Les forces pro-régime ont lancé en Syrie une offensive sur la région de Deraa, sous contrôle des rebelles syriens et, plus particulièrement, des jihadistes du Front al-Nosra. Cette attaque s’inscrit dans le cadre de l’escalade militaire dont ce secteur a été le témoin depuis l’agression par Israël le 18 janvier, ayant fait au moins sept morts au sein du Hezbollah et dans le corps des Gardiens de la révolution iranienne.
L’armée syrienne a poursuivi son avancée en direction du sud de la Syrie, reprenant les villages de Deir al-Adas, al-Danaji, Deir Maker et les collines de Masih, Meri, al-Arous et al-Sarjah, entre autres.
Selon le site Syria Direct, la ville de Deraa était la scène de violents affrontements dans certains quartiers contrôlés par les rebelles, alors que l’artillerie du régime pilonnait la zone.
Cette opération a été lancée en début du mois afin d’isoler la capitale Damas des zones tenues par les rebelles dans la région de Deraa au sud de la Syrie, notamment après une série de victoires de l’opposition au cours des derniers mois ayant permis la capture de Cheikh Miskeen et de la base de la Brigade 82.
Selon une source de l’opposition syrienne contactée par Magazine s’exprimant sous couvert d’anonymat, des milices alliées au régime, comprenant le Hezbollah, dirigeraient les combats. Une information confirmée par l’AFP, citant une source militaire syrienne. Par ailleurs, deux officiers iraniens de haut rang, Ali Sultan Maradi et Abbas Abdallah, ont été récemment tués dans les combats au sud de la Syrie, selon al-Arabiya. Le site Syria Direct aurait également mentionné la participation des milices irakiennes Abou Fadel Abbas, ajoutant que le régime aurait exécuté treize soldats à Deraa accusés de «trahison». Une information qui n’a pu cependant être confirmée par Magazine.
Du côté des rebelles, c’est le Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, qui semble avoir pris la tête des opérations avec l’appui de plusieurs autres brigades telles al-Furqan et Tawhid al-Ummah, et celle dépendant de la Vallée de Horan, ainsi que d’autres factions islamiques comme Harakat al-Muthana et Ahrar al-Cham, ayant mobilisé un grand nombre de combattants au cours de la dernière semaine. Une nouvelle faction, appelée al-Failaq al-Awal, serait conduite par le colonel dissident Ziad el-Hariri. Les rebelles avaient réussi ces derniers mois à prendre des positions stratégiques importantes, telle la base Brigade 82, à l’est de la ville de Cheikh Miskeen, à proximité de la route internationale de Damas-Deraa.
C’est dans ce contexte assez complexe que se profile le rôle ambigu de la Jordanie, qui abriterait, selon les quotidiens al-Akhbar et le National (un quotidien anglophone basé au Emirats arabes unis), un commandement central qui coordonnerait les opérations rebelles en Syrie. Le Front al-Nosra étant le fer de lance de cette mouvance dans la lutte contre l’armée syrienne. Ce commandement central, basé à Amman, comprendrait des agents de Failaq al-Awal, composé de combattants ayant suivi un entraînement en Arabie saoudite et dans la ville de Zarqa en Jordanie.
Bien que l’offensive du régime à Deraa ait été en partie motivée par l’avancée des rebelles, notamment dans le secteur de la Brigade 82 et la ville voisine de Cheikh Miskeen, d’autres motivations d’intérêt stratégique seraient également au centre de cette escalade militaire. En effet, le raid du 18 janvier mené à Qoneitra par les Israéliens contre le Hezbollah et des Gardiens révolutionnaires iraniens serait une mise en garde sanglante visant à empêcher l’émergence d’un front contrôlé par les Iraniens et le Hezbollah aux portes du Golan occupé. Le centre de réflexion Institute for the Study of War avait mis en exergue l’activité accrue des Gardiens de la Révolution et du Hezbollah, ainsi que la prise en main iranienne du conflit dans ce secteur. Il avait également souligné une recrudescence «des cellules dormantes iraniennes» à Qoneitra. Aux yeux d’Israël, cette région reste une zone rouge à ne pas franchir, confie le journaliste Hazem el-Amine à Magazine. L’offensive de Deraa est une réponse indirecte de la part de l’Iran et de son allié libanais, le Hezbollah, confirmant l’ambition de ces factions de se procurer une nouvelle porte d’accès au conflit israélo-arabe qui, après le Liban, passerait cette fois par le Golan syrien.
Mona Alami
Un point militaire
Le contrôle du village de Deir al-Adas est primordial, ce secteur servant de point de passage obligé vers le nord de Deraa. Le sud de la Syrie comprend également le secteur de Qoneitra, qui fait face au Golan occupé par Israël, une zone hautement stratégique du point de vue militaire. Les combats se sont également intensifiés à Tal Qarin et Kafr Chams, représentant la ligne principale d’approvisionnement pour les rebelles à l’ouest de la province, selon le site Syria Direct. Dans Kafr Chams, les forces de l’armée syrienne, appuyées par l’artillerie, se sont attaquées à un bastion du Front al-Nosra. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, près d’une cinquantaine de rebelles auraient trouvé la mort dans la région de Deraa, alors qu’une quarantaine de membres des forces pro-régime auraient été tués. L’armée syrienne a souligné «les succès importants remportés par les soldats de l’armée arabe syrienne dans la région du Sud, ce qui permet de renforcer et de sécuriser l’axe Damas-Qoneitra et l’axe Damas-Deraa, ainsi que de couper les vivres et les lignes de communication entre les avant-postes terroristes dans la campagne occidentale de Damas et la campagne Deraa et Qoneitra».
Commandement central en Jordanie
Selon des combattants rebelles et des membres de l’opposition, le centre de commandement, basé dans un bâtiment du siège des services de renseignements à Amman, assurerait la supervision des opérations et le transfert des armes comprenant des mortiers, des mitrailleuses lourdes, des armes légères et des munitions aux unités dirigées par les rebelles. Amman a toutefois nié l’existence de ce commandement. «Nous rejetons ces allégations. L’intérêt de la Jordanie est dans une Syrie stable», a déclaré Mohammad el-Momani, ministre des Affaires de l’Information. Des Etats occidentaux et arabes auraient des représentants au sein de ce commandement, auquel participeraient des militaires israéliens. C’est le New York Times qui a le premier mentionné l’existence d’un pont d’armes passant de la Jordanie aux rebelles en Syrie. Selon les informations de l’opposition, le centre de commandement − connu sous le nom «la salle des opérations» − est une opération bien gérée composée de fonctionnaires militaires de haut rang de 14 pays, y compris des Etats-Unis, de pays européens et d’Etats du Golfe, ces derniers fournissant la majeure partie du matériel et un soutien financier aux factions rebelles.