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Nº 2978 du vendredi 5 décembre 2014

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Père Salim Daccache s.j. «A l’USJ, des élections sans liberté ni démocratie»

L’Université Saint-Joseph (USJ) a décidé de reprendre les choses en main. Après la suspension des élections, l’université œuvre aujourd’hui à élaborer une communication de crise en planifiant des tables rondes et prépare une charte commune pour les élections à venir. Le recteur de l’USJ, le père Salim Daccache s.j, expose la situation.
 

Quelles sont les causes qui ont poussé l’USJ à prendre la décision de suspendre les élections estudiantines?
Mon souci premier, c’est la sécurité des personnes. Malheureusement, nous avons traversé, l’année passée, des moments assez difficiles, et nous avons dû œuvrer avec beaucoup de prudence sur tous les campus pour empêcher les disputes entre les étudiants, susceptibles d’engendrer de la violence physique. Or, depuis le début de l’année, nous avons constaté une croissance de l’ambiance violente. Par conséquent, non par peur, mais au vu de ce qui s’était passé, nous nous sommes dit qu’il vaudrait mieux, pour une année, suspendre les élections afin que les gens puissent retrouver la paix intérieure. Sans paix intérieure et sans cessation de ces campagnes violentes sur les réseaux sociaux, la situation aurait été bel et bien dramatique. La deuxième raison à l’origine de cette décision consiste en une campagne électorale ponctuée de menaces, un manque de liberté, des pressions exercées sur les étudiants. L’USJ baignait dans une atmosphère très tendue. Les règles les plus simples de la démocratie manquaient. Il a donc fallu prendre le temps de discuter et faire réfléchir les étudiants sur une telle situation afin d’aider ces jeunes à organiser leur campagne électorale en toute démocratie et liberté. Enfin, ayant remarqué qu’après les élections, le comité était formé d’une majorité représentant un certain courant politique et d’une minorité représentant un autre, les étudiants refusaient de travailler ensemble, l’USJ n’a pas hésité à prendre une telle décision.

 

Pourquoi n’avoir pas opté pour l’organisation de débats politiques, de conférences et de tables rondes pour initier les étudiants à la vie politique?
Un peu partout à l’université, les élections n’aboutissaient à rien. Nous avons créé un conseil de la vie estudiantine, où tout le monde était représenté, mais personne n’assistait aux réunions. Par paresse peut-être, mais aussi parce que les différents partis politiques ne voulaient pas de ce genre de conseil dont ils n’avaient pas eux-mêmes mené le déroulement. Le but des élections est d’avoir des comités actifs représentant la voix des étudiants, leurs intérêts et leurs plaintes. Or, en l’absence de vie universitaire saine, c’est la haine et le rejet de l’autre qui sont engendrés. Les étudiants ne se parlaient plus. Nous avons essayé plusieurs fois l’année passée de les réunir, en vain.

Les élections, bien que politisées aussi à l’AUB, ont quand même eu lieu…
Les enjeux à l’AUB ne sont pas les mêmes. A l’USJ, les élections sont très politisées. A l’université américaine, il existe un bon nombre d’indépendants. Ici, nous sommes au milieu d’Achrafié, l’impact du Hezbollah, des Forces libanaises et des Kataëb se sent plus directement. Si l’USJ était située à la place de l’AUB, il n’y aurait rien eu. Surtout que les politiciens ou les partis politiques mesurent leur «force» au sein de l’USJ et non à l’AUB. C’est, selon eux, ici que tout se joue, et surtout à Huvelin. A l’AUB, les élections sont parfois faussées. Le Parti socialiste progressiste distribue chaque année les rôles d’un côté ou de l’autre. Plus encore, à l’AUB, nous avons compté l’année passée 45% de votants contre 90% à l’USJ.

Cette prise de décision ne nuit-elle pas à l’image de l’université, comme quoi les étudiants de l’USJ sont incapables d’exercer la démocratie?
Nos étudiants en sont, oui, incapables lorsque nous constatons que les élections virent à la violence, à l’insulte, au rejet et à l’exclusion de l’autre. C’est pourquoi nous avons déjà commencé à organiser des tables rondes. La décision a constitué, certes, un choc mais au moins, aujourd’hui, les étudiants commencent à se parler et à communiquer entre eux. Un programme de débat sera bientôt organisé, une charte commune sera rédigée par l’ensemble des étudiants. Cette charte portera sur la campagne électorale, sur le respect de l’autre, sur le déroulement des élections, sur l’utilisation des réseaux sociaux et, surtout, sur la vie active et l’application réelle des objectifs communs. Nous ne cherchons pas à éliminer l’aspect politique. Il y a politique et politique. Si le but est de réfléchir sur les principes politiques, sur la vie citoyenne, sur l’avenir des jeunes, le côté politique des élections n’est et ne sera jamais défendu ou rejeté. L’université est après tout un lieu d’éducation et de formation de la conscience. Il faut que les partis politiques sachent que l’USJ est avant tout une université.

Propos recueillis par Natasha Metni

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