L’ex-patron du Renseignement politique syrien et ancien homme fort du régime Assad au Liban, Rustom Ghazalé, est décédé la semaine dernière, dans des circonstances troubles. Le tout sur fond de rumeurs et déclarations.
Il aura régné sur le Liban d’une main de fer durant trois ans. De 2002 à 2005, Rustom Ghazalé, l’un des hommes forts du régime syrien, est finalement décédé vendredi 24 avril à l’âge de 62 ans, dans un hôpital de Damas, selon une source proche de sa famille.
Ce sunnite de Deraa, jeune officier de formation, a effectué presque l’ensemble de sa carrière au sein des services de renseignements syriens au Liban, dès 1983. D’abord chargé des centres situés à Hammana et au Bois de Boulogne, il est promu à la tête des services de renseignements syriens à Beyrouth en 1994, avant de s’installer à Anjar de 2002 à 2005, jusqu’au retrait syrien du Liban. En 2012, après un attentat qui décime l’appareil sécuritaire syrien, il est nommé par le président Bachar el-Assad à la tête du redoutable Renseignement politique syrien. Jusqu’à la disgrâce, qui tombe comme un couperet au début du mois de mars dernier (voir L’Hebdo Magazine n°2993). Ghazalé est limogé. Le pire est alors à venir. Rustom Ghazalé se voit infliger une bastonnade apparemment ordonnée en haut-lieu, que certains disent commanditée par le chef du Renseignement militaire, Rafic Chéhadé. Ghazalé est hospitalisé dans un état grave et souffre notamment d’hypertension artérielle. D’autres évoquent des désaccords portant sur l’implication de l’Iran et du Hezbollah dans la guerre syrienne. Quoi qu’il en soit, avec son décès prématuré, Ghazalé emporte avec lui tous ses secrets. Comme Ghazi Kanaan avant lui, ou encore Jameh Jameh, eux aussi décédés dans des circonstances mystérieuses.
Circonstances troubles
Les circonstances de sa mort intriguent. Selon certaines sources, Ghazalé aurait succombé à la suite d’importantes blessures qui lui avaient été infligées lors de cette bastonnade. Des médecins libanais avaient alors été appelés à son chevet et Ghazalé était rentré chez lui. Dans un triste état, autant physique que psychologique, selon certains. D’autres rumeurs parlent d’un empoisonnement au polonium, de blessures mortelles infligées à la suite de tortures. Certains évoquent une coïncidence étrange entre le moment de l’hospitalisation de Ghazalé et la publication dans la presse de confessions de Rana Koleilat, l’un des personnages centraux de l’affaire de la Banque al-Madina.
Enfin, surtout au Liban, c’est le rôle passé de Ghazalé dans la mort de Rafic Hariri qui est pointé du doigt. D’autant qu’il avait été interrogé en 2005 lors de l’enquête sur l’attentat. Depuis le début de l’année, son nom et même sa voix − via des enregistrements sonores − avaient été entendus à plusieurs reprises dans le cadre des audiences du Tribunal spécial pour le Liban (TSL).
Pour nombre de politiques, la mort de l’ex-proconsul de la Syrie au Liban serait donc liée au Tribunal international chargé de l’attentat contre Rafic Hariri. Walid Joumblatt a ainsi souligné que «Rustom Ghazalé est le dernier témoin du TSL capable de prouver que le régime syrien a éliminé l’ancien Premier ministre Rafic Hariri». Pour le député et ministre Nabil de Freige, Ghazalé était «l’homme qui en savait trop», en allusion à son implication dans de nombreuses affaires libanaises.
Jenny Saleh
La révélation de Saad Hariri
Déclaration fracassante mardi, depuis Washington, du chef du Courant du futur. S’exprimant depuis le Wilson Center, il a révélé que Rustom Ghazalé avait «tenté d’entrer en contact avec la Future TV à la veille et le lendemain de son passage à tabac». «Il voulait passer à la télévision et annoncer quelque chose, mais nous ne savons pas ce que c’est. Il a été tabassé immédiatement après», a-t-il affirmé. «Nous lui avons donné le numéro de téléphone de la Future TV. Il voulait faire un passage à l’antenne de cette chaîne pour dire quelque chose, mais il n’en a pas eu l’opportunité. Tout comme Ghazi Kanaan, qui s’était suicidé en se tirant cinq balles», a ajouté Hariri.