Magazine Le Mensuel

Nº 2989 du vendredi 20 février 2015

Culture

Sur les planches

Collecting home de Yara Bou Nassar
Une histoire de ville

Du 25 février au 1er mars, et du 4 au 8 mars, Yara Bou Nassar présente au théâtre Monnot, dans la petite salle ACT, la performance Collecting home: stories of cities with missing walls. Quand Beyrouth se décline…

Elle avait présenté début 2013, la pièce Goldfish, écrite, mise en scène et interprétée avec Elie Youssef. Aujourd’hui, elle est seule sur scène dans un nouveau spectacle, Collecting home, qu’elle a elle-même écrit et mis en scène. Une étape supplémentaire dans le parcours artistique de Yara Bou Nassar, qui marque, à la fois, une évolution et un saut, comme elle l’explique. «Un changement de style» surtout, qui tend vers un minimalisme de la mise en scène et du jeu. De la dureté du style qui caractérisait ses rôles dans le passé à un autre choix, plus doux, du moins apparemment. S’il y a un changement de style, il y a toutefois une extension dans le sujet, dans l’authenticité du travail et des projets qui doivent toujours émaner de questionnements ou d’éléments personnels, autobiographiques. «Tout mon travail a rapport à la mémoire, à ma relation à la ville, au passé, au présent, aux vides qui existent dans ma mémoire par rapport à la ville. Mais, je sens en même temps, lance-t-elle, qu’il y a quelque chose de nouveau dans cette performance qui ne ressemble pas aux autres».
Collecting home: stories of cities with missing walls, ou Beit baladi en arabe, sera présenté du 25 février au 8 mars, dans la petite salle ACT du théâtre Monnot. Accompagnée de Paed Conca, en charge de la création musicale, mais qui sera de l’autre côté de la scène, assis au même niveau que le public, Yara Bou Nassar sera cette femme qui racontera à l’audience l’histoire de ses pérégrinations, de sa ville de départ Beyrouth, aux étapes qui se sont succédé dans des villes dont elle n’a jamais entendu parler et qui se définissent à travers les us et les coutumes de leurs habitants. Une performance qui se base sur le «storytelling», comme l’explique Yara Bou Nassar,
Fruit d’une résidence artistique qui s’est tenue à Berne, Suisse, Collecting home a été joué pour la première fois au théâtre Tojo en octobre 2014. Créé initialement en anglais, le spectacle a été retravaillé en arabe pour Beyrouth. Un vrai travail de réécriture qui a entraîné de nombreux changements et de modifications, à commencer par l’expression en arabe, une langue avec laquelle Yara Bou Nassar se sent tellement plus à l’aise et qui modifie même son jeu, encore plus organique, encore plus près du corps, qui conduit à modifier également le texte, à le rendre moins poétique, à l’insérer dans une forme un peu plus dure. Sans oublier qu’il faut prendre également en considération l’espace de la salle ACT, l’intimité de la salle, dans un face-à-face serré avec le public. Il s’agit presque d’un nouveau spectacle.
La tension s’exacerbe, les expectatives et les attentes également, la crainte et la curiosité de se présenter devant le public de son pays, de sa ville, Beyrouth. Beyrouth qui constitue le point de départ et l’inspiration même de cette performance. Comment sera-t-elle perçue par le public libanais? Yara Bou Nassar tient à pousser davantage l’interaction avec les spectateurs, à les impliquer dans son histoire, puisqu’au final, comme elle le dit, elle leur parle de Beyrouth, elle leur raconte des histoires sur Beyrouth en leur demandant de faire comme s’ils ne connaissaient pas la ville, leur ville également. Un jeu à la fois dangereux et ouvert.
Du 25 février au 8 mars, au théâtre Monnot, à 19h.

Comment trouver quelqu’un comme toi Ali?
Depuis le 19 février, les planches du théâtre Babel à Hamra accueillent la nouvelle pièce mise en scène par Lina Abyad, Comment trouver quelqu’un comme toi Ali? Pièce personnelle où l’intime s’emmêle au public, les souvenirs au présent et aux sujets d’actualité.
Ecrite et interprétée par Raëda Taha, la performance retrace l’histoire de Ali Taha qui, en 1972, a détourné l’avion de la Sabena, vol 571. Tué lors du détournement, il laisse derrière lui des femmes qui vont prolonger sa vie et qui vont vivre la leur à travers lui. La «veuve du martyr», la «fille du martyr», la «sœur du martyr»; des titres et des rôles héroïques qui sont attribués à ces femmes sans même qu’on leur en donne le choix.
Fille aînée de Ali Taha, Raëda Taha ouvre les carnets et les archives intimes de la famille pour briser le halo du martyr et les clichés qui lui sont accolés. Cette performance est surtout une plongée dans la mémoire d’une femme. Un travail très personnel qui se veut honnête et implacable. Raëda Taha a accepté de tout remettre à plat et de fouiller à nouveau dans sa mémoire et celle de la famille pour être au plus près de la vérité, non seulement pour la dire, mais pour la déconstruire et retrouver dans la figure mythique du martyr-héros, du martyr-saint, le père, son père.
Tous les jeudis, vendredis et samedis, à 20h30.
Billets: 30000 L.L. – 15000 L.L. (étudiants), en vente à la Librairie Antoine et en ligne: www.antoineticketing.com
Renseignement: 04521689.

Sur les cimaises
 

Safaa el-Set à Art on 56th

Depuis le 6 février, la galerie Art on 56th accueille l’exposition Yellow Barrel de l’artiste syrienne Safaa el-Set. Des sculptures gigantesques en métal qui sont autant de personnages nés du matériau froid.

«Au cœur du métal, Safaa el-Set entre dans l’atelier, portant une cage vide. Sans plan, sans esquisses et sans idées prédéfinies, elle entre, sûre qu’elle va pouvoir accomplir sa quête au cœur du métal dispersé». C’est par ces mots que Youssef Abdelke entame le manifeste de l’exposition de Safaa el-Set, Yellow Barrel, qui se poursuit jusqu’au 26 février à la galerie Art on 56th.
Une vingtaine de sculptures en métal accueillent les visiteurs: des femmes, des hommes, des enfants, des adultes, debout, assis, recroquevillés… des membres amputés, des prothèses, des béquilles… des oiseaux, des thorax en forme de cage et des vis comme doigts. Safaa el-Set use du métal comme propulseur de l’imaginaire pour créer ses sculptures, ses personnages. Des personnages qu’on dirait d’emblée pouvoir parfaitement trouver leur place dans un film d’animation post-apocalyptique où les survivants ne pourraient survivre qu’en s’accolant, pêle-mêle, des membres épars en autant de mécanismes et de rouages. Une sensation première qui ne cesse de croître à mesure que le regard s’attache à déceler en profondeur, et la profondeur, de tel ou tel détail, la forme oblongue d’une tête tridimensionnelle, presque martienne dans l’imaginaire, ou écartelé en halos ovales, dans une volonté de dimensions planes.
Née en 1974, Safaa el-Set a fait ses études à la Faculté des beaux-arts à Damas. Elle a participé à plusieurs expositions collectives et personnelles, notamment l’expo solo Commedia dell’arte, en 1998, au Centre culturel français de Damas, et Shoe, en collaboration avec Saks Fifth Avenue, à la galerie Albareh à Bahreïn, en 2011.
Dans son texte, Youssef Abdelke semble dérouler le processus créatif de Safaa el-Set, insistant notamment sur l’intérêt vital qu’elle porte à ses idées. Celles qui tournent autour des thématiques de la femme, de l’adolescent, de l’enfant handicapé, des victimes des guerres, de la cage, des oiseaux emprisonnés, de la tristesse, de la femme enceinte, des amoureux et d’autres déprimés… Autant d’idées, de thématiques qui s’incrustent dans la matière froide du métal sans parvenir, pourtant, à l’animer. Les idées restent telles quelles, figées dans leur perception première, l’œuvre ne s’ouvre pas. Elles sont peut-être belles ces sculptures, mais elles tonnent davantage comme des bibelots grandeur nature. Un questionnement s’impose, éternel questionnement quant à l’expression artistique, mais dans une sorte d’urgence contemporaine: où se situe la fine frontière entre l’objet artisanal et la chose artistique?
L’exposition se poursuit jusqu’au 26 février, à Art on 56th.

Tout en musique
Festival Al Bustan
 

Lancée le 17 février, la programmation de la 22e édition du Festival Al Bustan se poursuit sous le signe de l’inspiration.
Samedi 21 février
Inspiration & Creativity: Oliver Pool enflammera son piano aux rythmes de Schumann, Rachmaninov, Stravinski, avant de laisser libre cours aux improvisations.
Lundi 23 février*
Rendez-vous, entrée libre, à la galerie Tanit, à Mar Mkhaël, à 18h, avec la conférence de Miguel Angel Estrella, humaniste et pianiste, fondateur de Musique Esperance.
Mardi 24 février*
Au Musée national, à 20h30, Alexander Buzlov au violoncelle et Veronika Ilinskaya au piano interpréteront des sonates de Schubert, Beethoven et Brahms.
Jeudi 26, samedi 28 février
Norma: opéra de Vincenzo Bellini porté par la soprano Carmen Giannattasio, entourée de Nino Surguladze (mezzo), Arturo Chacon-Cruz (ténor) et Gocha Datusani (basse).

 

*Auditorium Emile Bustani, à 20h30, sauf mention contraire.

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