Magazine Le Mensuel

Nº 2984 du vendredi 16 janvier 2015

general

Yalla 3a2belkon. Single, Married, Divorced

Après avoir écrit le scénario d’Ossit sawani, Nibal Arakji, également productrice et actrice, présente Yalla 3a2belkon – Single, Married, Divorced, dont la réalisation est confiée à Elie Khalifé. Et la société libanaise porte son regard sur la femme célibataire.

De par beaucoup de points de ressemblance, parfois de manière flagrante, le film semble se présenter comme une version libanaise de Sex and the City. Sauf que, si l’histoire originale des quatre Américaines s’est étalée sur six saisons et même deux films, Yalla 3a2belkon la condense en l’espace de deux heures. Mais à trop vouloir tout mettre, toutes les «idées messages» concernant plusieurs sujets touchant à la société, tous les détails, toutes les complications, l’intrigue finit par se disperser en un assemblage de scènes légèrement disparates, certaines parfois plongeant dans l’artifice et l’exagéré.
Alternant des scènes tour à tour comiques ou dramatiques, le film conforte ce célèbre adage: «Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus». Pourtant, tout avait bien commencé, très bien même, le temps de connaître les personnages, de se familiariser avec chacune des quatre protagonistes, son caractère, son entourage, ses petites histoires, ses amours, ses déceptions… Tout d’abord, il y a Yasmina, interprétée par Darine Hamzé, maquilleuse professionnelle qui, passés ses 35 ans, ne cesse de subir la pression de sa mère (Julia Kassar) pour se trouver un mari, alors qu’elle n’est pas pressée et cherche un mariage d’amour. Ensuite Layan, campée par la scénariste et productrice du film Nibal Arakji, créatrice de mode, amoureuse d’un homme marié (Badih Abou Chacra), qui ne cesse de lui promettre qu’il quittera sa femme avec qui «il ne s’entend plus du tout», dit-il. Puis, il y a Taline, alias Nada Abou Farhat, galeriste, femme forte et indépendante qui craint tout engagement et préfère les relations de passage. Finalement, Zeina, derrière les traits de Marwa Khalil, docteure de 37 ans, qui ne désespère pas encore de trouver l’homme idéal, même si, jusqu’à présent, tous ses rendez-vous «amoureux» s’avèrent catastrophiques. Toutes se rencontrent souvent, s’échangent leurs petites histoires, rient ensemble, s’encouragent mutuellement et se soutiennent dans les beaux comme dans les moments difficiles; déception amoureuse, abandon, maladie… Comme une grande partie des Libanaises, elles cherchent l’amour et l’indépendance à la fois. Elles sont déchirées entre tradition et modernité.
En filigrane, Beyrouth, comme l’une des protagonistes également, est toujours présente, notamment à travers les travellings de la ville qui illuminent l’écran, parfaitement rendus par le réalisateur Elie Khalifé qui signe là son deuxième long métrage, après Yanoosak. Mais cette fois, d’après un scénario qu’il n’a pas lui-même écrit. Khalifé souligne l’importance de cette expérience pour lui, celle de participer à la réalisation d’un film «honnête, drôle et profond à la fois». Nibal Arakji, de son côté, présente avec, Yalla 3a2belkon, son deuxième scénario destiné au cinéma, après Ossit sawani (Blind Intersections), réalisé par Lara Saba. Changement de genre, changement d’ambiance, après un film dramatique qui a tourné dans plusieurs festivals de par le monde et a même été sélectionné pour représenter le Liban aux Oscars 2014, elle passe au registre de la comédie, rassemblant autour d’elle une tête d’affiche reconnue et populaire.
Le casting compte des noms connus dans le monde du cinéma local, et ce, pour les rôles principaux tout comme pour les rôles secondaires qui incluent également Mario Bassil, l’acteur égyptien Ayman Kaissouni, Charbel Ziadé, Yara Abi Haïdar…
Le jeu n’est certes pas égal. Si Nada Abou Farhat habille, encore une fois, avec la même justesse, le même profil de personnage, de femme libérée et insouciante, Marwa Khalil se distingue par la simplicité de son jeu, presque spontané, sans artifices, sans exagération. Mais c’est surtout Julia Kassar qui tire son épingle du jeu. Chacune de ses apparitions à l’écran sonne comme une bouffée d’air frais, tant l’actrice parvient à donner une vie pétillante à son personnage, malgré les clichés qui le pétrissent.
Amusant et divertissant, certaines scènes étant particulièrement drôles, Yalla 3a2belkon vise tout le public libanais, parce que, comme le pointent presque tous les collaborateurs, les situations mises à l’écran peuvent être vécues par tout un chacun. Nibal Arakji affirme en effet: «Nous sommes tous tombés amoureux, nous avons vécu des jours heureux, nous avons trahi ou même été trahis. Chacun a vécu une situation pareille. C’est pour cela que le film touchera tous les spectateurs et chacun s’y retrouvera».
Yalla 3a2belkon – Single, Married, Divorced pointe du doigt la société libanaise ou, plus justement, une certaine tranche de la société, dans ce qu’elle a de patriarcal, d’injuste entre les sexes, de figé, d’ancré dans les traditions, les us et les coutumes, dans ce que la célibataire et même le célibataire subissent comme pression incessante de tous les côtés pour se caser. Mais le dénouement finit par rallier cette même société. Contradiction ou conviction? Manque d’audace ou envie d’espérer? Perpétuation des coutumes pour une perpétuation du «type»? Et une «happy end» pleine de vie et de joie à la libanaise pour accrocher le sourire sur les lèvres des spectateurs.

Nayla Rached

Dans toutes les salles de cinéma libanaises.

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