La réalisatrice marocaine Laïla Marrakchi est venue en personne au Liban présenter son deuxième long métrage, Rock the Casbah, avec notamment Nadine Labaki en tête d’affiche.
En 2005, Laïla Marrakchi a créé la polémique avec son premier long métrage, Marock, présenté au festival de Cannes. Tournant autour de la jeunesse marocaine, le film raconte l’histoire d’une jeune musulmane de Casablanca qui tombe amoureuse d’un garçon juif. Les islamistes du Parti de la justice et du développement avaient appelé au boycott du film qui a fait 150 000 entrées au Maroc, autant qu’en France. Après dix ans environ, la voilà de retour avec un nouveau film, Rock the Casbah, tournant toujours autour de la société marocaine, et avec une tête d’affiche regroupant des acteurs de diverses nationalités: Omar Sharif, Hiam Abbas, Morjana Alaoui, Lubna Azabal et Nadine Labaki.
Au cœur de paysages baignés de soleil et de verdure apparaît la silhouette de Omar Sharif. Il nous raconte qu’il vient de mourir. Le patriarche d’une grande famille bourgeoise du Maroc vient de s’éteindre et, comme le veut la tradition, la maison et la famille seront plongées dans trois jours de deuil. Il y a d’abord l’épouse, Aïcha, les filles Miriam et Kenza, la grand-mère, la gouvernante depuis toujours, Yacout. Et la troisième fille Sofia qui débarque tout juste des Etats-Unis avec son fils qui ne comprend pas un mot d’arabe. Entrée de plain-pied dans un univers féminin qui se bat contre les traditions et les coutumes d’une société patriarcale et religieuse où les hommes héritent.
Trois filles donc, Sofia, Miriam et Kenza aussi différentes l’une que l’autre. Mais représentant chacune un modèle bien précis, un stéréotype. L’institutrice coincée, la «bimbo» qui ne s’occupe que de sa taille, et la révoltée Sofia qui a bâti sa vie ailleurs en tant qu’actrice qui endosse des rôles de terroristes. Et c’est là déjà la première faiblesse du film; alors que ses personnages féminins auraient pu déployer tout un éventail de sensibilités, d’attitudes, de discussions, de réactions, la réalisatrice les cantonne dans des rôles figés, clichés. Même si toutes les actrices, sans exception, s’en sortent merveilleusement bien par leur jeu et la véracité des émotions qu’elles incarnent. Mais cela ne suffit pas à donner un ton profond au film.
Le spectateur passe rapidement du rire à la gorge nouée, souvent sans trop comprendre la rapidité à laquelle s’est effectué ce revirement. Surtout le revirement final, ce «happy ending» auquel on a presque du mal à y croire. Certes, il y a quelques merveilleuses et poignantes séquences dans le film, notamment quand Omar Sharif, ou plutôt son fantôme, apparaît à l’écran pour dialoguer avec son petit-fils américain. Des scènes emplies de poésie et de charme.
On aurait tellement voulu s’y attacher au-delà d’un simple agréable moment à passer. Parce que le film s’adresse directement à nous, peuple arabe qui ploie toujours sous le joug d’un système patriarcal autoritaire où l’homme impose encore et toujours sa loi. Parce que le film sort des sentiers balisés et lassants des productions hollywoodiennes, même si… Parce que le casting apporte une telle dose de diversité, de fraîcheur et de poésie… Pour toutes ces raisons, on aurait voulu réellement aimer. Mais, dommage, Rock the Casbah se contente d’effleurer thématiques et personnages, sans approfondir ni les uns ni les autres. On en sort amusé, après avoir passé un bon et agréable moment au cinéma. Après, il n’en reste pas grand-chose, sauf quelques regrets.
Rock the Casbah est à la base le titre d’une chanson du groupe The Clash. En 1979, à la suite de la révolution iranienne qui précède la chute du Shah, l’ayatollah Khomeiny prend le pouvoir. République islamique, la musique rock est bannie. Le groupe de punk britannique The Clash répondra à cette interdiction en 1982 avec la chanson Rock the Casbah, une de ses chansons les plus connues, devenue une expression qui pourrait se traduire par le fait de désobéir pour une chose qu’on croit juste. Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, Laïla Marrakchi affirme que son film «n’est pas vraiment rock’n’roll, mais il porte, lui aussi, un message de liberté. Sofia… fait tout exploser lorsqu’elle rentre dans la maison familiale. Elle met le feu dans la Casbah, pas réellement bien sûr, mais de manière symbolique. Le message que porte le film est assez ‘‘bateau’’ pour les Occidentaux, mais pas tant que ça pour les Marocains: il faut se battre pour rester fidèle à ce qu’on est, à ses convictions».
Cycle Carlos Saura
Saura ou la narration dansée. Tel est l’intitulé du cycle, qui se poursuit au Cinéma Métropolis, jusqu’au 10 septembre. Parce que Carlos Saura s’est fait une spécialité de filmer la musique comme en témoignent la plupart de ses réalisations. Il a aussi traité des sujets et des genres divers, du film politique, au film social, au film autobiographique. L’association Métropolis et l’Institut Cervantès, en collaboration avec l’ambassade d’Espagne, invitent le public libanais à découvrir ou à revisiter certaines de ses œuvres tout au long d’une semaine qui tonne comme une ode à la danse, à la musique et au chant de tradition latine. Après le magnifique film d’inauguration La Caza, qui a valu au cinéaste l’Ours d’argent du meilleur réalisateur au Festival international du Film de Berlin en 1966, voici la suite de la programmation:
Vendredi 5 La prima Angélica (1974).
Samedi 6 Elisa, vida mía (1977).
Dimanche 7 Mamácumple 100 años (1979).
Lundi 8 ¡Ay, Carmela! (1990).
Mardi 9 Goya en Burdeos (1999).
Mercredi 10 Flamenco, Flamenco (2010).
Tous les films sont projetés à 20h30, en version espagnole sous-titrée en anglais, à l’exception de Flamenco, sous-titré en français.
Billets: 6 000 L.L.
Festival Pass: 30 000 L.L.
Informations: (01) 204 080.
www.metropoliscinema.net
Nayla Rached