Magazine Le Mensuel

Nº 2981 du vendredi 26 décembre 2014

En Couverture

Les députés-voyants imaginent 2015

L’année 2015 pointe le nez. Porteuse d’espoirs, d’angoisses ou d’incertitudes. Magazine a sondé des députés de différents bords sur leurs perspectives et expectatives pour la nouvelle année.

Antoine Jahra, député FL
«Aucune crainte pour les chrétiens»

L’année 2015 verra-t-elle enfin l’élection d’un président de la République?
C’est inacceptable que l’on soit encore sans président. Malgré l’intense activité diplomatique et les nombreux émissaires, rien de concret ne se dessine à l’horizon. Tout cela est positif et va dans le sens d’une élection, mais il n’existe toujours aucun accord. Je pense que nous aurons un président dans la première moitié de l’année et celui-ci ne sera ni du 8 ni du 14 mars. Ce sera un président consensuel.

Comment voyez-vous la future année sur le plan de la sécurité?
Malgré toutes les menaces de Daech, grâce à l’action de l’armée et à la volonté interne, aucun environnement favorable ne permet à cette organisation de transposer son terrorisme à l’intérieur des frontières libanaises. L’Armée libanaise déploie des efforts louables et réussit à contrôler la situation aux frontières et à repousser la menace terroriste.

L’Armée libanaise va-t-elle enfin recevoir l’aide militaire tant promise?
Certainement! Toutes ces promesses sont en train de se traduire concrètement et l’armée va bientôt recevoir le matériel promis par l’Arabie saoudite. D’autres démarches concernent l’armée grâce au milliard géré par le président Saad Hariri. Ainsi, l’Armée libanaise aura tout le matériel dont elle a besoin sans oublier l’aide des Etats-Unis qui, quoique limitée, est très efficace dans la lutte contre les terroristes.

L’année 2015 verra-t-elle une rencontre entre le général Michel Aoun et le docteur Samir Geagea?
Il faut être optimiste et penser positivement.

Avez-vous des craintes pour les chrétiens du Liban?
Je n’ai aucune crainte pour les chrétiens du Liban et je ne compare pas leur situation à n’importe laquelle de ceux de la région. Le Liban a toujours été le refuge de toutes les personnes et les communautés persécutées. C’est une terre d’accueil. Tous ceux qui ont refusé la dictature, l’intolérance et la persécution se sont réfugiés au Liban. Nous devons sauvegarder notre rôle à tout prix. Nous avons prouvé que lorsqu’il le fallait, nous savions nous défendre et nous continuerons à le faire chaque fois que les circonstances l’exigent. Jamais nous ne quitterons!

Farid Khazen, député du CPL
«Statu quo en Syrie»

Le Liban verra-t-il un nouveau président en 2015?
Certainement. C’est une affaire qui a déjà pris trop de temps. C’est une période de transition qui devrait aboutir dans quelques mois. Le président sera-t-il du 8 mars, du 14 mars ou consensuel? La question n’est pas encore claire.

Comment sera l’année 2015 sur le plan de l’économie?
Les indicateurs économiques seront presque les mêmes. Nous sommes surtout affectés par la situation en Syrie. Le problème des réfugiés ne peut être réglé par le Liban seul. Les conséquences vont empirer du fait que la guerre en Syrie se poursuivra en 2015 et affectera le Liban sur le plan de l’économie qui sera pareille qu’en 2014.

Comment voyez-vous la situation en Syrie en 2015?
Un statu quo. Il n’existe pas de solution politique acceptable. Si un changement doit intervenir, il sera lié aux négociations entre les Etats-Unis et l’Iran. Je pense que les deux parties veulent aboutir à un accord, pour des raisons différentes. Ceci est possible à mon avis et affectera la situation générale, surtout en Syrie, plus qu’au Liban. Une solution politique n’est pas envisageable à court et moyen termes en Syrie surtout que la guerre a changé de face. Ce n’est plus la crise, qui a commencé il y a trois ans, entre l’opposition et le gouvernement, mais une guerre régionale. Une guerre qui se poursuit ainsi prend un caractère interne et externe. De plus, Daech et les islamistes ne sont plus une simple vision, mais sont devenus une véritable réalité. Ils existent bel et bien en Irak, en Syrie et au Liban et leur projet est de fonder un califat. Il faudra du temps à la coalition pour pouvoir les éliminer. Le Liban en est déjà affecté. Ce qui se passe à Ersal n’est pas de la théorie, mais la réalité du conflit.

Le Liban pourra-t-il profiter de son gaz et de son pétrole?
Le travail de base a été fait et il n’y a aucune de raison de ne pas continuer d’y travailler loin de la politique. Nous étions déjà en retard sur ce plan. Lorsque Gebran Bassil a entamé le travail, rien n’existait. Ce dossier compte maintenant une feuille de route et il faut continuer à la suivre. 

Abdel-Majid Saleh, député d’Amal
«Un président au 1er trimestre» 

Aurons-nous un président en 2015?
Nous partageons avec nos frères chrétiens leur angoisse de l’avenir et celle de voir l’Orient se vider de sa principale composante que sont les chrétiens. Nous espérons avoir bientôt un président chrétien pour assurer un véritable partage du pouvoir entre les différentes communautés. C’est d’ailleurs la ligne de l’imam Moussa Sadr. On espère accélérer l’élection afin de stabiliser la situation interne. J’estime que cela se fera dans le premier quart de l’année.

Qu’en est-il du pétrole et du gaz?
J’ai beaucoup de réserves à ce sujet. Le pétrole et le gaz devraient être une sorte de récompense pour le peuple libanais, surtout pour les pauvres. J’espère que les Libanais pourront profiter de ces richesses. Il faut s’élever au-dessus des intérêts personnels. Nous assistons à beaucoup de scandales dans tous les domaines. La corruption est partout et je crains qu’elle ne fasse sombrer tout le Liban.

Comment voyez-vous la situation sécuritaire au Liban en 2015?
Ce dont nous avons le plus besoin, c’est que tous les Libanais soient solidaires de l’armée. Chaque attentat contre la troupe entraîne des paroles en l’air et des propos tendancieux. Il faut que nous soyons tous unanimes dans notre appui à l’armée qui sert d’ombrelle pour les Libanais, sans exception. Nous nous disputons au sujet des lois ou des candidats à la présidence, mais l’armée doit en être épargnée. On ne peut pas la laisser entre les mains des terroristes et sous le joug des daechistes locaux. La première chose sur laquelle les Libanais doivent se mettre d’accord, c’est leur soutien inconditionnel à l’armée.

Les militaires et gendarmes kidnappés seront-ils libérés en 2015?
Comme le dit l’adage, trop de cuisiniers brûlent le plat. La manière dont sont menées les négociations fait beaucoup de tort aux soldats kidnappés. Il n’y a pas de position unifiée. L’Etat libanais tient des cartes maîtresses qu’il devrait utiliser. Pourquoi la prison de Roumié est-elle un carré sécuritaire pour les islamistes qui y imposent leur loi et font de la provocation?

Serge Toursarkissian, député du Futur
«Un président? Pas nécessairement»

Aurons-nous un président en 2015?
Pas nécessairement. Mon souhait serait que les quatre grands partis politiques se réunissent et prennent ensemble la décision historique d’élire un président «Made in Lebanon». Une telle décision est encore possible et nous pouvons la prendre si tous ces partis se mettaient d’accord. Il n’est pas impératif que la décision vienne de l’extérieur. De toute manière si tel est le cas, cela prendra encore beaucoup de temps.

Qu’en est-il du Tribunal spécial pour le Liban?
Son action commence à porter des fruits, surtout avec le témoignage de Marwan Hamadé. Cela va continuer avec les autres également. Le chemin de la justice est long, mais il finira par aboutir. La lumière des justes ne s’éteindra jamais.

Aurons-nous une nouvelle loi électorale en 2015?
Jusqu’à présent, nous avons deux propositions de lois électorales: celle du président Nabih Berry et la nôtre. Il existe des différences minimes entre ces deux lois. Si nous arrivons à trouver un terrain d’entente, nous aurons une nouvelle loi, la loi mixte, que nous sommes en train d’étudier actuellement. Quant à la loi orthodoxe, elle n’est plus à l’ordre du jour puisque le président Berry n’en veut plus.

Comment voyez-vous la situation sur le plan sécuritaire en 2015?
Il existe une entente entre l’armée et les hommes politiques pour garder Daech aux frontières, jamais à l’intérieur. La situation continuera dans le même esprit, d’où l’importance d’élire un président. Lorsqu’on le réclame, ce n’est pas seulement pour la personne du président, mais pour l’entente nationale qu’il représente et qui dépasse sa personne.

Les Libanais pourront-ils profiter du pétrole et du gaz en 2015?
Avec la baisse du prix du pétrole, je ne sais pas s’il sera lucratif d’extraire le gaz et le pétrole. Il faut attendre de voir comment la situation va évoluer. Mais la baisse du prix du baril profite largement au ministère des Finances qui, sans aucun effort de sa part, fera de très grandes économies et entraînera une large baisse dans le budget des dépenses de l’essence et du fuel qui compte jusqu’au tiers du budget national. 

Interviews recueillies par Joëlle Seif

 

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