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Nº 2995 du vendredi 3 avril 2015

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La rencontre islamo-chrétienne Ensemble autour de Marie, Notre-Dame. Neuf ans d’union autour de la Sainte Vierge

Pour la neuvième année consécutive, l’église du collège Notre-Dame de Jamhour accueille la rencontre islamo-chrétienne Ensemble autour de Marie, Notre-Dame, organisée par l’Amicale des anciens élèves de Jamhour et la Rencontre islamo-chrétienne autour de la Vierge Marie. Invité d’honneur: le cardinal Philippe Barbarin accompagné de Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon.
 

Les cloches de l’église sonnent en harmonie avec le muezzin. Les parfums des fleurs et ceux de l’encens se mélangent. Le Notre-Père et Al-Fatiha sont récités avec ferveur. Des prières chantées s’élèvent. La cérémonie de la fête de l’Annonciation, déclarée fête nationale commune, peut commencer. C’est Nagy Khoury, secrétaire général de l’Amicale des anciens du collège Notre-Dame de Jamhour et secrétaire général de la Rencontre islamo-chrétienne Ensemble autour de Marie, Notre-Dame, qui prononce un mot d’accueil pour affirmer que cet Orient est à nous tous. «Si nous restons unis, nous serons invincibles, dit-il. Mais, si nous nous divisons, alors cet Orient ne sera plus et nos jours ne seront plus. Le Liban, cette nation phare, est un joyau, un exemple, un message. Que personne ne s’inquiète pour ce pays de l’espoir, car c’est à travers lui seul que nous pourrons rester unis dans cet Orient meurtri». Le président de l’Union des amicales des anciens des écoles catholiques du Liban rappelle que la rencontre à l’occasion de cette fête est la seule en son genre à avoir lieu dans le monde et dans l’histoire, appelant les Libanais «à lancer tout haut la civilisation de la paix et de l’amour, non pas dans les paroles,
mais par les actions».
Le père Bruno Sion, recteur du collège, lui, fait part de sa fierté d’avoir abrité jusque-là cet événement national. Quant à Randa Abi Aaad, docteure en philosophie, présente, au nom de la Fondation Adyan pour les études religieuses et la solidarité spirituelle un manuel intitulé Je vous salue: réflexions islamiques et chrétiennes sur la Vierge Marie. «L’ouvrage qui vient de paraître, explique-t-elle, est un jalon dans un parcours et une réalisation qui n’acquiert sa pleine signification que dans une entente de la vocation d’Adyan de promouvoir une culture de la reconnaissance, source de connaissances et d’enrichissement réciproques».
Le cheikh et juge Mohammad Nokkari dénonce, avec virulence, les exactions commises en Orient par des extrémistes sans foi ni loi. Il demande pardon à la Vierge pour la situation conflictuelle qui empêche chrétiens et musulmans de s’unir. «Ton Annonciation Vierge Marie, nous l’acclamons d’une voix forte. Nous seuls qui avons encore dans nos cœurs et nos esprits une once de foi, de raison, de pitié et de miséricorde, car beaucoup sont aujourd’hui aveuglés par l’extrémisme. Ils sont assourdis par leur soif de sang et le désir de tuer des innocents, de ruiner les croyants, de détruire les églises, les mosquées et les lieux religieux». Insistant sur la situation des chrétiens
en Orient, le cheikh Nokkari lance: «N’y a-t-il point parmi nous un imam pour se dresser contre l’expulsion des chrétiens, leur massacre, leur horreur et la destruction de leurs églises? N’y a-t-il point parmi nous un musulman dévoué qui tiendrait par la main son frère chrétien et lui dirait: ‘‘Ne pars pas… et si tu décidais quand même de partir, il faut que tu saches que c’est toi et moi qui partons’’».
Hosn Abboud, titulaire d’un doctorat en islamologie et en philosophie islamique, a évoqué le principe de la compassion: la théologie mariale entre les chrétiens et les présents. Et le cheikh Morsel Nasr, dignitaire druze, affirme avec force «qu’il n’y a point de haine dans les religions».
Pour sa part, le journaliste Bassam Barrak lance un appel demandant à ses collègues de contribuer à la paix des cœurs. Lama Yassine, jeune de Ras el-Nabeh, témoigne de la convivialité dans cette région qui a été pendant longtemps une ligne de démarcation entre deux zones de la capitale, l’une chrétienne et l’autre musulmane. Le père Roueiss el-Ourachalimi, président de la communauté copte-orthodoxe au Liban, évoque le massacre des vingt et un Coptes par les extrémistes. Ont suivi un sketch autour de la Vierge unificatrice et la projection d’un film qui évoque le sens profond de cette fête nationale… La chorale des Mabarrat a préparé des chants consacrés à Marie, ils sont interprétés par des jeunes de leurs écoles au Liban-Sud. Des chants soufis sont interprétés également par Nidaa Abou Mrad et l’ensemble de la musique classique arabe de l’Université antonine. La chorale A cœur joie, dirigée par Paul Safa, interprète l’Ave Maria d’Iyad Kanaan et Vierge tu es la reine de Jihad Zeidan.
L’accueil des participants à cet événement a été assuré par la fanfare de l’Armée libanaise, du groupe des scouts et guides de Jamhour, ainsi que des volontaires d’Offre-Joie. De nombreuses personnalités politiques et religieuses étaient présentes dont Abdel-Latif Zein, représentant le président de la Chambre Nabih Berry, monseigneur Boulos Matar, archevêque de Beyrouth représentant le patriarche maronite Béchara Raï, le cheikh Salim Soussan, mufti de Saïda représentant le mufti de la République.

Danièle Gerges

L’intervention du cardinal Barbarin
L’intervention principale a été celle du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, primat des Gaules. Il a axé son allocution sur la miséricorde. «Entre chrétiens et musulmans, les relations sont anciennes et l’Histoire nous enseigne qu’elles sont faites de dialogue et de repli, de compréhension, mais aussi de violences que nous voudrions voir disparaître définitivement… Je voudrais souligner que l’on gagne la bataille de la miséricorde, non pas seulement par des efforts, mais en la chantant. C’est d’abord dans la louange, cette joie de la miséricorde, que nous trouvons l’énergie intérieure pour passer aux actes». Le cardinal cède la place à son compagnon de voyage Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon, qui parle de son expérience de convivialité.

La genèse de la fête
L’association Amicale des anciens élèves de l’Université Saint-Joseph et du collège Notre-Dame de Jamhour a toujours œuvré pour un dialogue franc et sincère entre les différentes composantes de la nation, un pays mixte où coexistent chrétiens et musulmans. Dans ce cadre, la commission spirituelle de l’association animée par le père Jean Dalmais a organisé des rencontres spirituelles islamo-chrétiennes en l’église de Notre-Dame de Jamhour autour de la Sainte Vierge. Les deux initiateurs principaux de ces rencontres sont Nagy Khoury et Mohammad Nokkari. Vu le grand succès connu par ces rencontres qui ont pris de plus en plus d’ampleur, les organisateurs ont demandé au Comité national du dialogue islamo-chrétien de les aider à œuvrer pour que le jour de la fête de l’Annonciation soit déclaré Fête nationale islamo-chrétienne. En 2009, le gouvernement présidé par Fouad Siniora décide, à l’unanimité, de consacrer le 25 mars jour de la fête de l’Annonciation, jour de fête nationale. En 2010, le gouvernement de Saad Hariri en fait un jour chômé pour que cette fête ait plus d’impact sur l’ensemble des citoyens. Sur demande des organisateurs, la municipalité de Beyrouth a consacré, en 2010, un espace de 172 m2 sur la place du Musée national dans lequel un jardin a été aménagé et un petit monument construit représentant l’emblème de la rencontre, pour en faire le symbole de la rencontre islamo-chrétienne autour de Marie.

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