Le forcing pour empêcher le remblaiement du quatrième bassin du port de Beyrouth se poursuit. L’escalade est une option à l’ordre du jour des protagonistes et le bras de fer se joue à présent serré.
La récente recommandation solennelle de la Commission parlementaire des Travaux publics et du Transport, présidée par le député Mohammad Kabbani, appelant le chef du gouvernement, Tammam Salam, et le Conseil des ministres à ordonner dans l’immédiat la suspension de la décision de remblayer le bassin No 4 du port de Beyrouth est restée un cri dans le désert. Le comité de gestion et d’exploitation du port de la capitale, en place à titre provisoire, continue d’acheminer la logistique pour entamer les travaux d’ingénierie. La commission parlementaire n’a pas manqué de relever clairement les attendus qui rendent ces travaux illégaux. A priori, l’adjudication de gré à gré par le comité à la société Houri du contrat d’un montant d’environ 120 millions de dollars constitue une violation flagrante des dispositions de la loi sur les mécanismes d’adjudications publiques. Cette décision d’entamer les travaux avait été suspendue par le gouvernement de Najib Mikati pour être remise en vigueur «par une simple correspondance entre le secrétaire général de la présidence du Conseil, Souhail Bougi, et le comité de gestion et d’exploration du port de Beyrouth». Elle est également en violation du décret présidentiel pris en 1996 portant sur la création des IVe et Ve bassins (décret No 9040/1996 signé par le président Elias Hraoui). Nonobstant le fait que le remblaiement d’un bassin névralgique tel celui du bassin IV pour l’activité portuaire vu ses caractéristiques techniques uniques dans la région du Proche-Orient pourrait être substitué simplement par un élargissement du port vers l’est jusqu’à la périphérie du fleuve de Beyrouth. Pour le Syndicat des camionneurs du port, tout comme pour ceux des dockers et autres manufacturiers de ce service public, le remblaiement dudit bassin équivaut à leur chômage technique, l’accostage des navires de marchandises en vrac devenant impossible, cédant la place à la seule activité plausible, celle du transbordement. Sachant que celle-ci ne contribue en rien à la croissance du PIB et, par conséquent, à la croissance économique, mais simplement à l’augmentation des gains du consortium qui a la charge de gérer le terminal de conteneurs. Un consortium dont les actionnaires principaux sont des personnes appartenant à la classe dirigeante dans le pays. Selon la thèse d’un expert économique qui corrobore les doléances des ouvriers du port de Beyrouth, les activités d’exportation et d’importation sont le momentum de l’économie nationale, soulignant par ailleurs la nécessité de révéler à l’opinion publique les auteurs de l’étude de faisabilité, ainsi que ses détails vu le coût de l’ouvrage à accomplir. Ceci dit, le gouvernement est mis dans le collimateur dans la mesure où le remblaiement du bassin No 4 ne s’inscrit dans le cadre d’aucune vision ou politique portuaire nationale, sans oublier le fait que la création de ce bassin en 1999 avait déjà coûté au Trésor plus de 150 000 000 de dollars.
Liliane Mokbel