«Le nouveau code de la route est entré en vigueur. Les mesures seront prises au fur et à mesure, mais les Libanais se doivent de commencer à respecter la loi». C’est par ces mots que le député Mohammad Kabbani a annoncé à Magazine la mise en application officielle de la loi 234, qui prévoit de lourdes amendes.
«Le nouveau code de la route, même s’il entre en vigueur, ne sera pas totalement appliqué en raison de différents obstacles, notamment le manque de personnels au niveau des forces de l’ordre», assure le député Mohammad Kabbani, président de la Commission parlementaire du Transport et des Travaux publics. En 2013, l’Agence nationale de l’information (Ani) avait publié une enquête affirmant que le «nouveau code de la route [était] désormais [entré] en vigueur», ce qui, évidemment, ne fut pas le cas. Et depuis 2013, ce sont les mêmes questions qui ont été posées dans l’enquête qui reprennent aujourd’hui. Ce nouveau code de la route sera-t-il respecté ou plongera-t-il le pays dans de nouvelles crises? Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont-elles été entraînées pour en assurer l’application?
Que stipule la loi 234?
En 2003, le député Mohammad Kabbani, alors président de la Commission parlementaire des Transports et des Travaux publics, a chargé la Yasa de préparer un brouillon pour une nouvelle loi de la circulation. Ce projet, financé par l’Amideast, USAid, Barter Card et la Yasa, a été officiellement présenté au Parlement en 2005. Divisée en douze grandes parties réparties en chapitres et sous-chapitres, la loi 234 comprend des règles générales de conduite sur les routes, des dispositions particulières relatives aux voitures et aux remorques, aux plaques d’immatriculation, à la mécanique, à l’inspection, aux permis de conduire, aux motos, aux vélos, aux accidents de voiture et assurances, à la mise en place d’un Conseil national pour la sécurité routière, au système de «points» et aux sanctions, etc. En d’autres termes, les principaux axes de cette loi s’articulent autour des points suivants: une gestion saine du secteur des transports, un contrôle moderne de l’application du code de la route, une actualisation des méthodes utilisées pour l’obtention du permis de conduire, l’adoption du système de points pour le permis de conduire suivant les infractions réalisées, la mise en place de méthodes éducatives adaptées pour les nouveaux conducteurs et l’application du contrôle technique obligatoire.
En ce qui concerne les vitesses maximales autorisées, notons que la vitesse des véhicules est ainsi limitée (en cas d’absence de panneaux de signalisation) à 100 km/h sur les autoroutes, à 70 km/h hors agglomération et à 50 km/h en agglomération. En cas de visibilité inférieure à 50 mètres, les vitesses maximales sont abaissées à 50 km/h sur l’ensemble des réseaux routier et autoroutier. D’autres mesures sont aussi confirmées, le fait de parler au téléphone en conduisant pourrait ainsi être puni d’une amende de 250 000 livres libanaises.
Permis à points
«Le système du permis à points entrera en vigueur d’ici la fin de l’année 2015», atteste le député Mohammad Kabbani. Selon ce système, le permis de conduire est affecté d’un nombre maximal de douze points. Ces points sont retirés au fur et à mesure que des infractions sont commises selon la gravité de l’infraction, comme indiqué dans la loi. Toute personne coupable de cette infraction encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle. Lorsque le conducteur perd tous ses points, il y a suspension et retrait du permis de conduire pour une durée de six mois durant laquelle il devra suivre une formation dans l’une des écoles de conduite, devant être mises en place selon la loi. Dans le cas où plusieurs infractions entraînant le retrait total de points sont commises simultanément sur une période de trois ans, le permis de conduire est «confisqué» pour un an, et le conducteur devra également suivre la formation précitée et repasser le test de conduite. Une fois que ce dernier est informé du retrait total de ses points, il se doit de délivrer son permis de conduire aux FSI dans un délai qui ne dépasse pas les cinq jours, à compter de la date où il a été informé de sa perte totale de points. Le délai de deux ans achevé, à compter de la date du paiement de l’amende ou de l’émission du jugement à l’encontre du conducteur en cas de retrait total des points, le conducteur peut à nouveau récupérer ces derniers dans leur totalité. Au terme de chaque année, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n’a été commise, ce permis de conduire est majoré de trois points. En revanche, dans le cas où plusieurs infractions entraînant le retrait de points sont commises simultanément, les retraits de ces derniers se cumulent dans la limite de huit points.
Le Liban est-il prêt?
Notre pays est-il en mesure d’appliquer de telles réglementations? Qu’en est-il des différentes institutions impliquées dans ce projet? Les FSI ont-elles été entraînées pour en assurer l’application? Comment le citoyen libanais s’adaptera-t-il au changement dans l’absence de formation adéquate à ce nouveau système et dans le manque d’équipements nécessaires à l’application du nouveau code? Il s’est avéré que les règles émises dans la loi 234 ne correspondent pas aux exigences d’une bonne gestion du secteur routier et à la prise de conscience de la sécurité routière comme priorité au Liban à l’instar des autres pays. Il est vrai que le besoin d’un nouveau code se fait de plus en plus urgent, les régulations en rapport avec le trafic routier au Liban n’ayant été pratiquement pas modifiées depuis 1967. Mais lorsque différents écueils et notamment le manque de personnels et de compétence même au niveau des forces de l’ordre, lorsque les problèmes sécuritaires et politiques sont considérés comme plus prioritaires pour les FSI que la mise en place du nouveau système, lorsque le Liban fait face à des problèmes d’infrastructure, notamment au niveau des autoroutes, lorsque la vitesse maximale de 80 km/h sur de larges portions des autoroutes constitue la vitesse minimale en condition de conduite normalement dans de nombreux pays européens, lorsque la grande majorité des Libanais détiennent un permis de conduire en ignorant la loi, et finalement lorsqu’il est impossible de payer un montant pouvant atteindre 2 000 dollars pour une amende, alors que le salaire minimum dépasse rarement les 750 dollars par mois, une telle loi semble être inapplicable. «Nous ne pouvons savoir quel est le Libanais qui connaît la loi – parmi ceux qui ont déjà leurs permis – et quel est celui qui l’ignore. Le nouveau code de la route est applicable à tous et à toutes», martèle le député Kabbani.
Natasha Metni
A qui profitent les revenus?
L’article 401 de la nouvelle loi prévoit la répartition des «rentrées» relatives aux amendes perçues entre le fonds de réserve des FSI (25% du total des amendes), les municipalités (20% du total des amendes) et la caisse d’indemnités des juges de fonds (30% du total des amendes prévues par des dispositions juridiques) et la Caisse de coopération pour les assistants de justice (25% des sommes perçues en vertu des décisions judiciaires). Les 55% restants sont destinés au Trésor public.