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Nº 3088 du vendredi 6 avril 2018

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Identités perpétuelles, de Katya A. Traboulsi. «On est tous de partout et de nulle part»

Les Identités perpétuelles de Katya A. Traboulsi se déclinent en exposition et en ouvrage. Parce que l’obus représente la guerre, que la guerre n’efface pas l’identité, et que l’art métamorphose, l’obus devient objet d’histoire.
 

Jamais la question de l’identité n’a été aussi urgente et controversée qu’aujourd’hui, au moment où le flux migratoire mondial semble peser comme une menace identitaire, face à l’autre. «L’identité est perpétuelle», affirme Katya Traboulsi, à travers ce projet double, incluant une exposition, qui se poursuit à la galerie Saleh Barakat jusqu’au 28 avril, et un livre bilingue (français-anglais), publié aux Editions Tamyras, retraçant la genèse de ces Identités perpétuelles. Katya Traboulsi a créé «46 obus qui représentent l’identité de 46 pays différents, couvrant tous les continents, pour représenter la globalité de notre monde, pour dire qu’on ne peut plus se dissocier les uns des autres, qu’on est tous un, liés dans la même histoire». La première question s’impose: pourquoi l’obus? «C’est la pièce que toute ma génération, celle de la guerre, a vécu. Elle fait partie de notre histoire en tant que Libanais».
L’obus, un objet d’art. Un obus est objet de destruction. Mais une fois qu’il est habillé d’une identité, cette dernière devient plus forte, et l’annule dans son impact destructif, pour en faire un objet d’art, un objet de civilisation, un objet d’histoire, à travers le temps. «Les visuels identitaires sur chaque pièce, qui datent depuis des siècles et des siècles, qui remontent à l’histoire et jusqu’à aujourd’hui, se perpétuent pour dire que nous sommes Grecs, Portugais, Brésiliens… L’identité est restée, elle a traversé les guerres, les occupations, le temps. Dans beaucoup de mes pièces, je démontre aussi un échange d’identité, comme les Hollandais qui ont pris le savoir-faire de la porcelaine des Chinois. Il y a beaucoup d’éléments qui sont pris les uns des autres. On est tous de partout et de nulle part».
La France est représentée par la Marianne, l’Inde par le Taj Mahal, l’Arménie par la croix Khachkar, le Mexique par les Mayas, les Etats-Unis par la culture pop, la Russie par la matriochka, l’Allemagne par le mur de Berlin, la Palestine, unique pièce à portée politique, est couverte de clés. Pour tous ces pays, l’esprit identitaire s’est presque imposé, évident au bout de quelques recherches. «Tous ces pays ont des points identitaires très forts qui ont traversé l’histoire», affirme Katya Traboulsi. Mais pour le Liban, cela a été très difficile». A chaque fois qu’elle demandait autour d’elle ce qui représentait l’identité du pays, on la regardait avec des yeux interrogateurs. L’incertitude de notre identité semble flagrante. Finalement, après recherches et réflexions, elle a opté pour l’histoire des Phéniciens, sur un obus en bois de cèdre. «Ils étaient voyageurs, commerçants, divisés en cantons, religieux. Ils nous ressemblent beaucoup, mais le Liban n’a pas la connaissance du Phénicien». Sans oublier que ce dernier est souvent regardé comme un sujet à controverse politique non fondée. Versus le Liban phénicien, un obus à symbolique politique où sont représentés les 18 partis politiques qui, hélas, résument aujourd’hui notre identité actuelle. Là, s’étonne Katya Traboulsi, les Libanais se retrouvent, en espérant toutefois, qu’il n’y aura pas de perpétuité dans cette identité-là.

Appel à l’unité
Cela fait plus de quatre ans que l’artiste planche sur ce projet, depuis que l’inspiration s’est déclenchée face à la guerre en Syrie qui «a ramené beaucoup de souvenirs de notre guerre à nous. Cette peur, on ne peut pas l’oublier. Ils vont repasser par tout cela, pour rien. Nous, qu’est-ce que nous avons eu après? Rien. Notre identité religieuse a juste été plus forte». «L’identité peut être très destructrice si on est dans l’insécurité de l’autre, et très enrichissante si on est dans la sécurité de l’autre, ajoute Katya Traboulsi. Ce projet parle de paix, d’une réalité, de la grandeur de l’humanité. C’est un morceau d’histoire, de notre histoire en tant que Libanais, une ouverture sur le monde. C’est aussi un appel à l’unité, à la tolérance, à la non-différenciation de l’autre».
Après l’exposition présentée à Beyrouth, Katya Traboulsi exposera trois pièces au Salon d’art de Dubaï, puis 19 à Paris avec la galerie Dominique Fiat. Toutes ont été exécutées par des artisans, dans 12 pays différents, et le reste au Liban, avec des matériaux souvent importés de l’étranger. Six éditions au total ont été réalisées, 4 destinées à la vente, et les deux autres, Katya Traboulsi espère les placer dans des musées. «C’est un projet de vie, 4 ans, 12 voyages, beaucoup de recherches, et un livre pour rendre hommage aux artisans et rendre le projet immortel».

Nayla Rached

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