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Nº 2978 du vendredi 5 décembre 2014

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La chasse aux épouses des jihadistes est ouverte. Négociations au prix du sang

L’embuscade des extrémistes contre l’Armée libanaise autour de Ras Baalbeck, qui a causé la mort de six soldats, est survenue quelques heures après l’annonce de l’arrestation des épouses du leader de l’Etat islamique, Abou Bakr el-Baghdadi, et de l’un des hauts responsables du Front al-Nosra, Abou Ali Chichani, partie prenante aux négociations autour des otages de Ersal.

Le combat que livrent les autorités politiques et militaires libanaises face aux terroristes du Front al-Nosra et de l’Etat islamique a pris cette semaine une tout autre tournure. Mercredi matin, c’est un calme précaire qui régnait sur ales hauteurs de Ras Baalbeck. D’ici ou là, tonnent des rafales de mitraillettes, mais rien de comparable aux violents affrontements survenus la veille. Mardi, aux alentours de 17 heures, une patrouille de l’Armée libanaise effectue une ronde de routine sur la route qui relie Ras Baalbeck à la Syrie. Deux jours auparavant, on apprenait par la presse londonienne qu’une équipe britannique, composée d’anciens soldats et d’ingénieurs, avait construit au mois de juillet douze miradors équipés de phares et de caméras de surveillance autour de Ras Baalbeck pour protéger la localité et surveiller les mouvements des islamistes dans cette zone située à quelques kilomètres de Ersal. A 17h10, la patrouille militaire est la cible de tirs nourris d’armes automatiques et de roquettes antichars. Le sergent Ali Yazbeck, les soldats Machhad Charafeddine et Mohammad Sleiman et les conscrits Mohammad Salim, Rabih Houda et Ali Mohammad, âgés entre 20 et 33 ans, seront tués dans cette embuscade.
 

Attaque repoussée
L’attaque a lieu à Tall el-Hamra, sur l’une des collines surplombant Ras Baalbeck, à sept kilomètres à l’est de la localité. Ce secteur agraire est particulièrement surveillé depuis la première bataille de Ersal au mois d’août dernier, car il constitue l’une des possibles portes de sortie des extrémistes qui contrôlent Ersal et ses environs. Le premier souci des troupes arrivées en renfort après l’attaque était de récupérer les corps des soldats tombés dans l’embuscade. Les commandants craignaient que les assaillants les utilisent en monnaie d’échange. Deuxième priorité militaire, empêcher les jihadistes de se réfugier sur les hauteurs syriennes du Qalamoun. Avec le soutien de forces héliportées et de missiles moyenne distance, l’armée a bombardé aussi bien les assaillants que les routes de retraite. Une façon de les encercler et de les éliminer. Les combats auront duré plusieurs heures, jusque mercredi à l’aube.

 

Qui est Saja Douleimi?
Dans la nuit de mardi à mercredi, des contacts réguliers entre le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, le ministre de la Défense, Samir Mokbel, et le Premier ministre, Tammam Salam, qui se trouvait à Bruxelles dans le cadre d’une visite officielle, ont été effectués pour organiser la riposte. Qui a fomenté l’attaque de Ras Baalbeck? Les sources sécuritaires expliquent qu’aussi bien les combattants de l’Etat islamique que le Front al-Nosra avaient des raisons de le faire, et précisément dans ce contexte. Ces mêmes sources expliquent pourtant le plan militaire, les organisations terroristes qui contrôlent une zone de quelque dizaines de kilomètres carrés autour de Ersal n’avaient aucun intérêt à briser le statu quo. Les observateurs sont unanimes, l’attaque meurtrière de Ras Baalbeck est intimement liée aux informations révélées plus tôt dans la journée.
Dans des propos relayés par l’AFP et l’agence Reuters, des responsables sécuritaires libanais ont révélé que le 19 novembre dernier, une femme, Saja Douleimi, soupçonnée d’être l’épouse du leader de l’Etat islamique, (EI) Abou Bakr el-Baghdadi, est arrêtée par l’Armée libanaise. Tout au long de la journée, la confusion a régné quant aux circonstances de cette arrestation. A-t-elle été arrêtée au barrage militaire de Madfoun qui sépare le Nord du Mont-Liban sur l’autoroute côtière ou à un barrage près de Ersal? Un haut responsable des services de sécurité libanais a déclaré qu’elle voyageait en compagnie d’une des filles de Baghdadi, vraisemblablement âgée de 8 ou 9 ans, contredisant les premières informations qui faisaient état d’un fils. A l’heure où ces lignes sont écrites, les liens qui unissent Douleimi à Baghdadi ne sont pas encore clairement établis. Le fait qu’elle était accompagnée de l’un des enfants de ce dernier fait dire aux enquêteurs que Douleimi a certainement été, à un moment donné, l’une des épouses du leader de l’EI.
Douleimi circulait avec un faux passeport et a sans doute été arrêtée avec la coopération de services de renseignements étrangers, notamment irakiens qui ont confirmé son identité. Des sources indiquent que Saja Douleimi a expliqué aux enquêteurs qui l’ont interrogée dans les locaux du ministère de la Défense à Yarzé qu’elle s’est déplacée entre Tripoli, Chtaura, Ersal et Dennié. La seule certitude, c’est que ce n’est pas la première fois que le nom de Saja Douleimi, de nationalité syrienne, apparaît au Liban. Lors de la libération des douze religieuses de Maaloula, détenues par le Front al-Nosra, leurs ravisseurs avaient placé son nom en tête de liste des prisonniers captivés par le régime syrien et dont ils souhaitaient la libération. A l’époque, elle avait été présentée comme l’épouse d’un important chef jihadiste. Mais les informations évoluent très vite. Mercredi matin, des sources sécuritaires libanaises révélaient que Douleimi a expliqué qu’elle était mariée à un certain Ibrahim Samaraï qui serait, en fait, l’un des nombreux noms utilisés par Baghdadi. Quelques heures plus tard, le ministère irakien de l’Intérieur a mis fin à la confusion en annonçant officiellement que Saja Douleimi n’était pas l’épouse de Baghdadi. Il a précisé que les épouses connues du chef de Daech se nomment Asma’ Faouzi Mouhammad el-Doulaimi et Isra’ Rajab Mahal el-Qaysi.

 

Al-Nosra en colère
Autre prise annoncée mardi, l’arrestation par les services de renseignements de l’armée à Hliane, situé à dix kilomètres au nord-est de Zghorta, de Alaa Jarkas, l’une des femmes, âgée de 22 ans, de l’un des commandants du Front al-Nosra Anas Jarkas, alias Abou Ali el-Chichani. Elle logeait, en compagnie de réfugiés syriens, dans les locaux de l’école publique du village. Mais sur ce dossier aussi, les informations divergent. Certains expliquent qu’elle a été arrêtée à Kobbé, près de Tripoli; d’autres à Fayda, près de Saadnayel dans la Békaa. Les observateurs de la mouvance islamiste au Liban indiquent qu’Abou Ali el-Chichani a remplacé Abou Azzam el-Koweïti, tué dans des combats plus tôt dans l’année, à la tête du commandement militaire du Front al-Nosra. A ce titre, il serait celui qui contrôlerait en personne le lieu où sont retenus en otages les soldats et les policiers libanais à Ersal et, selon certaines sources, l’ordonnateur de l’attaque de Ras Baalbeck.
L’arrestation de ces deux femmes par les services libanais de sécurité constitue, dans l’absolu, deux nouvelles cartes maîtresses dans les négociations qu’ils mènent avec les ravisseurs de Ersal. Mais, si l’information du lien entre eux et l’attaque de Ras Baalbeck venait à se confirmer, ces coups de filet auraient eu l’effet inverse recherché. Après l’annonce de ces arrestations, le Front al-Nosra a menacé, dans un communiqué rapporté par l’agence de presse Anatolie, d’exécuter tous les militaires libanais retenus en otages. «Nous ne nous contenterons pas de l’exécution de Mohammad Hamiyé [otage tué par balles le 19 septembre dernier] où de celle de tous les militaires pour nous venger. Le gouvernement libanais a prouvé  sa faiblesse en arrêtant des femmes et des enfants, il a également montré qu’il était l’allié du Hezbollah».

Julien Abi Ramia

Otages: l’impasse
L’épée de Damoclès, brandie par les ravisseurs, pend plus que jamais au-dessus de la tête de Ali Bazzal. Vendredi dernier, un premier sursis avait été accordé jusqu’à lundi 22h, le Front al-Nosra demandant au gouvernement libanais de libérer ses prisonniers. Afin d’accentuer la pression sur les autorités, les familles des otages ont fermé plusieurs routes à travers le pays, de Beyrouth à la Békaa. Réaction du clan Bazzal dans un communiqué incendiaire. «S’il arrive quelque chose à Ali Bazzal, aucune femme, aucun homme ou vieillard syrien à Ersal ne sera épargné». Alors que les familles accordent leur confiance à la médiation du cheikh Moustafa Houjeiry, Tammam Salam s’est entretenu mardi au téléphone avec l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, et l’a prié d’activer la médiation qatarie pour aider le Liban dans la résolution de ce dossier.

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