En une vitesse record, les combattants du Hezbollah et l’armée syrienne ont repris aux combattants extrémistes près de 300 kilomètres à la frontière libano-syrienne. La première phase de la bataille du Qalamoun est presque terminée, mais la deuxième pourrait bientôt commencer. Et c’est là que les implications sur la scène libanaise vont apparaître.
La victoire enregistrée par le Hezbollah et l’armée syrienne dans les hauteurs du Qalamoun, couronnée par la prise de contrôle de Tallet Moussa, tire son importance des facteurs suivants:
♦ La position stratégique de cette colline, située à une altitude de 2 600 mètres et surplombant largement la région du Qalamoun. En la quittant, les terroristes du Front al-Nosra perdent environ 40% de la superficie de la chaîne de l’Anti-Liban, ce qui conduit au blocage des voies de ravitaillement et de connexion entre les divers mouvements armés et au rétrécissement de leur marge de manœuvre.
♦ L’évolution militaire du Hezbollah, qui agit en armée disciplinée ayant des capacités et une expérience acquises en Syrie, sachant gérer les opérations militaires avec professionnalisme et synchroniser les avancées sur le terrain avec une couverture de feu. Cela, doublé de l’existence d’une élite bien entraînée, capable d’avancer rapidement sur de vastes espaces à découvert et disposant de nouvelles armes d’assaut. D’où l’intérêt que porte Israël aux tactiques et habiletés utilisées par le Hezbollah dans la bataille du Qalamoun, qui viennent conforter la thèse selon laquelle la guerre en Syrie a renforcé le Hezbollah au lieu de l’affaiblir.
♦ L’emplacement et le timing de cet exploit, après la série de déboires de l’armée syrienne au nord (Idlib et Jisr el-Choughour) et au sud (Bosra el-Cham et le passage de Nassib), qui vient accorder une sorte de compensation morale au régime et à ses alliés et entraîner un rééquilibrage des forces sur le terrain.
Les objectifs de la bataille
La bataille du Qalamoun avait pour objectifs de protéger Damas, de sécuriser l’axe Damas-Homs jusqu’au littoral syrien, de préserver la communication entre Damas et le Liban, de contrôler les frontières syro-libanaises étant les seules encore gérées par le régime, contrairement à celles avec l’Irak, la Turquie, la Jordanie et Israël, et de sauvegarder la jonction entre les régions alaouites syriennes et chiites libanaises. Une jonction vitale au cas où le plan de partage de la Syrie vient à se réaliser.
Certains experts militaires estiment que la bataille globale du Qalamoun n’a pas encore débuté. On serait, encore, d’après eux, au stade d’une bataille de positions ou de prévention visant à repousser la menace qui pèse sur Baalbeck, Brital ou le sud et le sud-ouest vers Damas sur la route de Masnaa-Beyrouth… D’autres, en revanche, disent que la bataille a bel et bien commencé, même si elle est restée limitée au jurd de Brital et Assal el-Ward et ne s’est pas étendue au nord, parce que le Hezbollah n’a pas encore atteint la route qui relie Yabroud, à Rankous jusqu’à Zabadani, et que la poursuite de la bataille dans une région de 100 kilomètres de long et de 10 à 12 kilomètres de large, doit être assurée par un réseau routier. Or, le seul réseau se trouve sur les cimes de l’Anti-Liban, à savoir Yabroud-Rankous-Zabadani.
Le paysage se présente aujourd’hui comme suit: prise de contrôle par l’armée syrienne et le Hezbollah d’une série de collines stratégiques qui étaient sous la coupe des groupes armés. La poursuite des batailles déterminera le sens que prendront les développements. Bien que l’objectif du Hezbollah soit de venir à bout d’environ 4 000 combattants dans le jurd, il ne possède pas l’effectif quantitatif suffisant pour couvrir une aussi vaste région, sans oublier que l’occupation des collines stratégiques doit être accompagnée par le maintien de quelques unités aux postes pris aux terroristes pour les empêcher de les récupérer. Cette bataille pourrait donc durer des mois et se transformer en guerre d’usure pour les deux parties, parce que, primo, le terrain est rocailleux et que certaines montagnes s’élèvent à plus de 2 600 mètres d’altitude et, deuxio, à cause de l’inexistence de réseaux routiers pour le ravitaillement par camions…
Le front actuel
Parallèlement, toutes les données indiquent que l’Armée libanaise ne sera pas partie prenante dans une bataille qui ne la concerne pas et ne permettra pas qu’on l’attire au-delà des frontières, en territoire syrien. Sa seule préoccupation demeure la sauvegarde de la stabilité générale et la protection des frontières pour préserver le Liban des flammes syriennes.
Le front concerne désormais trois chapitres: le Qalamoun dont la bataille la plus dure et la plus dangereuse a commencé. Le dossier des otages militaires dont la libération entrerait dans le cadre de la bataille du Qalamoun, et la tension entre Ersal et son environnement due aux mouvements des terroristes et la prise en otage du village. La libération du Qalamoun signifierait la libération de Ersal et la liquidation de la carte de son jurd détenu par les combattants rebelles et qui comporte de nombreux dangers pour le Liban.
Chaouki Achkouti
Le rôle délicat de Ersal
Depuis le début de la crise syrienne, il y a quatre ans, Ersal joue un rôle fort délicat dû à son emplacement géographique, à l’interpénétration de son jurd avec la frontière syrienne et à sa réalité communautaire différenciée dans la région. Une région qui s’est transformée en antichambre médicale, alimentaire et logistique pour les groupes armés qui combattent le régime et le Hezbollah. Avec la bataille du Qalamoun, le projet de démantèlement du camp de Ersal est à nouveau évoqué, surtout qu’il s’est transformé en havre pour les terroristes. L’idée de transférer le camp est justifiée par le fait que la majorité de ses occupants ont des liens familiaux avec les éléments armés présents dans le jurd syrien du Qalamoun. Ceux-ci viennent souvent voir les leurs, ce qui induit des craintes sécuritaires provenant de leur possible infiltration à Ersal.
D’après les aveux des détenus arrêtés dans ce camp, celui-ci est devenu un centre pour la préparation des voitures et ceintures piégées, pour la formation des suicidaires et pour la planification d’attaques contre l’armée ou contre des cibles civiles, même à l’intérieur de Ersal.