Magazine Le Mensuel

Nº 3001 du vendredi 15 mai 2015

Actualités internationales

Commémoration du 9 mai 1945. Moscou montre ses muscles

Snobée par les dirigeants occidentaux pour cause de crise en Ukraine, la Russie a fait étalage de sa puissance militaire, lors de la commémoration de la victoire de 1945. Il s’agit sans doute de la plus grande parade militaire organisée sur la place Rouge depuis la chute de l’URSS.

Les images ont sans doute rendu fier, depuis sa tombe, le généralissime Staline. Il y a de quoi. Samedi, sur la place Rouge, la Russie d’aujourd’hui a rendu un vibrant et massif hommage à l’Union soviétique d’hier. Ce 9 mai, Vladimir Poutine avait tout fait pour que soit célébré en grande pompe le 70e anniversaire de la victoire sur les nazis. Pas moins de 16 500 soldats étaient rassemblés sur la place Rouge, en prélude d’une parade militaire monstre, comme le pays n’en avait plus vu depuis la chute de l’Union soviétique.
Pour la petite histoire, il faut rappeler que si la Russie a retenu la date du 9 mai − et non du 7 ou du 8 mai − pour célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est parce que Staline avait exigé qu’une seconde capitulation allemande soit organisée à Berlin, avec les représentants russes, absents de la première signature le 7 mai à Reims. Et décalage horaire oblige, au moment de la signature, tardive dans la soirée, il était déjà le 9 mai à Moscou.
Pour commémorer ce 70e anniversaire, la Russie a déployé les grands moyens. La parade militaire, impressionnante, a été l’occasion pour Vladimir Poutine de faire étalage de sa force. Ce sont d’abord les unités à pied qui ont défilé, certains portant l’uniforme de l’époque, suivis par des représentants des unités des forces armées étrangères (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, mais aussi Inde, Mongolie et Chine, entre autres) et enfin les élèves des écoles militaires. Ce déploiement humain a précédé l’arrivée des colonnes mécanisées, qui rendaient hommage aux chars de la IIe Guerre mondiale, comme le char T-34, et dévoilaient les futurs armements de l’armée actuelle. En faisant défiler les blindés de type Tigre, Kornet-D, Typhon, Rakouchka, ou encore T-90, ainsi que de nombreux nouveaux équipements, la Russie souhaitait incontestablement démontrer la puissance de son armée.

 

Le char Armata T-14 dévoilé
Véritable star du défilé, le nouveau char russe Armata T-14, présenté par son constructeur, comme le plus puissant du monde. Ce blindé, qui sera prochainement le principal char de bataille des forces armées russes, est doté de missiles guidés et d’un système radar balayant l’espace dans un rayon de 100 km. Parmi les «prouesses» attribuées à l’Armata, la possibilité de tirer avec son canon de 125 mm en mouvement avec une précision de 0,1 mètre près… Les dispositifs de lancement du tout nouveau système de missiles Iars, qui peut franchir, selon Moscou, les systèmes avancés de défense antimissile, ont été aussi présentés en avant-première sur la place Rouge. La colonne de système S-400 Triumph, capable de parer toute attaque aérienne et spatiale dans un rayon de 400 km, avec une précision de tir de 100 pour 100, faisait elle aussi partie du défilé. Les forces aériennes n’étaient pas en reste. La place Rouge a été survolée par l’aviation, qu’il s’agisse d’hélicoptères, d’avions de chasse ou de ravitailleurs, donnant lieu à d’impressionnantes formations.
Cette parade grandiose, voulue par Vladimir Poutine, a été célébrée devant un parterre d’une vingtaine de chefs d’Etat, dont Pranab Mukherjee, le président indien, auquel s’est joint le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon.
Grands absents de cette journée, les dirigeants occidentaux. Barack Obama, François Hollande – qui a préféré faire une tournée dans les Antilles – David Cameron ou encore Angela Merkel, ont purement et simplement snobé la célébration russe. Raison invoquée, la poursuite de la crise en Ukraine et l’implication russe dans le conflit. L’unité affichée le 6 juin 2014 en France, où tous les représentants des pays alliés durant la guerre étaient présents, paraît bien loin.
Poutine a toutefois pu compter sur la présence d’un allié de taille, le président chinois, Xi Jinping, qui a assisté à toute la cérémonie aux côtés de Vladimir Poutine, invitant même l’armée russe à venir défiler en septembre à Pékin.
Visiblement pas rancunier vis-à-vis de ses homologues occidentaux, Poutine a remercié «les peuples de Grande-Bretagne, de France et des Etats-Unis pour leur contribution à la victoire». «Je remercie les différents pays antifascistes qui ont participé aux combats contre les nazis dans les rangs de la résistance et dans la clandestinité», a-t-il ajouté, rappelant que «l’Union soviétique a pris part aux batailles les plus sanglantes. Ici, les nazis ont concentré leur puissance militaire». L’URSS avait en effet payé un lourd tribut durant la guerre, avec quelque 27 millions de morts. Avec un petit pied de nez adressé aux dirigeants occidentaux… «Il faut rappeler que c’est l’Armée rouge qui, au terme d’un assaut dévastateur sur Berlin, a mis un point final à la guerre contre l’Allemagne hitlérienne», a ainsi avancé le président russe.
Critiqué par les Occidentaux pour son implication dans la crise en Ukraine et l’annexion de la Crimée, le chef du Kremlin a joué l’apaisement, rappelant que les croyances en une «supériorité raciale avaient entraîné une guerre sanglante», estimant que «70 ans plus tard, l’Histoire nous appelle à être de nouveau vigilants».

Jenny Saleh
 

La Grande victoire dans les rues
Véritable mythe fondateur de la grandeur russe, la victoire de 1945 a été commémorée par l’ensemble du pays. Des millions de rubans de Saint-Georges aux rayures orange et noir, symboles du nouveau patriotisme prôné par le Kremlin, ont été portés tel un étendard, des simples citoyens aux fonctionnaires de l’administration. La commémoration a été marquée par une importante ferveur populaire, bien évidemment encouragée par le pouvoir. Tant et si bien que même la moustache de Staline a, semble-t-il, retrouvé ses lettres de noblesse! Le dictateur russe, pourtant responsable de la mort de millions de Soviétiques, a fait un retour remarqué via l’apparition d’affiches à sa gloire ou de bustes dans plusieurs villes de Russie.

Régiment des immortels
La parade militaire achevée, Vladimir Poutine est revenu sur la place Rouge, avec cette fois, un portrait de son père, ancien combattant, à la main. Il était à la tête d’un cortège composé, selon les sources, de 250 000 à 500 000 personnes, toutes venues célébrer la mémoire des «défenseurs de la patrie». Fier de ce rassemblement patriotique, Poutine a salué ce «régiment des immortels», où chaque participant devait porter une photo de son père ou grand-père, ancien combattant. «Un signe de confiance en soi, de confiance en notre force, de confiance en l’avenir radieux de nos enfants», a-t-il souligné.  «J’étais heureux de voir les visages fiers des gens qui ont participé à ces célébrations, non seulement des soldats, mais aussi des gens ordinaires», a déclaré pour sa part Ban Ki-Moon, lors d’une rencontre avec Poutine plus tard dans la journée.

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