Libanais réfugiés… au Liban
Les habitants du village de Toufail veulent que l’Etat les protège et les aide à regagner leurs maisons dont ils ont été expulsés, il y a environ trois mois, après l’entrée du Hezbollah dans le village pour des motifs d’ordre militaire reliés à la bataille du Qalamoun, prétextant la présence d’éléments takfiristes parmi les réfugiés syriens sur place. Le Hezbollah, précisent les sources du Moustaqbal, a voulu en fait transformer le village en région militaire, en point de passage pour ses combattants partis de Brital à destination de la Syrie. Ce village limitrophe de Nabi Chit, Horta’la et Ham, représente un point stratégique, d’autant plus qu’il se situe à presque 20 km du Qalamoun et constitue pour eux une importante ligne d’approvisionnement.
Trou de mémoire
Le président Michel Sleiman aurait déclaré à un journal saoudien que «durant mon mandat à la tête de l’Etat et du commandement de l’armée, nul n’a accordé un soutien à l’Armée libanaise à part l’Arabie saoudite, précisément, durant les trois derniers mois de ma présidence». Les milieux du 8 mars ont, à cet égard, voulu rafraîchir la mémoire de l’ex-président Sleiman en lui rappelant les événements de Nahr el-Bared lorsqu’il avait remercié le commandement de l’armée syrienne pour l’appui fourni à l’armée et qui lui a permis de remporter la bataille. Ils rappellent l’offre iranienne restée en suspens, et l’annonce faite par l’ex-ministre Elias Murr en Russie sur la disposition de Moscou à respecter toutes les conditions du gouvernement libanais pour livrer avions et munitions à l’institution militaire… Les propos de Sleiman ont une portée politique et manquent de précision, ont conclu ces milieux.
Ankara et Doha aux abonnés absents
Dès la fin de la bataille de Ersal, le Premier ministre Tammam Salam a tenté de contacter son homologue Recep Tayyip Erdogan, sollicitant son aide pour la libération des militaires otages des groupes takfiristes, mais il n’a pas réussi à le joindre, pour cause d’élections présidentielles accaparantes. Salam a également appelé, à cet effet, l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Khalifa. Réponse: les échanges entre Doha et les organisations armées en Syrie sont totalement suspendus depuis un certain temps.
Berry fait le bilan de Daech
Le président Nabih Berry abordant le cas Daech qualifie, devant ses visiteurs, les développements actuels de «tempête redoutable qui envahit la région et menace le monde. Ce raz-de-marée emporte les Etats, les entités, les sociétés… Le danger qu’il fait peser ne se limite pas à un, deux ou trois pays. Le spectacle est effroyable, poursuit Berry: modification des frontières, épuration ethnique, expulsion des minorités – comme en Irak -, rejet de la pluralité dans l’ensemble de la région… Sans oublier les atteintes aux droits humains, et les atrocités qui dépassent tout entendement commises par les groupes terroristes dans plus d’un pays. Ajoutez à cela la violation par ces organisations des lois et règlements internationaux».
Hariri à Beyrouth: rien n’a changé
Les milieux du 8 mars en général et du Hezbollah en particulier estiment que les déclarations de Saad Hariri à son retour à Beyrouth sont insuffisantes pour modifier la donne. Il faudrait, ajoutent-ils, que les propos de l’ex-Premier ministre soient étayés par des actions concrètes, comme mettre un terme au discours politique qui incite à la haine communautaire.
Du côté du Moustaqbal, on croit qu’un accord visant à adoucir le climat tendu entre les deux camps n’est pas à l’ordre du jour, pour le moment, parce que le fossé qui les sépare est profond et jalonné d’obstacles. L’entente étant conditionnée en priorité par le retrait du Hezbollah de Syrie, la confiscation des armes illégales, le contrôle de la frontière libano-syrienne par l’armée…
Diversifier les sources d’armement
Le commandant en chef de l’armée s’envolera prochainement à destination de Moscou après des consultations avec l’ambassadeur de Russie à Beyrouth. Au programme, la signature d’un contrat pour une livraison d’armes à la troupe. Le général Jean Kahwagi compte aussi solliciter d’autres capitales occidentales et orientales dans le même but, sachant que les Américains continuent, depuis le déclenchement de la bataille de Ersal, à fournir à l’Armée libanaise armes et munitions à partir de leurs dépôts à Chypre. Le commandant de la troupe souhaite diversifier les sources d’armement avec les 500 millions de dollars qui lui ont été alloués via le don saoudien d’un milliard. D’ailleurs, le général Kahwagi affirme devant ses visiteurs que l’ex-président Saad Hariri lui aurait fait savoir qu’il appuiera «tout contrat favorable à l’institution militaire, quel qu’il soit».
Réfugiés syriens: nouvelles dispositions
Les données obtenues sur la participation de certains déplacés syriens au combat contre l’Armée libanaise à Ersal ont provoqué un vaste mouvement de protestation populaire contre l’afflux des réfugiés au Liban. Ce qui a poussé le Conseil des ministres à mettre sur la table des recommandations sur ce dossier épineux. Tout d’abord, charger les autorités libanaises de l’enregistrement des réfugiés et non le Haut comité de secours des Nations unies. Deuxièmement, priver du statut de réfugié tout citoyen syrien domicilié loin des frontières entre les deux pays, soit à une distance de plus de 30 ou 40 km du Liban. Troisièmement, tout réfugié qui se rend dans son pays perd son statut de réfugié conformément aux accords de Genève. Un réfugié est un individu qui ne peut pas ou ne désire pas repartir chez lui.
Présidentielle: rien de nouveau
«Que personne n’attende une décision en provenance de l’extérieur pour ce qui est du dossier présidentiel. C’est une perte de temps. La décision à ce sujet sera prise par les Libanais». C’est en ces termes que sayyed Hassan Nasrallah a clôturé le discours qu’il a prononcé pour la 8e commémoration de la guerre de juillet, ce qui a fait dire à certains analystes que de tels propos signifiaient l’impossibilité d’un rapprochement saoudo-iranien sur le Liban, à ce stade. Alors qu’ils sont nombreux à miser sur une entente entre Téhéran et Riyad ou entre Téhéran et certains pays occidentaux pour délivrer la présidentielle. Nasrallah répondait ainsi indirectement à ceux qui pensent que les concessions faites par l’Iran sur le dossier irakien pourraient se répercuter sur la scène libanaise et se traduire par l’élection d’un nouveau chef d’Etat.
Hariri-Mikati: sans rancœur
Les relations entre les présidents Saad Hariri et Najib Mikati évoluent dans le bon sens. Oubliées les rancœurs du passé, d’après ce que rapporte une source de Tripoli, les deux pôles sunnites veulent ouvrir une nouvelle page étant tous les deux conscients d’un revirement de l’opinion tripolitaine, revirement qui leur est défavorable. Mikati est moins touché par cette mutation, comparativement à Hariri dont l’influence sur les sunnites du Nord est en chute libre. Il est aujourd’hui contraint de se rapprocher de Mikati pour ne pas se retrouver, seul, face au courant radical wahhabite qui se propage à un rythme rapide dans les quartiers de Tripoli et du rif sunnite. En levant l’option Mikati le centriste, l’ex-président Saad Hariri veut éviter le «détestable» partenariat avec les Karamé et les autres forces tripolitaines du 8 mars. Le président Najib Mikati était devenu l’adversaire numéro 1 des Haririens après avoir réussi à former son gouvernement en juin 2011, à la suite du renversement de celui présidé par Hariri en décembre 2010.
Démanteler les cellules dormantes
Le gouvernement libanais n’est pas aussi énergique politiquement et médiatiquement dans sa lutte contre le terrorisme que l’alliance formée par l’Arabie saoudite, l’Egypte, les Emirats, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Un expert sécuritaire pense qu’il ne s’agit pas seulement de mettre un terme aux activités des organisations takfiristes, mais aussi de poursuivre et de démonter les réseaux masqués et cachés derrière des façades associatives qui infiltrent le milieu social par le biais de la charité et de l’assistance. Malheureusement, dit l’expert, pas d’unanimité à ce sujet entre le 8 et le 14 mars pour appuyer les forces de l’ordre dans cette mission. Ainsi, l’association al-Bacha’er, dirigée par le Syrien Abou Mohammad Rifaï, a réussi à mobiliser des centaines de jeunes Libanais du Nord qu’elle a envoyés à l’entraînement militaire, puis au combat en Syrie. Parmi eux, le groupe de Talkalakh et celui du Krak des chevaliers dont la majorité des éléments armés ont trouvé la mort sur le champ de bataille. Le réseau Rifaï était devenu le plus puissant en termes de mobilisation, mais l’homme, qui était aussi le leader de la brigade A’idou, rattachée à Jund el-Cham dans le Qalamoun, a été tué le mois passé. Sa mort a été annoncée par la Rencontre nationale islamique.
Infiltration de combattants
Des sources locales dans la région du centre de la Békaa parlent d’infiltrations de combattants syriens du côté de Zabadani-Mdaya vers le territoire libanais. Ceci serait dû à la victoire récente de l’armée syrienne contre les groupes armés à l’ouest du Qalamoun, Zabadani et Wadi Barda, les mettant devant l’alternative suivante: accepter la réconciliation avec le gouvernement syrien ou prendre la fuite vers le Liban. La pénétration de ces éléments aurait pu être plus alarmante, mais nombre d’entre eux ont accepté la réconciliation à l’instar du village de Bsima qui abrite les sources et réservoirs d’eau potable de la capitale syrienne. Certains poursuivis par la justice se sont réfugiés dans des villages de la Békaa où ils s’enrôlent à nouveau dans d’autres réseaux. Les organes chargés de l’ordre et les Renseignements militaires surveillent de près ces éléments qui se sont mêlés aux camps de réfugiés, surtout à Terbol, Faour et les alentours du centre de la Békaa, le long de la frontière de la chaîne est jusqu’à la plaine de Bar Elias dans le caza de Zahlé.
Les armes se propagent
Les craintes déclarées des politiques sur l’éventuelle extension de la menace Daech au Liban ont-elles pour objectif d’élargir l’auto-sécurité dans les régions et, surtout, dans les villages éloignés? Un rapport diplomatique met en garde contre cette tentation, d’autant plus que les informations font état d’une propagation d’armes, doublée de rondes de surveillance nocturne autour de plusieurs villages druzes, chrétiens et alaouites, et cela pour la première fois depuis la fin de la guerre en 1989 et le démantèlement des milices. Le rapport souligne que les rassemblements populaires chiites et sunnites sont habitués aux parades des éléments armés pour diverses raisons internes et externes, alors qu’un tel spectacle est inaccoutumé dans les régions de Aley, du Chouf, de Dinniyé, du Koura jusqu’à Kobayate et certains coins de la plaine du Akkar à l’extrême nord. Le député Walid Joumblatt avait franchement mis en garde contre l’exploitation du sentiment de peur, mais cela n’empêche pas l’établissement de camps d’entraînement locaux, comme l’affirment des sources qui suivent ce dossier. Elles rapportent cependant que l’organisation de la surveillance nocturne se fait en coopération avec les municipalités, l’armée et les FSI.