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Nº 3000 du vendredi 8 mai 2015

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Françoise Thuriès incarne sœur Emmanuelle. «Tout ce qu’a fait cette femme d’exception me touche»

Figure universelle du XXe siècle, sœur Emmanuelle a marqué le monde par sa générosité, son dévouement et son âme, mais aussi par sa liberté de ton. Menée de main de maître par Françoise Thuriès, la pièce Sœur Emmanuelle, confessions d’une religieuse, nous invite à découvrir la vie de cette femme extraordinaire qui a voué sa vie à Dieu et aux plus démunis. Rencontre avec l’actrice.

Sur scène, vous avez si bien endossé le rôle de sœur Emmanuelle qu’on dirait que vous lui avez emprunté sa voix, ses intonations, ses gestes… Vous êtes en fusion avec ce personnage… L’avez-vous connue de si près pour la réincarner sur scène?
Je ne l’ai jamais rencontrée de son vivant. En revanche, j’avais vu des interviews télévisées pendant qu’elle était en vie. J’ai adoré cette femme. Je la trouve exceptionnelle. Je suis fascinée par sa joie, sa liberté de ton, son humour, sa fraternité et sa foi… D’emblée, je l’aimais. Je me disais que ce serait merveilleux si un jour je pouvais la rencontrer. Elle est morte en 2008. En 2011, je cherchais une grande figure mystique féminine à jouer et j’ai alors pensé à elle. Mais elle m’intimidait. Je faisais la comparaison entre elle et moi. Je me disais que je ne lui arrivais pas à la cheville, qu’elle avait dit tout ce qu’elle avait à dire. Qu’est-ce que je pouvais apporter de plus de ce qu’elle avait apporté? J’étais impressionnée et intimidée mais, en tant qu’actrice, j’avais envie d’être en compagnie d’une personne joyeuse. Après avoir beaucoup joué des héroïnes tragiques, j’avais beaucoup pleuré sur scène et j’avais envie de rire. A partir de là, j’ai lu le livre Sœur Emmanuelle, confessions d’une religieuse où elle raconte tout sur elle. Ce livre est sorti après sa mort, à sa demande. C’était une mine d’or et, au fur et à mesure que je jouais, moi qui pensais rire, j’ai pleuré parce qu’elle s’est sacrifiée pour lutter contre la misère du monde et aider les plus démunis.

Sœur Emmanuelle était une femme indignée, passionnée, engagée. Elle avait beaucoup d’humilité, mais aussi de détermination. C’était une femme à multiples facettes et vous l’avez parfaitement montré sur scène…
Elle nous montre, dans son livre, qu’elle est comme tout le monde: elle est coléreuse, elle aimait les médias, être sous les projecteurs. Elle n’essayait pas de paraître quelqu’un d’autre qu’elle n’était.

Quel impact a eu sur votre vie cette femme qui, bien qu’étant religieuse, a eu ses périodes de doute comme tous les hommes?
Je crois que c’est l’homme qui, la plupart du temps, se détruit. Ce n’est pas Dieu qui le fait. Quand elle avait 6 ans, elle a vu son père mourir. Cela a été déterminant pour elle. Elle a compris que rien ne dure. Le bonheur est éphémère. Quand on croit le détenir, il s’échappe. Elle s’est dit: «Moi, je veux quelque chose qui ne meurt jamais», et c’est de là qu’est venue sa quête mystique. «Aucun homme ne m’aimera autant que le Christ qui a donné sa vie pour sauver les humains», a-t-elle estimé. Ça n’a pas été facile de renoncer à sa vie de femme, sa vie amoureuse. Oui, tout ce qu’a fait cette femme me touche énormément et je le vis profondément sur scène.

Après avoir si bien incarné sœur Emmanuelle, à quelles conclusions êtes-vous arrivée à propos de cette femme d’exception?
C’est merveilleux d’être en sa compagnie. Elle est capable de déplacer des montagnes  en simplifiant tout. Curieusement, c’était facile de la jouer sur scène. Dès la première représentation à Paris, j’ai senti qu’elle me guidait. Je dirais que j’ai, par moments, une communion avec elle. Elle qui n’a jamais cessé de dire: «Ouvrez vos cœurs, c’est l’amour des autres qui donne le sens de la vie et de la mort. Celui qui aime ne meurt jamais».

Propos recueillis par Danièle Gergès

Françoise Thuriès
C’est une actrice de théâtre depuis toujours. Elle a joué avec les plus grands comme Françoise Seigner, Francis Huster, Robert Hossein, Jean-Louis Barrault… et a incarné de nombreuses héroïnes classiques, Racine, Corneille, Shakespeare, Dostoïevski et contemporaines Beckett, Cocteau, Rilke… Françoise Thuriès est comme «abonnée» aux saintes femmes depuis quelques années: rôles principaux dans une pièce sur Thérèse d’Avila, Thérèse de Lisieux… Elle a ensuite affronté seule le public dans la crypte de Saint-Sulpice en déclamant des textes sur Marie, puis en incarnant Madeleine Delbrêl.

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