Déstabilisation en vue
Alors que les rumeurs et infos sur un retour au cycle des attentats politiques se multiplient, l’absence de l’ex-Premier ministre Saad Hariri pourrait se prolonger, comme l’avancent des sources américaines, ce qui ne l’empêchera pas de faire des visites éclair au Liban. «La conjoncture libanaise, indiquent ces sources américaines, est entrée dans une période périlleuse, à l’heure où tout le monde perçoit que le parapluie régional/international qui protégeait le Liban et lui assurait un minimum de stabilité commence à se lézarder. Cela à l’ombre d’informations sur la volonté de certains d’en finir avec cet équilibre en balayant les éléments garantissant aux chrétiens une bonne représentativité au pouvoir à travers l’élection d’un président fort. C’est ce qui explique la campagne menée contre le commandement de l’armée et l’alignement de certains leaders de minorités au camp qui manœuvre dans ce sens. Ces leaders estiment que la menace Daech ne peut être repoussée sans le recours à une plus grande minorité forte et armée».
Scénarios douteux pour le Liban
Les tentatives continues d’attirer le Liban dans un cycle chaotique, à travers des scénarios douteux qui émergent de temps à autre, sont inquiétantes, de l’avis de milieux diplomatiques russes. Ces derniers sont catégoriques: il est impossible de dissocier le Pays du Cèdre de son environnement à moins d’une entente régionale entre l’Iran et l’Arabie, les deux pays les plus influents sur la vie politique locale. Mais, ajoutent-ils, un rapprochement des adversaires à l’interne en cette période fort délicate est susceptible d’alléger les tensions communautaires, le Liban pouvant être exposé à plus de tentatives de déstabilisation dans ce climat régional bouillonnant. Le Liban à ce stade, pensent ces diplomates, est dans l’œil du cyclone.
Berry aux cinq Grands: priorité à l’armée
La rencontre subite du président Nabih Berry avec les ambassadeurs des cinq grandes puissances, membres permanents du Conseil de sécurité, en présence de Derek Plumbly, représentant personnel du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, au Liban, était dictée par les craintes d’une dégradation sécuritaire allant du village de Ersal (qui d’après des infos a été réinvesti par les combattants) en passant par la Békaa-Ouest, Beyrouth et ses camps jusqu’à Tripoli. Le chef de l’Assemblée détient-il des données sécuritaires qui ont nécessité cette convocation? s’interrogent certaines sources. Berry s’est adressé aux 5+1 en ces termes: «Il existe de nombreux dossiers à débattre avec vous, comme l’échéance présidentielle, les réfugiés syriens, les sources d’eau douce dans la mer… Mais je vais me contenter d’un seul: celui de la fourniture d’armes à l’armée, selon les listes présentées par son commandant en chef… Il faut dépasser les procédures routinières pour faire parvenir ces armes au plus vite, à travers même un pont aérien s’il le faut, parce que la troupe mène le combat contre le terrorisme».
Joumblatt froissé par les critiques
Une série d’appels téléphoniques ont été passés par le député Walid Joumblatt aux pôles chrétiens pour sonder ce camp sur la présidentielle, sachant que les blâmes dont il a fait l’objet l’ont poussé à freiner quelque peu son initiative. Les proches de Joumblatt estiment que «les critiques formulées à son encontre sont injustifiées, son projet ayant été mal interprété», rappelant que l’échéance présidentielle est une échéance nationale qui ne concerne pas la seule communauté chrétienne. De plus, tout parti politique a le droit d’avoir un avis sur la question et une approche à proposer pour une sortie de crise. «Nous avons atteint, ajoutent les proches du leader druze, un stade où il semble clair qu’aucun des candidats en lice ne bénéficie d’une majorité, ce qui nécessite la recherche d’un consensus garantissant l’arrivée au pouvoir d’un chef d’Etat, fruit d’une forte union autour de sa personne».
Si les chrétiens ne s’entendent pas…
«Si les chrétiens ne réalisent pas les dangers de l’étape actuelle et ne mettent fin à leurs querelles inextricables, ils perdront la présidence de la République. Chose qu’aucune personne sensée ne souhaite puisqu’il s’agit de l’unique fonction chrétienne de la première catégorie dans la région et du signe distinctif du Liban pluriel, protecteur des minorités face à l’extension du fondamentalisme religieux». Ces propos sont tenus par une source du Moustaqbal dont les craintes quant à cette échéance cruciale sont évidentes. D’après les informations qui circulent, le vide constitutionnel risque de se prolonger sur le long terme.
Comparer Daech au Hezbollah, dans quel but?
L’escalade verbale que le Courant du futur pratique depuis quelque temps en multipliant les déclarations comparant Daech au Hezbollah, les qualifiant des «deux faces d’une même monnaie», a interpellé les milieux politiques proches du parti chiite. Cette campagne, mise en branle après le dernier discours du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, constitue une réponse négative ferme à l’appel au dialogue. «Que propose le Moustaqbal à la place?, s’interrogent ces milieux, réalise-t-il l’impact que peut avoir cette comparaison qui alimente la fitna interne? Veut-il encourager ce qu’il lui reste comme adeptes à se jeter dans le giron de Daech pour se protéger du Hezbollah? Si le Moutasqbal est convaincu de cette théorie, pourquoi continue-t-il à siéger aux côtés du parti chiite au Parlement et au sein du gouvernement? De plus, si tel est le cas, cela signifie-t-il qu’il est disposé à traiter avec Daech comme il le fait avec le Hezbollah?».
Les priorités selon Siniora
La priorité pour le moment est au ralliement de la communauté sunnite à des principes de base à savoir la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, et le refus de l’organisation des élections législatives à l’ombre du vide présidentiel, parce que le gouvernement se retrouvera démissionnaire de facto, précise-t-on dans les milieux du Moustaqbal. Ces milieux ajoutent que le courant de Hariri est certes entré en confrontation avec les takfiristes, qui bénéficient de la sympathie d’une partie de la communauté sunnite, mais le Moustaqbal, auquel l’Arabie saoudite assure une couverture, mène une initiative d’envergure auprès des instances sunnites. C’est dans cette perspective que le président Fouad Siniora s’est rendu au Caire où il a rencontré le cheikh el-Azhar afin de mettre sur pied une vaste alliance politique sunnite pour faire face à l’extrémisme. Mais la lutte antiterroriste ne peut être menée que dans le cadre de l’Etat libanais et de ses institutions, c’est pourquoi il faut empêcher le scénario du cabinet démissionnaire.
L’aide aux chrétiens d’Irak
450000 dollars, tel est le montant du chèque que la délégation des patriarches a remis au chef de l’Eglise chaldéenne d’Irak, lors d’une visite à Erbil, en guise d’aide aux déplacés chrétiens dans la ville. Ce chiffre représente le total des quêtes collectées dans les églises libanaises le dimanche 17 août. 50000 dollars ont aussi été octroyés au représentant de la communauté des Yazidis.
Coopération syro-occidentale
Des contacts syro-américains auraient eu lieu dans une capitale européenne au cours des deux derniers mois. Information révélée par des rapports diplomatiques à Beyrouth. Des représentants des deux pays se sont retrouvés dans une capitale «neutre» pour redéfinir leurs relations, après trois ans de combats continus en Syrie. Quelle sera la position de la diplomatie libanaise face à ce revirement géopolitique? Va-t-elle l’exploiter en vue de protéger les intérêts du Liban? Par ailleurs, un observateur chevronné indique que «les Renseignements allemands ont fourni aux organes sécuritaires syriens des informations précises sur l’emplacement des bases de Daech dans la ville de Rakka, permettant ainsi à l’aviation syrienne de mener onze raids aériens en un jour sur ces bases militaires». La même source rapporte que les réunions syro-américaines ont abouti à la publication par les deux pays de déclarations similaires sur le danger représenté par Daech et la nécessité de combattre cette organisation au niveau international. Ceux qui ont cru les allégations de Washington, qui nie avoir pris contact avec Damas, sont dans le déni, conclut la source.
Bientôt un Ersal II?
A la suite des informations faisant état de l’infiltration de combattants syriens à partir de la région de Zabadani vers le territoire libanais, certains experts mettent en garde contre un Ersal II. Ils font remarquer que le nombre de combattants du Front al-Nosra et de Daech, qui se replient sur les régions frontalières dans les villages du centre et de l’ouest de la Békaa, pour fuir l’avancée de l’armée syrienne sur leurs positions à Zabadani, son rif et son jurd, s’est multiplié dans le triangle d’al Faour, Majdel Anjar, Saadnayel où ils ont trouvé abri dans les camps des réfugiés. Contrairement à Ersal situé dans un demi-cercle de villages chiites et chrétiens, le triangle perché sur les hauteurs de la chaîne de montagnes est, englobe un bloc de villages sunnites géographiquement reliés par la plaine de Bar Elias – Taanayel jusqu’à Dhour Saadnayel, et même Tarchiche au sommet de la chaîne ouest. Cette bourgade est connue pour être un important point stratégique parce qu’elle est ouverte sur les hauteurs du jurd de Zahlé et surplombe le Metn et la baie du St-Georges à Beyrouth. Les experts estiment que l’installation de cellules dormantes dans les villages de ce triangle est facilitée par les «lignes rouges» tracées par certains politiques et dignitaires religieux devant les autorités sécuritaires, ce qui encourage les takfiristes à considérer la région propice à l’exécution d’un Ersal II, d’autant plus qu’ils sont en contact direct avec les Renseignements de Doha et d’Ankara.
Armes russes au Liban
Alors que les préparatifs vont bon train à Moscou pour recevoir successivement le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, et le commandant en chef de l’armée, Jean Kahwagi, une haute instance politique estime que «la conjoncture arabe actuelle est favorable à l’acquisition d’armes russes, sans contrarier les capitales de l’Otan dont certaines veulent que le Liban combatte le terrorisme avec des pierres et des matraques».
La haute instance citée par des sources ajoute: «Refuser les armes iraniennes peut être compréhensible, mais pourquoi ne pas avoir accéléré les propositions faites par la Russie, puisque Moscou livre des armes à l’Egypte, la Jordanie, les pays du Golfe et l’Algérie? Ceci n’implique pas le refus des offres venues de l’Occident si elles correspondent à nos intérêts financiers et militaires». Les dures batailles menées par l’armée et les forces de l’ordre contre les réseaux et groupes terroristes durant cette dernière période prouvent que le Liban est partie prenante dans la lutte antiterroriste, bien avant plusieurs pays occidentaux qui appellent aujourd’hui à instaurer une alliance internationale pour en finir avec ce fléau. L’ambassadeur Alexander Zasypkin a fait savoir que la Russie était prête à livrer des armes au Liban, sans conditions.
Trafic d’armes et charité
Le démantèlement des réseaux terroristes, déguisés en associations caritatives, devrait être intégré à la stratégie anti-takfiriste, selon un expert qui suit de près ce dossier. Si l’association al Bacha’er a un caractère local et s’active à Tripoli où elle propage son idéologie salafiste, Ichrak el-nour est autrement structurée. Cette organisation, dirigée par des takfiristes, possède cinq branches à Beyrouth, Tripoli et Saïda, la quatrième est implantée à Halba dans le Akkar près de la frontière nord et la cinquième au Sud, dans le village de Chebaa sur les hauteurs du Arkoub, adjacentes aux villages du Golan. Les autorités syriennes accusent l’association de s’adonner au trafic d’armes et au transport de combattants à travers la frontière. Le nom d’Ichrak el-nour était apparu dès les débuts de la crise syrienne lorsque les forces de l’ordre ont saisi dans la région de Bab Amro à Homs, une ambulance relevant de l’association chargée d’explosifs et de munitions. Les directeurs des branches de Tripoli et de Halba sont des salafistes, proches des députés Khaled Daher et Mouïn Merhebi.