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Mouna Béchara

Monsieur Daher, taisez-vous!

Avons-nous mérité une telle décadence et cette dégradation des mœurs? Dans un pays déchiré, quelles que soient les décisions, leur application pose problème. Elles indisposent ceux qui n’en profitent pas, les forts en gueule qui n’ont d’autre arme que la contestation et qui s’en servent sans en calculer les conséquences. Ils réagissent, hélas, impunément, toujours à contre-courant. L’un de ceux-là est allé, une fois de plus très loin, dans la polémique. La décision concrète, adoptée à l’issue des premières séances du dialogue, amorcé par le Hezbollah et le Courant du futur, celle de débarrasser le paysage des portraits, affiches, drapeaux et calicots à caractère partisan provocateur. Une initiative accueillie avec soulagement par la population. La capitale et les grandes villes du pays peuvent désormais, en espérant que cela soit de longue durée, sinon définitif, rendre au paysage une physionomie plus civilisée ou, en tout cas, moins monstrueuse et provocante. Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a vite fait de donner ses instructions pour que tous les quartiers soient débarrassés de ces graffitis et de ces marques d’incivilité. Mais les mécontents n’ont pas tardé à se faire entendre. Un homme, un seul, un «élu du peuple», Khaled Daher, connu pour ses prises de position agressives et toujours déplacées, attaque avec virulence les mesures prises et, avec de l’arrogance, de l’audace et de la mauvaise foi, compare les signes religieux des églises, telle la statue du Christ Roi, aux portraits profanes des chefs de clans et aux drapeaux et slogans symboles des terroristes. Il s’élève contre l’élimination du panneau portant l’inscription «Tripoli capitale de l’islam» et exige, en parallèle, que disparaissent les symboles religieux des églises. Il devient le contestataire qui, tout en étant vivement critiqué et même démoli par tous les médias, n’en remplit pas moins les écrans des télévisions. On l’a vu et entendu pérorer de nombreuses fois devant les micros des journalistes, désignant les cibles de son inimitié, le Hezbollah et la Syrie, et évitant lâchement de donner son avis sur Daech et al-Nosra. Daher bénéficie de l’immunité que lui confère son mandat parlementaire, tristement renouvelé par les députés eux-mêmes. Comment ne pas s’interroger sur la présence dans l’hémicycle, d’un individu si peu recommandable, sur les mêmes rangs que les représentants du peuple, supposés gérer la vie citoyenne et participer à l’élaboration des lois. Il devrait de toute évidence faire l’objet d’une condamnation et se voir retirer l’immunité dont il bénéficie. Mais ses pairs ne semblent pas autrement révulsés par son attitude et ne sont pas près de faire l’effort de rejoindre la Place de l’Etoile pour, au moins, voter une motion dénonçant l’attitude de l’un des leurs. Pouvait-il encore faire partie du courant qui en a fait un de ses membres au Parlement? Il y avait adhéré sous la présidence de Rafic Hariri, homme d’Etat et d’ouverture dont la fierté était d’avoir créé un mouvement multiconfessionnel ou plus exactement aconfessionnel avec des membres à la hauteur de ce qu’il en attendait. Khaled Daher, qui n’en est pas à son premier forfait de parlementaire, s’est contenté de se rétracter à la demande des ténors du parti dont, dit-il, il s’est expulsé lui-même sans attendre d’en être rayé. Rafic Hariri aurait-il attendu pour en décider?  
Nous ne sommes plus, hélas, dignes du «message» dont le pape Jean-Paul II avait qualifié le Liban, celui d’une vie en commun harmonieuse. Daher aura-t-il encore l’audace de rejoindre le Parlement et d’y siéger? Ses pairs seront-ils suffisamment courageux pour le rejeter? Trouvera-t-il, encore une fois, des électeurs pour en faire leur représentant? Autant de questions qu’une telle attitude ne peut manquer de soulever. Les réponses seront-elles apportées pour, au moins, redorer le blason tant flétri de l’institution représentative du peuple? Sans vouloir généraliser et jeter l’opprobre sur tous nos élus, nous ne pouvons pas comprendre qu’ils ne prennent pas une sanction contre l’un des leurs qui déshonore un peu plus la fonction, déjà pas brillante.

Mouna Béchara

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