Magazine Le Mensuel

Nº 2993 du vendredi 20 mars 2015

Semaine politique

A moins d’un rapprochement Riyad-Téhéran. La présidence tourne à vide

Le départ, en été, des ambassadeurs des Etats-Unis et de France suscite de grandes inquiétudes sur le sort de la présidentielle libanaise. Si, en effet, d’ici-là, le Liban ne se dote pas d’un président, à qui les remplaçants de David Hale et Patrice Paoli présenteraient-ils leurs lettres de créance? A moins que justement, ils n’aient pas de remplaçants et que l’Occident se désintéresserait totalement du Liban…
 

Les milieux politiques sont catégoriques, il n’y a encore rien de nouveau dans le dossier présidentiel. Le verbiage interne tourne en rond et aucune percée n’est enregistrée, ni dans le dialogue entre le Courant du futur et le Hezbollah, ni dans celui qui se poursuit entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre. La position du Hezbollah est donc toujours la même. Le parti de la Résistance appuie inconditionnellement la candidature de Michel Aoun, tant que ce dernier reste dans la course. Et le général Michel Aoun a clairement déclaré qu’il n’avait pas l’intention de renoncer à ce droit et de rééditer l’expérience de Doha en mai 2008, lorsqu’il avait cédé à la demande du président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, d’accepter la candidature de Michel Sleiman et de devenir «un président maker».
De même, le Courant du futur, en dépit du dîner très amical qui a réuni son chef, Saad Hariri, et le général Aoun, en février, et en dépit de la poursuite des contacts avec le CPL, n’a pas modifié sa position, jetant la balle présidentielle dans le camp des chrétiens. Le seul élément nouveau interne est venu des Forces libanaises dont le chef, Samir Geagea, a déclaré que son parti ne pose aucun veto ni sur la candidature de Aoun, ni sur toute autre candidature. Mais pour l’instant, cela ne va pas plus loin. Au point que l’émissaire français, le diplomate Jean-François Girault, qui avait pris en charge le déblocage de ce dossier, et qui avait effectué dans ce but plusieurs visites à Riyad, à Téhéran et à Beyrouth, se retrouve aujourd’hui presque au chômage.
Reste un élément qui intrigue les milieux politiques: que voulait donc dire le général Aoun en sortant de Aïn el-Tiné, lorsqu’il a parlé d’une légère percée dans le dossier présidentiel? Les milieux proches de Nabih Berry précisent, à cet égard, que la scène interne est malheureusement plus que jamais liée aux développements régionaux et internationaux. La légère percée n’est donc pas locale, elle est à chercher dans l’augmentation des chances de conclusion d’un accord entre l’Iran et l’Occident sur le dossier nucléaire et les changements que cela pourrait entraîner dans l’ensemble de la région. Les sources proches de Aïn el-Tiné indiquent que des tentatives de rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont entreprises actuellement et que, si elles se précisent, elles ne peuvent qu’être dans l’intérêt du Liban et du déblocage de la présidentielle. Selon ces mêmes sources, lors de sa dernière visite à Riyad pour présenter ses condoléances à la famille du roi Abdallah, le président américain, Barack Obama, aurait conseillé au nouveau roi Salmane de chercher à se rapprocher des Iraniens, avant de lui laisser entendre que les négociations sur le dossier nucléaire de l’Iran étaient sur le point d’aboutir et, par conséquent, l’Arabie et les pays du Golfe en général ne pouvaient pas rester en situation conflictuelle avec Téhéran, d’autant que les dossiers de divergences entre eux sont nombreux et pressants. Le roi Salmane aurait donc bien reçu le message, mais comme il est en train d’asseoir son pouvoir à l’intérieur du pays, ses initiatives en direction des pays de la région sont légèrement retardées. Des sources diplomatiques arabes précisent, toutefois, qu’un premier contact entre Téhéran et Riyad aurait déjà été établi, et que si l’accord sur le nucléaire iranien est signé, un dirigeant iranien se rendrait aussitôt à Riyad et dans les pays du Golfe pour rassurer ces derniers et leur affirmer que l’Iran n’a pas d’intentions belliqueuses à cet égard. Dans la foulée de ces discussions à venir, le dossier présidentiel libanais pourrait être rapidement évoqué, sachant qu’il est l’un des plus faciles à régler, Riyad ayant déjà fait savoir à qui de droit, qu’elle ne pose aucun veto à ce sujet.

Joëlle Seif

Entre Aoun et Joumblatt
Dans une initiative surprise dont il a le secret, le général Michel Aoun s’est rendu mardi chez le leader druze Walid Joumblatt. Selon des sources proches du chef du PSP, cette rencontre avait été préparée par le président de la Chambre, Nabih Berry, qui s’était chargé de convaincre Joumblatt non seulement de parler directement avec Aoun, mais aussi d’évoquer avec lui la présidentielle, sachant que Joumblatt a un rôle-clé dans le quorum à l’Assemblée. Les deux hommes se sont entretenus pour la dernière fois lorsque Joumblatt s’était rendu à Rabié, dans une tentative de débloquer la présidentielle. Il avait alors refusé de retirer son appui à la candidature de Henri Hélou…

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