Terrorisme
Onde de choc à Copenhague
Le jihadisme européen a-t-il trouvé son modèle opératoire? Le 14 février, la capitale du Danemark a été le théâtre de deux attaques islamistes dont les similitudes avec les attentats qui ont frappé Paris plus d’un mois plus tôt sont troublantes. Il est 15h30 cet après-midi-là. Le centre culturel Krudttønden, situé dans un quartier aisé du nord de Copenhague, accueille le débat Art, blasphème et liberté. La discussion a lieu sous protection policière dans une salle sans fenêtre puisqu’y participe le caricaturiste Lars Vilks, le Charb suédois, menacé depuis la publication en 2007 d’un dessin représentant Mahomet avec un corps de chien. En pleine allocution d’Inna Shevchenko, la chef des Femen, un homme ouvre le feu de l’extérieur du bâtiment. Dans la fusillade, le réalisateur danois Finn Nørgaard, 55 ans, qui était sorti de la salle, est tué. Trois policiers sont blessés.
L’assaillant quitte rapidement les lieux dans une Volkswagen Polo. Il ne garde pas sa voiture longtemps: il l’abandonne à deux kilomètres au nord du lieu de l’attentat, près d’une gare. Il commande un taxi et se fait déposer devant un appartement du quartier de Nørrebro. Filmé par des caméras de vidéosurveillance, le Kouachi danois est rapidement identifié, mais la police danoise ne sait pas qu’il est aussi Coulibaly car il compte se rendre à la principale synagogue de Copenhague. Une deuxième fusillade éclate vers une heure du matin. Le garde Dan Uzan, 37 ans, qui surveillait les accès à l’édifice où avait lieu une cérémonie, est mortellement blessé à la tête. Un policier est blessé à la jambe et un autre au bras. La police ne le retrouvera qu’à 4h50 du matin, alors qu’il rentrait chez lui. L’homme ouvrira le feu sur les policiers qui surveillaient son appartement. En répliquant, la police tue le suspect. Il s’appelle Omar Hamid el-Hussein.
Né à Copenhague de parents palestiniens, qui avaient rejoint le Danemark via un camp de réfugiés en Jordanie, «il débattait souvent du conflit israélo-palestinien. Il n’avait pas peur de dire qu’il détestait les Juifs», explique un ami. Son addiction au cannabis l’a rapproché de gangs dangereux. Le jeune Danois de 22 ans était connu des services de sécurité. Il y a deux semaines à peine, il était encore derrière les barreaux, où il purgeait une peine de prison pour avoir poignardé un homme en pleine rue en 2013. Tout porte à croire que c’est derrière les barreaux qu’il s’est radicalisé. Combien de loups solitaires peuplent encore les terres européennes du jihad?
Julien Abi Ramia
Etats-Unis
Des musulmans face aux crimes haineux
L’assassinat de Chapel Hill en Caroline du Nord, le 10 février, de trois jeunes musulmans est-il un acte haineux? Oui, affirment 150 organisations civiques qui ont demandé l’ouverture d’une enquête fédérale. Elles ont en effet envoyé une lettre aux autorités publiques les exhortant à donner à ce crime perpétré contre trois musulmans arabo-américains une plus grande importance.
L’acte est «brutal» et «scandaleux». Personne aux Etats-Unis ne devrait être ciblé pour «qui il adore» ou «à quoi il ressemble», a déclaré Barack Obama. Le chef de l’Etat américain a-t-il réagi après que son homologue turc eut critiqué son silence? Sans doute, mais le vrai mérite revient au travail qu’effectuent depuis le triple assassinat 150 organisations civiques américaines. Pour comprendre l’ampleur de leur mobilisation, il faut revenir sur les faits et leurs répercussions. Trois jeunes musulmans Deah Shaddy Barakat, 23 ans, Yusor Mohammad Abu-Salha, 21 ans, et Razan Mohammad Abu-Salha, 19 ans, qui habitent Chapel Hill en Caroline du Nord, sont abattus dans leur appartement. Leur voisin Craig Hicks, 46 ans, est accusé des meurtres. Jusque-là, cet acte aurait pu ressembler à un autre dans un pays où de tels crimes sont courants. Mais l’affaire prend une autre tournure car, selon les proches et les parents des victimes, l’assassinat a été commis par racisme ou parce que ces trois jeunes sont «différents». Ce que soulignent les 150 organisations de droits civiques et l’Arab American Institute qui demandent l’application de la loi fédérale et l’ouverture d’une enquête complète contre des crimes qu’ils qualifient de «haineux».
Les élus locaux de Caroline du Nord ne voient pas les choses sous cet angle. Selon eux, «l’accusé cherchait simplement un plus grand espace dans un parking». Et surtout, cet événement «ne fait pas partie d’une campagne ciblant les musulmans dans cet Etat». Ils ajoutent qu’à ce stade il s’agit «d’un incident isolé». La police a déclaré qu’il était possible que ce crime soit haineux. En attendant les résultats de l’enquête, une chose est sûre: l’affaire n’a pas fait la Une des médias américains. Ce qui n’apaise pas l’esprit des musulmans américains.
Le journaliste Michael Wells Jr., qui travaille pour le site politics.usa.com, soutient que les médias américains ont volontairement ignoré l’affaire. Pour lui, ce sont les médias sociaux qui ont presque obligé les médias conventionnels à en parler.
Pauline Mouhanna