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Paul Khalifeh

Entre Riyad et Téhéran, une question de priorités

La grande colère saoudienne contre l’Iran semble s’apaiser. Le royaume a annoncé la levée de l’interdiction imposée à ses ressortissants de se rendre au Liban et a «invité» le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Jawad Zarif, à venir à Riyad. Cette information est rassurante pour les Libanais, car la baisse de la tension entre les deux acteurs régionaux aura certainement des répercussions positives sur leur pays et permettrait, à court terme, de relancer les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, très affectés ces deux dernières années. Mais elle est aussi humiliante, dans le sens où les Libanais réalisent, encore une fois, que la stabilité de leur pays et leur bien-être dépendent des intérêts d’autres pays, pour ne pas dire de l’état d’esprit d’un prince ou d’un mollah. Humiliante aussi, car la volonté exprimée par les Saoudiens de «négocier» avec l’Iran rabaisse le Liban de rang de nation à celui de marchandise, susceptible de faire l’objet d’une transaction. Pas très glorifiant pour un peuple qui se vante de 6000 ans de civilisation et de l’invention de l’alphabet!
Blessés dans leur orgueil, les Libanais n’en demeurent pas moins pragmatiques. Ils essaient donc de voir la moitié pleine du verre et se confortent, malgré tout, à l’idée de figurer au menu des grands de la région. Ils savent, pertinemment, que la paix et les affaires se porteront beaucoup mieux si l’Arabie saoudite et l’Iran décident, enfin, de se parler et d’améliorer leurs relations.
L’ennui c’est que la liste des contentieux qui séparent les deux pays est longue, très longue. Ceux qui sont pressés d’en finir devront donc prendre leur mal en patience. Riyad et Téhéran se livrent des guerres par procuration au Yémen, à Bahreïn, en Irak, en Syrie et au Liban, sans oublier la méfiance de l’Arabie saoudite vis-à-vis des négociations irano-américaines sur le dossier nucléaire. On le voit bien, les enjeux sont colossaux et l’ordre du jour des négociations souhaitées par l’Arabie saoudite sera particulièrement chargé.
Le royaume, confronté à de sérieux défis externes et internes, privilégie un accord global sur toutes les questions afin de pouvoir se concentrer sur le processus complexe de la succession du roi Abdallah. En revanche, l’Iran, parfaitement rodé aux longues et difficiles négociations, préfère, quant à lui, discuter des dossiers séparément, afin de ne pas être contraint de faire trop de concessions.
C’est plutôt une mauvaise nouvelle pour ceux qui sont pressés, surtout que l’ordre des priorités pourrait être différent chez les Saoudiens et les Iraniens. Difficile de savoir quelle place occupe le Liban dans le classement des préoccupations. Si, pour Riyad, les crises du Yémen et de Bahreïn ne supportent pas une longue attente, pour Téhéran, les cas de l’Irak et de la Syrie sont prioritaires. La relative stabilité politique et sécuritaire au Liban, assurée par la formation du gouvernement de partenariat et la mise en œuvre du plan de sécurité, ôte à ce dossier le caractère d’urgence.
C’est dans cette optique qu’il faut analyser l’échéance présidentielle, tributaire d’un compromis régional, parrainé par les puissances internationales. L’élection d’un nouveau président au Liban devra attendre, au moins, l’agencement des priorités et le début des négociations entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
C’est pour cela qu’une vacance à la présidence de la République, pendant deux ou trois mois au moins, reste le scénario le plus probable… sauf si les deux pays décidaient de tester leurs bonnes intentions dans les dossiers les moins compliqués, avant de s’attaquer aux cas les plus difficiles.
Mais qui a dit que le Liban fait partie de la première catégorie?

Paul Khalifeh

 

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