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Paul Khalifeh

La présidentielle en mai ou en juin?

C’est un Liban relativement stable qui a célébré, cette année, le quarantième anniversaire de la guerre civile, dans un Moyen-Orient déchiré par trois conflits majeurs, en Syrie, en Irak et au Yémen, deux affrontements de basse intensité, en Egypte et en Libye, et une crise politique inextricable à Bahreïn. A ces foyers incandescents, il faut ajouter la question palestinienne, «la cause centrale des Arabes», reléguée au bas de leurs priorités. Le «danger perse» est jugé plus urgent, et comme il est maladroit de se battre simultanément sur deux fronts, les Arabes ont reporté de quelques siècles la libération de la Palestine pour parer au plus pressé: chasser l’envahisseur iranien des terres de Syrie, d’Irak et de l’Arabie heureuse. Ceci n’est pas une plaisanterie ou une fiction, c’est l’argumentation développée par de sérieux intellectuels et journalistes arabes, qui se relaient sans relâche sur les médias pour «sensibiliser» l’opinion publique.
Dans ce chaudron bouillonnant, les abominables crimes perpétrés par Daech contre les populations civiles sont amplifiés par «l’historicide» commis par cette organisation obscurantiste, qui détruit systématiquement les traces des grandes civilisations dans cet Orient riche par sa diversité, qui a offert à l’humanité les trois religions monothéistes, l’alphabet, l’invention de l’agriculture, les premières lois écrites, cinq des sept merveilles du monde et, pour les défenseurs des animaux, la domestication du chien.
Dans un tel contexte, la stabilité dont jouit le Liban semble être un cadeau du ciel. Mais il ne faut pas trop se réjouir, car cette stabilité toute relative reste fragile, très fragile, et pourrait ne pas supporter les fortes pressions et les contrecoups des guerres, qui font rage autour de nous. La paralysie des institutions, née de la vacance présidentielle, entraîne un phénomène d’érosion qui finira par provoquer un effondrement brutal et général. Pour renforcer la stabilité, il faut stopper l’érosion grâce à une série de mesures, en tête desquelles figure l’élection d’un président de la République.
Dans ce registre, la guerre ouverte par proxys que se livrent l’Arabie saoudite et l’Iran n’est pas encourageante. Toutefois, en dépit de la crispation entre ces deux puissances régionales, des signaux, faibles mais perceptibles, suscitent quelques espoirs. Il y a incontestablement un changement dans le discours de certains acteurs locaux et extérieurs, qui pourrait être le prélude à un déblocage de l’épineux dossier de la présidentielle. Le patriarche maronite Béchara Raï a décidé de hausser le ton, en faisant assumer la responsabilité du blocage «à un courant politique bien déterminé», qui s’abstient d’assurer le quorum nécessaire pour l’élection au Parlement d’un président de la République. Cette position nouvelle s’accompagne, selon des sources bien informées, de démarches entreprises par le Vatican auprès de Washington, de Paris et de Téhéran, pour faire bouger ce dossier. Le secrétaire d’Etat adjoint américain pour les Affaires du Proche-Orient, Antony Blinken, a également évoqué la question de la présidentielle lors de ses rencontres à Beyrouth, la semaine dernière. Il a tenu des propos allant dans le même sens que ceux du patriarche, appelant les Libanais à «demander des comptes à ceux qui provoquent un défaut de quorum».
Dans le même contexte, un article publié mercredi sur le site de la chaîne al-Manar, appartenant au Hezbollah, a estimé que «le compte à rebours pour l’élection d’un président a commencé». L’élection pourrait avoir lieu, selon al-Manar, «en mai ou en juin». L’article révèle que des noms de présidentiables sont actuellement passés en revue, et attribue un rôle de premier plan à Michel Aoun. «Le premier et le dernier mot dans l’élection présidentielle reviennent au général Aoun, peut-on lire dans le texte. Lorsque le chef du Bloc du Changement et de la Réforme le décidera, le dossier de la présidentielle sera ouvert et le président sera choisi parmi plusieurs noms qui circulent actuellement dans les coulisses».
Cela signifie-t-il que le leader du CPL n’est plus le candidat unique du Hezbollah?

Paul Khalifeh

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