Magazine Le Mensuel

Nº 2996 du vendredi 10 avril 2015

Confidences Liban

Confidences Liban

Bientôt le chaos?
Ceux qui misent sur une immixtion de la troupe dans le conflit syrien devront se heurter à l’attitude ferme du général Jean Kahwagi qui n’est nullement disposé à s’aventurer dans cette galère. Il reste, par contre, fort attaché à la protection des frontières libanaises limitrophes de la Syrie dans le jurd de Ersal, Ras Baalbeck et à la consolidation des postes militaires pour empêcher l’infiltration des groupes terroristes à l’intérieur du territoire libanais. Mais parallèlement, si l’armée et les forces de l’ordre veillent à contrôler la situation aux frontières, elles doivent aussi se pencher sur la scène interne en intensifiant la surveillance et la présence sécuritaire de l’Etat, à l’ombre de craintes occidentales quant à un éventuel dérapage du Liban dans le chaos, ce qui a poussé certains leaders à prendre des mesures préventives.

 

Message du bey aux Saoudiens
Le Hezbollah comprend les positions de l’ex-président Saad Hariri, et sa réponse au discours de sayyed Hassan Nasrallah lorsqu’il l’a qualifié de «tempête de haine contre l’Arabie saoudite issue d’un sentiment de colère, de dépression et de trouble». Mais ce qui a dérangé le Hezbollah, c’est la rapidité avec laquelle le député Walid Joumblatt, dès le coup d’envoi de la Tempête de la fermeté, a apporté son soutien à la guerre de l’Arabie au Yémen. Pour Joumblatt, les développements au Yémen constituent une menace pour la sécurité du royaume wahhabite, celle du Golfe et sur les intérêts des Libanais dans ces pays. Pour le Hezbollah, le député du Chouf veut, en se positionnant de la sorte, adresser un message au nouveau régime saoudien afin que les portes de Riyad lui soient rouvertes.

Aoun écarté par la Tempête de la fermeté
Le lancement de la Tempête de la fermeté a donné le coup d’envoi à de nouveaux équilibres régionaux, comme l’assure une haute instance du Moustaqbal, qui prévoit la prolongation de la crise présidentielle sur le long terme, vu la complexité d’un consensus à ce sujet. Ce qui pouvait être possible avant «la tempête» est derrière nous. La candidature du député Michel Aoun fait partie du passé, et l’opposition de Riyad à son accession au pouvoir est confirmée. Ce veto, après les événements du Yémen, sera exprimé de façon ferme par les alliés de la capitale saoudienne, dont Saad Hariri. L’instance estime que Aoun devrait perdre tout espoir après la Tempête de la fermeté, l’attitude de sayyed Hassan Nasrallah vis-à-vis de l’Arabie a contribué à rayer le chef du CPL de la course à Baabda.

Le Yémen embarrasse le général
Le général Michel Aoun est fort embarrassé par les événements qui se déroulent au Yémen. Il n’a pas la capacité de s’aligner sur son allié principal, le Hezbollah, dans la campagne médiatique menée contre l’Arabie et ses alliés. Aoun sait qu’il anéantira ainsi toute possibilité d’obtenir une couverture saoudienne, émiratie et arabe à sa candidature. Par ailleurs, il ne peut pas soutenir l’intervention saoudienne au Yémen, sachant qu’il renversera ainsi son alliance stratégique avec le parti chiite et l’ensemble de l’axe politique représenté par le Hezbollah sur la scène libanaise. La troisième option qui s’offre à Aoun, et qui consiste à appliquer une politique de distanciation et à promouvoir un règlement par le dialogue, est loin d’être appréciée par les deux parties.

Il n’est pas un suiviste
Le président Nabih Berry a fait savoir qu’il restait attaché à ses bonnes relations avec Riyad, et qu’il n’était pas disposé à lui adresser des critiques, pour une multitude de raisons, cela alors que circulaient des informations selon lesquelles le chef de l’Assemblée a dépêché un émissaire auprès du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, pour l’exhorter à prendre en considération la conjoncture et à baisser le ton vis-à-vis de l’Arabie. Ainsi, Berry a-t-il voulu confirmer à qui de droit qu’en dépit de son amitié pour Téhéran et son alliance avec le Hezbollah, il réfute le suivisme quand il s’agit des affaires délicates et des grands dossiers et ne perd jamais de vue l’intérêt et l’entité du pays.

Conseil national: naissance difficile
La commission préparatoire, chargée de la mise sur pied du Conseil national du 14 mars, a tenu sa troisième réunion. Le débat a essentiellement porté sur la carte d’identité de ce conseil qui comporte cinq principes fondamentaux: le conseil est un cadre politique démocratique, ses objectifs nationaux sont rassembleurs et non confessionnels. C’est un comité consultatif, chargé de débattre des sujets d’actualité dans l’espace national. Il œuvre à consolider l’identité du Liban et son message à son entourage arabe et au monde. L’opération institutionnelle est donc sur les rails et doit être achevée à la mi-mai. Les discussions entre les membres de ce comité portent sur le commandement du conseil, ou le comité du bureau du conseil, qui sera formé de 14 personnalités élues par l’assemblée générale du Biel (elle compte 360 cadres). Autre sujet: la présidence du Conseil national ou la coordination générale après que les Kataëb se soient opposés à cette formule, deux propositions sont sur la table. La première préconise que le coordinateur soit de confession chrétienne, parce que le président général est sunnite (Saad Hariri). La concurrence serait ouverte aux personnalités non partisanes. La deuxième propose que le coordinateur soit chiite pour donner de l’importance à la composante chiite du 14 mars. Quelque 45 personnalités de cette communauté seraient ainsi admises au sein du conseil en gestation.

Sécurité: le plan de Beyrouth
Le compte à rebours du plan de sécurité, prévu pour Beyrouth et la banlieue sud, est lancé. La détermination de l’heure H pour son application est du ressort du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk. Le plan s’appliquera ainsi à tous les quartiers de Beyrouth et ne fera l’impasse sur aucun périmètre de sécurité.
D’après des sources gouvernementales, la position du Hezbollah ne se résume pas à la non-opposition au plan, mais le parti est complètement d’accord sur son exécution, sachant que les affaires portant sur des crimes, de la prostitution et des trafics de drogue dans le cadre géographique de la banlieue sud devant la justice actuellement sont équivalentes, par leur volume, à l’ensemble des dossiers relevant du mohafaza du Mont-Liban.

Pas d’implosion du cabinet
Le gouvernement Salam a réussi à dépasser les embûches du Yémen et de Charm el-Cheikh. Les discussions ont été enflammées, mais sont restées sous contrôle avec une volonté commune d’éviter l’implosion du Conseil des ministres. Ainsi, le Hezbollah a haussé le ton, s’est heurté aux ministres du Moustaqbal sans que les alliés du parti chiite se solidarisent réellement avec lui. Le ministre de la Justice, Achraf Rifi, a été le plus raide face à ses collègues du Hezbollah. Il a été rejoint par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui a soutenu le président Tammam Salam et défendu Riyad. Le ministre du mouvement Amal, Ali Hassan Khalil, a joué le rôle de tampon en arrondissant les angles.

 

Présidentielle, à la Trinité ou en été
L’optimisme en matière de présidentielle souffle à nouveau sur les salons politiques de diverses tendances. Des sources proches des capitales du Golfe prévoient que le Liban aura son président en juillet prochain, informations étayées par des milieux du 8 mars. Ceux-ci signalent l’existence de contacts entre les pôles politiques et des mouvements extérieurs pour «l’élection d’un chef d’Etat agréé par toutes les parties». Ce qui signifie une éventuelle acceptation par le 8 mars d’un président consensuel. Ces sources soulignent que tous ces efforts bénéficient du soutien des Américains. Cependant, il existe des délais à respecter avant d’arriver à l’étape des négociations sérieuses. Le dossier présidentiel ne sera donc pas mis sur la table avant la fin de l’été. Les démarches de la diplomatie américaine, incluant la visite d’Antony Blinken, secrétaire d’Etat adjoint américain, à Beyrouth, visent à alléger la déception de ses alliés par rapport à la politique pratiquée par Washington au Liban. Certains rapports mentionnent que ses alliés ont été choqués par les informations qui leur sont parvenues sur le flirt entre l’ambassadeur des Etats-Unis et le Hezbollah, précisément au sujet du rôle militaire antiterroriste du parti chiite qui apporte son appui à l’armée et préserve la sécurité nationale.

La bataille du Qalamoun se prépare
Alors que les familles de Ersal se rebellaient contre l’hégémonie des combattants syriens, une source locale considère que l’opération de Zabadani constitue l’entrée en matière de la bataille du Qalamoun. Le déploiement de l’armée syrienne sur les hauteurs surplombant Zabadani a sécurisé la route Beyrouth-Damas. L’objectif prochain est de s’introduire dans la ville, de gré ou de force, pour bloquer les routes d’approvisionnement des combattants de l’opposition sur la ligne Anjar-Zabadani. Ce qui mènera à la débâcle de ces forces sur le front du Qalamoun des deux côtés de la frontière. Ces changements pourraient consolider la sécurité dans les bourgades du centre de la Békaa et décider du sort de Ersal. Le rôle de ce village libanais, en tant que base stratégique sur le front syrien, sera compromis avec la chute de Zabadani, et l’importance régionale qu’il a acquise dernièrement sera affaiblie. La source compare ce scénario à la situation qui a prévalu à Tripoli après la défaite des éléments armés syriens et libanais à Qoussair, Talkalakh et le Crack des chevaliers. Elle prévoit, par ailleurs, la fuite dans ce cas des combattants du Qalamoun vers le territoire libanais où la troupe est sur le qui-vive. L’armée syrienne avait pris le contrôle de la chaîne occidentale de Zabadani et ses forces encerclent les groupes de l’opposition dans les quartiers de la ville.

Dialogue au-delà des frictions
Les frictions médiatiques qui ont récemment opposé le Hezbollah à l’ambassade d’Arabie saoudite ne saboteront pas le dialogue de Aïn el-Tiné, selon un parlementaire chiite. C’est d’un commun accord que les deux parties ont décidé de dissocier le dialogue des crises extérieures, vu qu’il est nécessaire au double plan national et islamique. Il est, de plus, unique en son genre, sachant qu’il n’y a aucune formule similaire dans les foyers arabes en crise. Le participant chiite a la certitude que la politique interne du président Saad Hariri prend en compte l’intérêt national, au-delà de son appartenance sunnite. Si certains rapports mentionnent que la société Hariri en Arabie a été rayée de la liste des entreprises principales dans le pays et que l’ex-Premier ministre libanais n’a pas pu conserver son rang privilégié dans l’entourage du nouveau roi, cela n’a aucun effet sur la position de Hariri en tant que symbole communautaire et politique au Liban. Le neuvième round du dialogue Hezbollah-Moustaqbal s’est donc déroulé à Aïn el-Tiné. Le communiqué publié confirme la poursuite du dialogue dans les règles établies au départ. «Les débats ont abordé des sujets internes concernant l’activation des institutions officielles et l’application du plan de sécurité en vue de renforcer la stabilité interne».

Les paris régionaux de Joumblatt
Climat de haute tension pour le leader druze, Walid Joumblatt, depuis que la mobilisation militaire, politique et religieuse des druzes syriens au sein d’une organisation qui hisse le slogan «A toi Salman» a commencé. Cette organisation regroupe des milliers de jeunes prêts à se sacrifier pour lutter contre la menace du Front al-Nosra et autres groupes takfiristes. Le rapport diplomatique, qui véhicule l’information, explique comment la chute de la ville de Basra, le mois passé, entre les mains de ces groupes, a encouragé les druzes de Soueida à opter pour la confrontation, faisant échec aux choix joumblattistes appelant à un modus vivendi avec al-Nosra contre le régime de Bachar el-Assad. Si le zaïm du Chouf échoue à gagner les profondeurs de la Syrie, à cause de ses paris erronés, cela risque d’amenuiser son leadership au sein de sa communauté sur le long terme. Sa récente rencontre avec le président Abdel-Fattah el-Sissi ne l’a pas apaisé. Des sources informées rapportent que le président égyptien aurait dit à Walid bey qu’il pouvait haïr Bachar el-Assad, mais qu’il doit reconnaître que celui-ci est présent et qu’il faut s’habituer à coexister avec son régime. Joumblatt cherche, par ailleurs, à obtenir la protection de Riyad, Le Caire et Ankara, ce qui est compréhensible, mais la conjoncture actuelle, selon le rapport, n’est pas favorable à la réalisation de ses vœux.

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