Magazine Le Mensuel

Nº 2951 du vendredi 30 mai 2014

Le Saviez-Vous

Vacance présidentielle. Une histoire à répétition

La vacance présidentielle devient-elle une habitude? A la fin du mandat du président Emile Lahoud, le pays était resté sept mois sans chef d’Etat. A son tour, le président Michel Sleiman, qui n’a pas reçu le flambeau des mains de son prédécesseur, ne l’a pas remis à son successeur.
 

Malgré tous les avertissements du danger que représente la vacance présidentielle sur le plan politique, l’élection à la tête de la magistrature suprême bute contre plusieurs obstacles. De fait, le vide n’est pas inédit dans l’Histoire du Liban. Avant Taëf, il s’était installé à plus d’une reprise depuis l’indépendance.
En 1952, la prorogation du mandat du président Béchara el-Khoury provoque une vaste campagne de l’opposition contre lui qui aboutit à ce qu’on a appelé une «Révolution blanche». Une grève quasi générale paralyse, pendant trois jours, la capitale et pousse le chef de l’Etat à la démission. Le commandant en chef de l’armée de l’époque, le général Fouad Chéhab, est désigné à la tête d’un gouvernement provisoire restreint, pour une durée de quatre jours, avec pour mission d’assurer l’élection d’un président et d’éviter le vide à la tête de l’Etat.
En 1988, dans l’impossibilité d’élire un successeur au président Amine Gemayel dont le mandat prenait fin, le palais présidentiel se retrouvait à nouveau sans locataire. Les députés, enfermés chez eux pour des raisons de sécurité, ne pouvaient pas gagner l’hémicycle Place de l’Etoile pour élire son successeur. Le pouvoir a été remis au général Michel Aoun qui prenait la tête du gouvernement. Les circonstances avaient créé deux gouvernements, celui de Michel Aoun à la tête d’une équipe de militaires et celui du président Salim Hoss toujours en place.
C’était la période d’avant Taëf, la Constitution préconisait la nécessité d’un chef de gouvernement provisoire chrétien pour assurer l’intérim et organiser une élection présidentielle.
Avec l’accord signé à Taëf, les choses ont changé. Désormais, c’est le Conseil des ministres qui prend la relève. En 2007, avec le vide laissé par la fin du mandat du président Emile Lahoud, les pouvoirs présidentiels sont remis au gouvernement de Fouad Siniora en fonction de l’article 62 de la nouvelle Constitution et ce jusqu’à l’élection du président Michel Sleiman, le 25 mai 2008, survenue à l’issue de la rencontre de Doha.
Toutefois, le problème se pose sur un autre chapitre, celui du respect du pacte national. Le pouvoir au Liban se base sur une répartition communautaire. Avec la vacance à la présidence de la République, c’est l’une des composantes essentielles qui fait défaut. Le rôle des chrétiens est en cause. Actuellement, en cas de vacance à la tête de l’Etat, le pouvoir revient au chef du Parlement et le pays est gouverné par un représentant de la communauté chiite et par un gouvernement présidé par un sunnite. L’une des composantes essentielles du pacte national perd ainsi son rôle. La situation d’aujourd’hui crée l’inquiétude d’un retour aux dures expériences du passé vécues dans le pays ainsi que, comme le suggèrent certaines parties, d’une révision de la structure libanaise.
A défaut de quorum aux séances consacrées à la présidentielle, le vide s’installe désormais à la tête de l’Etat. Le quorum des deux tiers (86 députés sur 128) n’a pas été atteint aux multiples séances électorales. Les députés du Bloc du Changement et de la Réforme du général Michel Aoun et ceux du Hezbollah les ont boycottées. Le pacte national est ainsi au cœur des divergences. Pour les partis du 14 mars, la priorité est d’assurer le quorum, sans tenir compte des exigences des uns et des autres, et le boycott des séances n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. Pour les députés du CPL, au contraire, la question est liée à la possibilité d’élire un président fort. Pour eux, dans le cas contraire, mieux vaut s’abstenir de participer aux séances d’élection, afin d’éviter de marginaliser les chrétiens. 


Arlette Kassas
 

L’article 62
L’article 62 de la Constitution issue de l’accord de Taëf stipule: «En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque raison que ce soit, les pouvoirs du président de la République sont exercés à titre intérimaire par le Conseil des ministres».

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