Comme attendu, le Conseil constitutionnel a rejeté, vendredi dernier, à l’unanimité de ses dix membres, le recours en invalidation présenté le 13 novembre par le Courant patriotique libre contre la loi prorogeant de trente et un mois le mandat de la Chambre.
Cette fois, il s’est réuni en présence de tous ses membres. Le Conseil constitutionnel aura au moins échappé à la mascarade de l’année dernière lorsqu’au moment de la première prorogation du mandat du Parlement, trois de ses membres, proches du mouvement Amal et du Parti socialiste progressiste (PSP), avaient consenti à ne pas assurer le quorum. Le 28 novembre, le conseil a rendu une décision claire et motivée dont les attendus ont été particulièrement scrutés par les opposants politiques et civils de la prorogation. Jugé recevable, le recours a donc été rejeté «strictement pour éviter l’extension de la vacuité dans les institutions constitutionnelles», est-il indiqué dans les attendus de la décision. Deuxième argument, «le vote de la loi, neuf jours avant l’expiration du mandat des députés, et la présentation du recours au Conseil constitutionnel, une semaine avant l’expiration de ce mandat, rétrécissent dans la plus large mesure les alternatives devant le Conseil constitutionnel». En d’autres termes, «la prorogation, telle qu’elle s’est opérée, doit être considérée comme une voie de fait».
Le Conseil constitutionnel a énuméré les cinq principes fondamentaux qui ont dicté sa décision. «La périodicité impérative des élections est un principe constitutionnel absolu qui ne supporte aucune violation». En clair, les élections législatives doivent avoir lieu même s’il fallait passer par une prorogation du mandat du Parlement pour donner le temps nécessaire à l’organisation du scrutin. Ensuite, le conseil explique que «toute liaison de cette périodicité impérative à un accord sur une législation électorale, ou une autre considération, est incomparable avec la Constitution». Autrement dit, lier la prorogation à l’absence, par exemple, de l’adoption d’une nouvelle loi électorale ne doit pas être perçu comme une considération constitutionnelle, mais politique. Le conseil estime ensuite que «les circonstances exceptionnelles doivent être temporellement délimitées et circonscrites, limitativement, à la durée de ces circonstances».
Il explique aussi que «la périodicité impérative de l’échéance électorale doit s’opérer juste à l’expiration des circonstances exceptionnelles et sans attendre la fin du mandat prorogé» et que «le sabotage des institutions constitutionnelles, surtout à la tête de l’Etat, constitue une violation flagrante de la Constitution». Ce dernier principe a été reçu par le CPL avec une grande réserve. Pourquoi le Conseil constitutionnel s’est-il prononcé sur la vacance présidentielle, alors que le recours qu’il a présenté concernait la prorogation du mandat du Parlement, se demande-t-on à Rabié? A ses visiteurs, le leader du CPL Michel Aoun a expliqué que «le prétexte de la vacance n’était pas justifié». Du Ghana, le chef de la diplomatie libanaise Gebran Bassil, plus direct, a souligné: «Notre réel chagrin est le fait que le Conseil constitutionnel, supposé préserver la Constitution, a légiféré la prorogation, défiant ainsi la loi première du pays».
Samedi, le député Ibrahim Kanaan a affirmé que «la bataille du CPL n’a pas pris fin avec le rejet du recours en invalidation de la prorogation du mandat de la Chambre», ajoutant que «personne n’arrivera à Baabda ou élaborera une loi électorale sans passer par le premier bloc parlementaire chrétien». La phase constitutionnelle refermée, place désormais à la politique.
Julien Abi Ramia
Les Kataëb prennent acte
Lundi, au terme de sa réunion périodique sous la présidence de son chef Amine Gemayel, le parti Kataëb a estimé que «la décision du Conseil constitutionnel le concerne. Il constitue un organe indépendant et son autorité est respectée. Toutefois, cette décision ne répond pas aux aspirations du parti, qui est attaché à la démocratie et au droit de vote de l’électeur. Le Parlement doit accomplir son devoir national, à savoir, l’élection d’un chef d’Etat, l’approbation d’une nouvelle loi électorale et la mise en œuvre d’une loi pour raccourcir la durée du mandat prolongé pour la deuxième fois. Cela redorera alors le lustre du droit de l’électeur et de la rotation du pouvoir».