La violente charge de Hassan Nasrallah contre l’Arabie saoudite, qui a lancé l’offensive contre les rebelles houthis, répond à l’approbation des forces du 14 mars, Saad Hariri en tête.
Jamais le secrétaire général du Hezbollah n’avait attaqué aussi frontalement la politique de l’Arabie saoudite dans la région. Aux yeux du leader chiite, l’opération militaire que mène Riyad au Yémen oblige «chaque Libanais à clarifier sa position». Lors de sa dernière apparition télévisée, Hassan Nasrallah a, d’emblée, noté que «quelques heures, à peine, après l’agression saoudo-américaine contre le Yémen, nous avons vu Saad Hariri saluer l’intervention saoudienne dans ce pays». Tout en espérant que «ces événements n’exacerbent pas les tensions au Liban», le leader du Hezbollah s’est par la suite efforcé de démonter les prétextes édictés par le royaume saoudien pour justifier son entrée en guerre. «Si vous parlez d’un danger qu’il faut contrer, n’avez-vous jamais senti le danger que représente Israël, à côté de vous? La réponse est que vous n’avez jamais perçu Israël ni comme un ennemi ni même comme une menace», explique Nasrallah.
Le leader chiite poursuit sa charge en expliquant que «la notion de peuple n’existe pas dans la mentalité saoudienne. Les Saoudiens ne reconnaissent pas les causes des peuples, vu qu’ils sont des rois et des dirigeants. Ils voient les gens comme des vassaux», affirme-t-il brutalement. Pour Nasrallah, ce sont les mauvais calculs de l’Arabie saoudite qui «poussent tout le Yémen dans les bras de l’Iran, comme vous l’avez fait en Irak, en Syrie et en Palestine». C’est sur cette ligne de fracture que se sont positionnés les leaders politiques du pays. «La décision du roi Salmane d’intervenir militairement au Yémen est sage et courageuse», déclarait la semaine dernière le leader du Courant du futur, l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui a critiqué la «stratégie hégémonique de l’Iran». Le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a exprimé son soutien à l’intervention militaire au Yémen dirigée par l’Arabie saoudite. «Personne ne privilégie une solution militaire, mais dans ce cas, l’alternative aurait été le chaos», a estimé le leader libanais chrétien, dans un entretien au quotidien al-Moustaqbal. «Sans l’opération militaire, les Houthis (milice chiite pro-iranienne au Yémen) auraient pris le contrôle du pays».
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, s’est pour sa part montré plus tranché qu’à l’accoutumée: «Nous affirmons clairement que nous soutenons l’Arabie saoudite, car les événements au Yémen constituent une menace pour la sécurité nationale du royaume, ainsi que pour les intérêts des expatriés libanais qui y travaillent depuis des décennies».
Sans surprise, les divergences de vue qui apparaissent sur l’intervention de neuf pays du Golfe, menés par l’Arabie saoudite, au Yémen, suivent les lignes de fracture qui existent entre le Hezbollah, ses alliés, et le 14 mars.
Si un dialogue interne, concentré sur la cause commune de la lutte contre le terrorisme, a été rendu possible parce que l’Iran et l’Arabie saoudite voient en l’Etat islamique un ennemi commun, l’intervention au Yémen oppose pour la première fois les deux superpuissances régionales de manière quasi frontale. Reste à savoir si le statu quo libanais va y résister.
Julien Abi Ramia
Les dossiers libanais
Avant de se lancer dans sa diatribe contre l’Arabie saoudite, le leader du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a pointé du doigt «certaines parties politiques à l’intérieur et à l’extérieur du Courant du futur qui cherchent à saboter le dialogue» entre les deux partis, en réponse aux dernières déclarations du chef du bloc parlementaire du parti sunnite, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, que Nasrallah accuse d’embraser «le feu de la division».
Après avoir réitéré ses positions contre les travaux du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), Nasrallah a tenu à balayer les accusations de blocage de l’élection présidentielle visant l’Iran. «L’Iran ne s’est jamais ingéré, ni imposé de veto sur quiconque et n’a jamais traité ce dossier avec le Hezbollah», a-t-il affirmé, ajoutant que «le responsable de ce blocage est l’Arabie saoudite et notamment son ministre des Affaires étrangères, Saoud el-Fayçal, qui impose son veto sur le plus fort candidat chrétien au niveau national», à savoir Michel Aoun.