Dialogues pluriels pour le Hezbollah
Intensification de l’influence du Hezbollah dans la crise syrienne, après que l’émissaire onusien en Syrie, Staffan de Mistura, eut sollicité un rendez-vous avec le secrétaire général du parti, sayyed Hassan Nasrallah, en octobre passé. Démarche que le parti a perçue comme une reconnaissance internationale de son rôle au plan local, et de sa dimension régionale, surtout que les précédents envoyés onusiens n’ont jamais communiqué avec lui. Le mouvement du Jihad islamique tente de jouer au médiateur pour rabibocher le Hezbollah avec la Jamaa islamia, mais la tentative de conciliation a été un flop, les divergences sur le dossier syrien étant fort profondes. Malgré cela, des efforts continuent à être entrepris pour éviter que la séparation ne se transforme en divorce…
Par ailleurs, des infos, faisant état de réunions secrètes à Beyrouth sous le patronage officiel de la Norvège entre des personnalités fidèles au régime syrien et d’autres issues de l’opposition proches de Maaz Khatib, ont circulé. Aussi, des cadres du Hezbollah avaient rencontré, précédemment, des délégations de l’opposition syrienne, mais les pourparlers sont suspendus depuis un moment. Le Hezbollah se dit prêt à un dialogue avec les forces de l’opposition qui en émettent le souhait, en sa qualité d’allié du régime, et en considérant que ces forces lui font confiance après avoir expérimenté sa rigueur sur le terrain.
Hariri au Caire: décryptage
La déclaration faite par l’ex-président Saad Hariri à l’issue de sa rencontre avec le président égyptien, Abdel-Fattah el-Sissi, n’est pas passée inaperçue… «Nous voulons que notre relation avec l’Iran soit dans l’intérêt à la fois du Liban et de l’Iran, non pas dans le seul intérêt de l’Iran»… Le 8 mars a jugé ces propos favorables au climat du dialogue en cours et à la décrispation à l’interne. Des milieux diplomatiques ont cherché, eux, à savoir si la visite de Hariri au Caire a été effectuée à la suite d’une invitation personnelle ou si elle avait été organisée en coordination avec les Saoudiens et à leur demande. Des sources politiques informées expliquent que la déclaration du leader libanais s’inscrit dans le cadre du positionnement arabe et égyptien en général qui considère que «Téhéran n’est pas notre ennemi, mais nous sommes en état de grande discorde avec lui sur des dossiers fondamentaux. Les pays arabes et l’Egypte traitent avec la République islamique d’Iran en sa qualité de puissance régionale, mais refusent qu’il étende son hégémonie sur des capitales arabes importantes: Bagdad, Sanaa, Damas et Beyrouth».
Illusion turque à Tripoli
Etonnement des milieux proches du Parti de la Justice et du Développement turc à l’écoute des propos attribués par la presse libanaise à l’ex-président Saad Hariri à la veille de son arrivée au Caire. Il aurait déclaré: «Le don turc est une illusion qui ne verra pas le jour, la Turquie aujourd’hui s’intéresse à ses propres affaires internes et plutôt que de nous octroyer 50 millions de dollars pour la réhabilitation des Saraya ottomanes à Tripoli, qu’elle s’occupe de ses problèmes financiers…».
Ces milieux souhaitent que le revirement de Hariri (qui avait l’habitude de déclarer qu’Ankara veut consolider la sécurité et l’indépendance du Liban) ne soit pas dû à des considérations politiques étroites et à une mauvaise lecture de la conjoncture régionale. L’ex-président du Conseil libanais n’était pas obligé de tenir compte des recommandations égyptiennes pour tenir un tel discours, estiment-ils.
Bilan satisfaisant
Alors que la guerre en Syrie entame sa cinquième année, l’ingérence du Hezbollah dans cette guerre clôture sa deuxième année, et le parti, satisfait des résultats enregistrés, présente un bilan positif basé sur les données suivantes:
– Le monde entier se ligue aujourd’hui contre le terrorisme contre lequel le Hezbollah s’est opposé dès le début, ce qui rend son intervention en Syrie acceptable.
– En Syrie, le régime se maintient et passe à l’attaque pour récupérer les territoires perdus.
– Au Liban, les changements accumulés ont amené le Moustaqbal à entamer le dialogue, ce qui a rééquilibré la scène locale.
– Au niveau de la présidence, les chances d’accession de son allié, le général Michel Aoun, à Baabda sont meilleures que jamais, surtout après les réunions récentes tenues par l’ex-président Hariri à Beyrouth, et sa volonté affichée de reprendre les rênes du pouvoir au Sérail.
L’épée de Damoclès sur le Liban
Les prévisions formulées par le ministre Nouhad Machnouk sur une reprise de la vague d’assassinats au Liban sont basées sur des rapports et renseignements faisant état de la présence d’un nombre de kamikazes, dont la majorité a quitté Aïn el-Heloué, et de cellules dormantes qui attendent les consignes pour agir…
La menace, selon une instance sécuritaire, n’émane pas uniquement des mouvements takfiristes comme al-Nosra et Daech, mais le Liban deviendra le théâtre de divers services secrets prêts à procéder à des assassinats pour servir leurs propres intérêts. «Si jamais l’accord irano-américain ne voit pas le jour, poursuit l’instance, la confrontation à Bahreïn va s’amplifier entre le pouvoir et l’opposition, les batailles au Yémen risquent de s’intensifier, en Syrie l’embrasement atteindra les fronts du sud et la menace venue de l’est sur le Liban se maintiendra, avec explosions et assassinats en prime».
Menaces réelles ou manipulation?
Les appréhensions, formulées par les diplomates américains et européens, comme l’ambassadeur de Grande-Bretagne, Tom Fletcher, concernant les dangers encourus par le Liban, si les Libanais continuent à gérer leur dossier de la même façon, ne sont pas un secret. Les autorités sécuritaires reçoivent tous les jours des informations sur l’éventuel élargissement vers le Liban de la confrontation en Syrie…
Les indices et les prévisions pessimistes émanant des ministres Achraf Rifi et Nouhad Machnouk sur un retour aux assassinats à la prochaine étape constituent une sorte de manipulation médiatique qui contribue à alimenter la tension, selon des milieux du 8 mars, ce ne sont que des messages régionaux adressés par l’Arabie saoudite, à un timing fort délicat où les négociations irano-occidentales sont à leur sprint final, pour faire comprendre à l’allié américain et à l’adversaire iranien que tout règlement sur le nucléaire doit prendre en compte ses intérêts dans la région.
Défilé libanais à Washington
Washington accueille durant la deuxième quinzaine de ce mois, un nombre de responsables libanais, le président Amine Gemayel en tête. Celui-ci répond à une invitation officielle d’un centre stratégique qui lui demande de prendre la parole dans le cadre d’un débat sur les questions du Moyen-Orient. Le ministre Nouhad Machnouk sera lui aussi à Washington au cours de la troisième semaine de mars pour des rencontres avec les hauts responsables. Il avait discuté des détails de cette visite axée sur la question de la lutte antiterroriste avec l’ambassadeur des Etats-Unis, David Hale.
A la recherche d’un nom
La Rencontre républicaine ou la Rencontre nationale: c’est l’un de ces deux noms que le président Michel Sleiman donnera à sa nouvelle organisation politique qui regroupe les personnalités politiques, économiques et médiatiques qui l’ont accompagné durant son mandat. Cette rencontre aura pour credo, les accords de Taëf et la déclaration de Baabda et cherchera à promouvoir une loi électorale basée sur la proportionnelle. La Rencontre consultative qui avait réuni Michel Sleiman et Amine Gemayel était d’ordre conjoncturel et avait eu lieu dans un but bien défini, selon des sources bien informées. Elle semble aujourd’hui gelée et tiraillée entre deux courants: le premier – représenté par les deux ex-présidents – qui appelle à lui conférer un caractère institutionnel et le deuxième – représenté par les ministres Michel Pharaon et Boutros Harb – qui préfère considérer cette rencontre comme une escale passagère et non comme un bloc politique.
Le nucléaire israélien en question
Des rapports diplomatiques arabes soulignent l’importance du rôle du Liban dans les préparatifs arabes en vue du Congrès international consacré à l’examen du Traité sur la non-prolifération nucléaire prévu à New York, à partir du 27 avril. Ce congrès se prolongera pendant un mois. A l’ombre de l’effondrement de la structure régionale arabe, la diplomatie libanaise a la chance de pouvoir soulever le problème du dossier nucléaire israélien devant les instances internationales pour relever ses dangers sur le Liban et sur la sécurité nationale des pays arabes, sans compter les menaces qu’il implique à l’échelle arabe et internationale. L’Etat hébreu, qui sait tirer profit de la politique à deux vitesses pratiquée par les gouvernements occidentaux, pourrait développer son projet nucléaire loin de tout contrôle international, tout en continuant à refuser de signer le Traité sur la non-prolifération nucléaire approuvé par le Liban et les pays arabes. Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, peut ainsi bénéficier du durcissement du Caire dont la vision rejoint celle du Liban sur le nucléaire israélien. Le Caire propose, depuis des années, de faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes de destruction massive, et réclame qu’Israël ouvre la porte de son arsenal nucléaire devant les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Echange de bons procédés
Un cheikh qui avait été arrêté, avec un groupe de terroristes munis d’armes et de ceintures explosives, puis libéré à la suite d’interventions politiques, a été chargé d’assurer le déplacement de quelques centaines de réfugiés syriens du village de Ersal à un autre village de la Békaa-Ouest, contre la somme de 400000 dollars, rapporte une source islamique qui craint que cet épisode ne soit lié aux échanges secrets entre l’EI et les organisations et groupes islamistes libanais, dont certains détiennent des permis, comme la Jamaa islamia. Par ailleurs, un nombre d’activistes continuent à œuvrer au Liban dans des associations humanitaires islamistes locales et étrangères sans aucun contrôle sur leurs revenus ou sur le transfert de ces revenus vers les canaux logistiques des groupes terroristes. Sachant que ces activistes sont les plus exposés au noyautage de Daech et al-Nosra vu leurs contacts directs et réguliers avec ces mouvements terroristes.
Le dialogue qui surmonte les obstacles
Le dialogue sunnite-chiite a la capacité de dépasser les obstacles qui peuvent l’entraver accessoirement, estiment des sources qui suivent ce dossier. Le président Nabih Berry a, en fait, entrepris des contacts tous azimuts pour empêcher les protagonistes de faire marche arrière, après les déclarations intempestives émanant des deux parties. La «barque du dialogue» a certes chaviré, sans être fendue. Selon les sources, le chef de l’Assemblée, initiateur de l’organisation des relations entre le Moustaqbal et le Hezbollah, a reçu l’appui politique d’instances arabes et régionales qui ont exprimé leur soutien à ses efforts, insistant sur la nécessité de faire une distinction entre la position du président Saad Hariri et celle du chef de son bloc parlementaire, Fouad Siniora. Le premier «paie de sa poche» et fait des concessions pour s’attabler auprès de ses adversaires politiques, tout en cherchant à protéger son emplacement vis-à-vis de sa base populaire, alors que le second «paie de la poche du premier» et souhaite consolider ses lettres de crédit auprès d’instances internationales ayant leurs propres intérêts. Les analyses de certains milieux chiites fanatiques qui parlent d’une distribution de rôles entre Hariri et Siniora sont rejetées par ces sources.
Fayçal Karamé consolide sa position
La réconciliation entre les habitants des quartiers de Bab el-Tebbané, Kobbé, Mankoubine et Jabal Mohsen, initiée par Fayçal Karamé, consolide la position de l’ex-ministre à Tripoli, assurent des sources ayant de nombreux contacts dans le chef-lieu du Liban-Nord. Le rassemblement au domicile de Karamé de plus de 350 personnalités spirituelles, politiques et civiles venues des deux quartiers constitue, disent les sources, la démarche politique la plus importante, après l’application du plan de sécurité à l’automne passé. Les Tripolitains avaient tous besoin d’un rassembleur capable de les aider à renouer les relations entre eux, après une rupture alimentée par vingt rounds de combats sanglants sur les lignes de démarcation. Cette réconciliation est fiable, poursuivent ces mêmes sources, surtout qu’elle n’avait aucune dimension électorale. L’ex-ministre avait ainsi déclaré devant ses hôtes: «Le renouement des liens entre les habitants de Tebbané et du Jabal dépasse les considérations politiques, électorales et celles des axes». Il semble que les milieux du président Najib Mikati ont salué l’initiative, alors que les proches du Moustaqbal l’ont qualifiée «d’excellente, mais qu’il va falloir la compléter pour assurer son succès».