Les retombées du discours de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et ses incidences sur les dialogues en cours, l’état du gouvernement et d’autres sujets d’actualité ont été au centre d’un entretien avec le député d’Amal, Abdel-Magid Saleh.
Le discours de Saad Hariri au Biel à l’occasion du dixième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri pourrait-il mettre en danger le dialogue du Courant du futur avec le Hezbollah?
Comme vous avez pu le constater, le discours de Saad Hariri ne contenait pas des prises de position cassantes et il a évité les sujets de discorde entre les différentes parties libanaises. D’ailleurs, le dialogue qui a lieu entre le Courant du futur et le Hezbollah ne porte pas sur les points de litige dont principalement l’armement du Hezbollah, le retrait de Syrie, la décision de paix ou de guerre. Ceci fut une des raisons principales de la formation du gouvernement. Même le discours de sayyed Hassan Nasrallah était très souple. Toutefois, il existe des constantes que le Hezbollah ne peut pas ignorer telles que la lutte contre le terrorisme. Les propos de Nasrallah étaient très flexibles. Il s’est senti aussi solidaire de ce qui a frappé les Coptes d’Egypte. Dans le passé, la teneur des discours politiques a créé une forte tension dans la rue. Le but du dialogue est de réduire ces tensions et de couper court à toute fitna sunnite-chiite afin de préserver la coexistence et la stabilité intérieure. Tous les Libanais ont besoin d’établir un dialogue entre eux. On assiste également à un dialogue entre le CPL et les FL. Il faut à tout prix qu’il y ait un minimum de communication pour éliminer les points de discorde et favoriser en contrepartie les points de rencontre.
Que pensez-vous de l’appel de Saad Hariri pour un retrait de Syrie?
L’heure du retrait de Syrie n’a pas encore sonné. Il n’est pas indiqué de se retirer de Syrie pour le moment, car le Liban est toujours en danger. Le retrait pourrait affaiblir l’immunité du Pays du Cèdre, surtout qu’il y existe des cellules terroristes dormantes. Il y a une majorité de Libanais qui appuient l’action du Hezbollah en Syrie. Ce qui se passe à Ersal et les multiples tentatives pour envahir les villages libanais frontaliers et y commettre des massacres identiques à ceux auxquels on assiste dans la région sont une raison suffisante. Tous les Libanais sont en danger et cette forme de terrorisme n’a pas de frontières. Elle n’épargne aucune religion ou ethnie. Certains médias sont en train de promouvoir et de véhiculer ces massacres d’une manière atroce.
Sommes-nous au bord d’une crise gouvernementale?
La crise gouvernementale existe déjà. Il est inacceptable que le gouvernement subisse les caprices et les états d’âme des uns et des autres. Tammam Salam a du mal à gérer ce gouvernement, et cela est tout à fait normal puisque pour chaque décision, 24 ministres doivent donner leur accord. Nous avons besoin d’un mécanisme pour faciliter l’action du Conseil des ministres. Aucun Libanais ne souhaite qu’on arrive à un vide. Nous essayons à tout prix, par le dialogue, d’éviter cette situation qui nous mènera à une impasse. Il existe des questions, telles que celles du quatrième bassin, de la sécurité alimentaire, de la santé qui peuvent être réglées et ne nécessitent pas la création d’une telle tension. Les recollements qui ont lieu font avancer les choses. On ne peut pas arriver à bloquer toutes les institutions et à nous retrouver sans président et sans gouvernement. Il n’y a pas de crainte pour le gouvernement, car aucune personne sensée n’aimerait créer une vacance de plus. Personne ne voudrait arriver à ce stade. L’ultime solution reste le dialogue entre tous les Libanais. Le pape a déclaré dans une allocution que le meilleur antidote contre le terrorisme takfiriste, qui dévaste la région, reste le dialogue.
Pourrait-on assister à une détente au niveau de la présidentielle?
Le dialogue devrait aboutir à une série d’accords entre les différentes parties libanaises. Nous ne voulons pas désespérer. J’espère que les Libanais vont reprendre en main le dossier de la présidentielle. On assiste aujourd’hui à un disloquement au niveau mondial. Le Liban n’est pas le seul à faire face aux tensions. C’est toute la région qui est secouée. Les décideurs et les amis, qui se retrouvaient au chevet du Liban pour l’aider à sortir de ses crises, sont occupés par leurs propres problèmes. Plus d’un pays est secoué: le Yémen, la Libye, l’Egypte… Le terrorisme a eu des retombées sur tous les pays de la région et il peut détruire la stabilité intérieure dans tous les Etats du monde. Il faut que les Libanais se mettent d’accord entre eux. L’élection d’un président chrétien pourrait sécuriser les chrétiens d’Orient et, en particulier, ceux du Liban, car celui-ci est le symbole de la représentation chrétienne en Orient.
Propos recueillis par Joëlle Seif