israël s’est rendu maître des sources du Dan, du triangle du Yarmouk et de la rive occidentale du Jourdain.
En octobre 1953, la Syrie dépose une plainte contre Israël auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, pour les travaux hydrauliques qu’il entreprend et qui dépossèdent les habitants arabes de leurs droits sur les ressources naturelles de la région. Après maints incidents, le président américain, Eisenhower, dépêche au Proche-Orient Eric Johnston, son émissaire spécial. Ce dernier entame une série de négociations avec les pays arabes et Israël sur les eaux du Jourdain. Il réussit à réaliser un consensus à un niveau technique, entre des experts en ingénierie hydraulique d’Israël, de Jordanie, de Syrie et du Liban. Ce consensus définit les quantités d’eau que chaque riverain pouvait utiliser.
Les Israéliens se montrent réservés sur l’idée d’un partage des eaux du Jourdain. Johnston suggère la création d’un comité neutre chargé de superviser le partage des eaux et de coordonner une coopération technique entre les Etats riverains du bassin. Un accord qui autorise Israël à stocker l’eau du Yarmouk dans le lac de Tibériade contre son renoncement à un quota des eaux du Litani. Les Arabes acceptent que le lac de Tibériade leur serve de réservoir et permettent à Israël d’effectuer des travaux de déviation des eaux du Jourdain vers le Néguev. Mais cet accord tombe à l’eau. Le gouvernement israélien refuse de voter le projet Johnston, et le Comité politique de la Ligue arabe le rejette pour des considérations politiques, l’accord signifiant une reconnaissance tacite de l’Etat d’Israël.
Au Liban, la Chambre des députés vote une motion invitant le gouvernement à suspendre toute négociation avec l’émissaire américain. Les députés constatent que le projet n’est pas favorable aux intérêts arabes, vu qu’il accorde 36% des eaux du fleuve à Israël, d’autant que Johnston a usé d’un ton menaçant en affirmant que c’est le plan proposé ou les mains libres à Israël au Liban-Sud.
En août 1955, le gouvernement libanais, conformément à la motion de la Chambre, décide de dénoncer le plan Johnston qui prive le Liban de 130 millions de mètres cubes d’eau, et d’exploiter lui-même les eaux du Hasbani.
L’émissaire américain s’efforce pendant dix jours de convaincre les autorités libanaises de son plan, celles-ci écoutent les propositions, mais n’y donnent pas une réponse positive telle qu’escomptée. Le plan échoue. Johnston se dirige alors vers Damas où, là aussi, il ne trouve qu’une réponse négative. Le Liban avait, d’ailleurs, adopté sa position après concertations avec la Syrie et la Jordanie.
La conférence des ministres des Affaires étrangères se tient au Caire et décide de ne répondre ni par oui ni par non à Johnston. Le plan ne tient pas et l’affaire est close.
Arlette Kassas
Les informations citées dans cet article sont tirées d’articles sur Internet et du Mémorial du Liban – le mandat Camille Chamoun, de Joseph Chami.
Eau et armes
En septembre 1954, l’ambassadeur des Etats-Unis au Liban, Raymond Hare, informe les responsables libanais que les Etats-Unis ne sont pas disposés à leur assurer les armes dont le pays a besoin. Le secrétaire d’Etat adjoint, George Allen, qui accompagne l’émissaire Johnston en 1955, pose quatre conditions à la livraison d’armes américaines au Liban: adhésion du pays à une défense commune du Moyen-Orient avec l’Occident; utilisation du matériel à des seules fins défensives; entraînement de l’Armée libanaise uniquement par des missions américaines et engagement de Beyrouth à ne conclure aucun pacte dirigé contre l’Occident. Le président Camille Chamoun répond à Allen en lui conseillant de réduire l’aide militaire et économique américaine à Israël et de rétablir l’équilibre rompu au détriment des Arabes.