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Nº 2985 du vendredi 23 janvier 2015

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Ibrahim Kanaan, député du Metn. Pour un dénominateur commun avec les FL

Entre le scepticisme des uns et la bonne foi des autres, le dialogue entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises a bel et bien commencé. Loin des procès d’intentions, Ibrahim Kanaan, député du CPL, se dit confiant. Pour Magazine, il fait le point de la situation.  
 

Existe-t-il un ordre du jour précis au dialogue entre le CPL et les FL?
Notre dialogue avec les Forces libanaises porte sur deux grands dossiers. Le premier concerne le pouvoir et son rôle, la loi électorale, l’élection présidentielle, les réformes, le développement équilibré des régions, la gestion de la crise des déplacés syriens. Le second dossier porte sur la souveraineté et la crise que traverse toute la région. Ce que nous faisons dépasse un simple agenda ou un ordre du jour. Le dialogue a bel et bien été entamé. Nous sommes en quête d’un dénominateur commun. Nous voulons parvenir aux points de rencontre et résoudre les divergences. Nous travaillons sur une esquisse. Des remarques sont faites de part et d’autre. A cette date, trois étapes ont déjà été franchies: établissement d’un ordre du jour, échange de remarques, préparation d’un brouillon.

Beaucoup ne croient pas à ce dialogue…
Les sujets sont d’ordre général et la progression du dialogue est positive. Nous continuerons jusqu’au bout. Il y va de l’intérêt des chrétiens et des Libanais en général. On ne peut pas aborder un dialogue avec l’ancienne mentalité qui ne nous mènera nulle part. Le général Michel Aoun dit qu’il ne faut pas vivre dans le passé, mais il ne faut pas l’oublier non plus pour ne pas faire les mêmes erreurs. Il faut se souvenir du passé pour construire l’avenir. Nous vivons sous un régime communautaire et, bien que nous représentions tous les Libanais, nous représentons surtout une grande partie des chrétiens. Il faut que nous nous mettions d’accord sur des principes. Certaines choses doivent dépasser la lutte politique pour corriger le pacte national. On ne peut pas ignorer les droits et le rôle des chrétiens. Nous ne sommes pas un parti confessionnel, mais la sauvegarde de la coexistence vient de l’équilibre entre les différentes communautés. Cet équilibre ne peut s’obtenir sans un minimum d’entente entre les partis chrétiens. Il faut revoir leur choix depuis l’indépendance à ce jour. Les tabous doivent être brisés. Il faut comprendre que le Liban n’est pas une priorité pour l’Occident. On ne peut plus se permettre de réfléchir de manière classique dans nos choix et rester inactifs. Depuis trente ans, un tel dialogue n’a pas eu lieu. Il s’agit d’une mise au point et de réconciliation.

Pensez-vous que le Dr Samir Geagea tiendra parole en cas d’accord? L’expérience du projet de loi orthodoxe n’a-t-elle pas montré qu’il en était incapable?
Je n’analyse pas les intentions et je suis plein d’espoir. Nul ne peut ignorer l’autre. Les Forces libanaises sont bien présentes. Il nous faut sortir de ces complexes.

Certains accusent le CPL et les FL de résumer à eux seuls tout le paysage chrétien…
Lorsque le Courant du futur dialogue avec le Hezbollah résument-ils la scène musulmane? Chaque dialogue doit-il inclure tout le monde? Où que l’on arrive, l’entente ne se fera pas aux dépens des autres qui auront leur mot à dire. Nous sommes les deux plus grandes forces chrétiennes, mais nous ne sommes pas les seules. Chaque fois que deux personnes dialoguent, elles n’éliminent pas les autres. C’est une tentative qui peut réussir ou échouer. Le problème existe entre le CPL et les FL. Ce qui s’est passé entre nous ne l’a pas été avec les autres. Cela démontre un manque de culture politique. Nous ne sommes pas à la recherche d’une alliance politique ou électorale.

Y aura-t-il un accord sur le profil du président ou sur son nom?
Le dossier présidentiel est étudié sous l’angle du profil du président. Nous sommes encore loin de l’étape des noms.

On parle, par exemple, d’un partage de la durée du mandat présidentiel entre Aoun et Geagea. On parle aussi de l’accord des FL sur Aoun président à condition que le général Chamel Roukoz soit écarté du commandement de l’armée…
Je lis des scénarios inimaginables dans la presse ces temps-ci. Ce sont des suppositions superficielles, absurdes et ridicules. Les sujets sous étude sont d’une haute importance. Des droits doivent être préservés. Il faut définir les relations de la majorité avec la minorité, faire des propositions pour que la minorité participe au pouvoir en fonction d’une proportion. Plusieurs points ne sont pas encore réglés.   

La rencontre entre Aoun et Geagea est-elle proche?
Ce n’est pas notre priorité. Beaucoup de rencontres par le passé n’ont rien donné. C’est une tentative sérieuse à une étape cruciale et à un moment où on assiste à des changements spectaculaires dans la région où les chrétiens sont en danger.

Le stade auquel sont arrivées les négociations peut-il vous faire dire quand aura lieu la rencontre?
Je peux dire que la rencontre aura lieu bientôt en me basant sur le déroulement des négociations. J’ai déjà rencontré moi-même le docteur Geagea une première fois.

Certains disent que c’est un dialogue qui a commencé pour ne pas prendre fin…
C’est leur droit, car ils ont été échaudés par les anciennes expériences. Mais ce qui se passe aujourd’hui n’a rien à voir avec le passé. C’est nouveau pour nous tous.

Avez-vous senti chez le docteur Samir Geagea les mêmes angoisses? Partage-t-il les mêmes soucis concernant la situation des chrétiens?
Il n’en est pas loin. Nous nous retrouvons sur ce point. Il a aussi une autre approche concernant ce qui se passe dans la région, les équilibres qui existent.   

Ce dialogue entre le CPL et les FL serait-il en réaction au dialogue Futur-Hezbollah?
L’idée de ce dialogue existait avant celui du Courant du futur et du Hezbollah. Avec l’accord du général Aoun, j’ai rencontré Melhem Riachi et nous avons entamé notre dialogue loin de la presse. On ne voit pas comment le dialogue entre le Futur et le Hezbollah peut nous nuire. Au contraire, il nous sert et pourrait aplanir beaucoup d’obstacles sur notre chemin s’ils parviennent à un accord. Je ne crois pas à un accord sunnite-chiite aux dépens des chrétiens.
 
Mais si les chrétiens sont divisés, ils peuvent le faire…
Il est difficile de passer outre le partenaire chrétien. On ne peut pas toucher aux droits inaliénables des chrétiens. D’ailleurs, ce sujet ne figure pas à l’ordre du jour des rencontres entre le Futur et le Hezbollah. Ils étudient d’autres dossiers. Notre dialogue avec les FL a démarré sur une autre approche, celle du conflit dans la région, la situation des chrétiens, le rôle positif qu’ils doivent jouer au Liban. Nous ne devons pas nous recroqueviller sur nous-mêmes. Nous sommes un des piliers de l’Etat et de ses institutions. Les chrétiens sont ceux qui devraient avoir la plus grande liberté d’action car ils ne sont pas partie au conflit et y sont le moins impliqués.

Y a-t-il eu des pressions pour engager le dialogue?
Ce dialogue est le fruit d’une initiative personnelle du docteur Samir Geagea. Melhem Riachi est venu me voir porteur d’un message du docteur Geagea dans lequel il exprimait son désir de rencontrer le général Aoun. Celui-ci a accepté et une rencontre a eu lieu entre Riachi et moi chez le général Aoun.  

Avez-vous le sentiment que l’initiative de Geagea a reçu la bénédiction saoudienne?
Nous avons entamé le dialogue avant son départ pour l’Arabie et son retour n’y a rien changé. Les ingérences étrangères ont toujours eu lieu au Liban. Mais les crises qui existent actuellement dans le monde nous laissent une marge de manœuvre. Il y a un espace libre dû à tous ces conflits qui peuvent être réglés sans aucune autorisation.

Comment évaluez-vous la situation sécuritaire?
Je ne vous cache pas que j’ai des craintes entre Israël, les islamistes et les déplacés syriens. A ce jour, vu ce qui se passe ailleurs, la situation est acceptable. Mais à quel point peut-on encore garder le contrôle? C’est vrai que des conflits internes et que des choix divergent, mais dans les coulisses tout le monde est conscient de l’importance de garder le calme et le mérite en revient à la prise de conscience du gouvernement. Le dernier attentat israélien peut avoir pour but de faire exploser la situation en poussant le Hezbollah à réagir. Cette opération n’avait pas une raison défensive. Nous sommes constamment exposés et nous devons faire un effort continu pour calmer la situation. C’est la raison pour laquelle de nombreux dialogues ont lieu. Il faut réduire les distances. 


Propos recueillis par Joëlle Seif

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