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Nº 3002 du vendredi 22 mai 2015

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Les jeunes et le numérique. Facteur positif ou source de pathologies?

Les technologies de l’information et de la communication sont omniprésentes dans la vie quotidienne des jeunes. Elles semblent modifier les rapports qu’entretiennent les individus entre eux, aussi bien dans leur vie scolaire et académique que dans leur vie personnelle. C’est dans ce sens que le séminaire Les jeunes et le numérique a eu lieu, le 6 mai dernier, à l’Université Saint-Joseph (USJ).

L’impact de la révolution numérique sur la socialisation des jeunes se fait de plus en plus important. Comment accompagner la nouvelle génération dans son parcours scolaire et académique? Dans quelle mesure pouvons-nous aider les jeunes à tirer profit des pratiques numériques pour le développement de leurs compétences? Organisé par l’association Francophonia Liban en partenariat avec la faculté des sciences de l’éducation de l’USJ, l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, sous le patronage de l’Académie des sciences de France et de l’Académie des sciences du Liban, le séminaire Les jeunes et le numérique a tenté de donner des réponses à ces questions par la voix de deux chercheurs français, Pierre Léna et Serge Tisseron.
 

Des recommandations
Quelles sont les recommandations de l’Académie des sciences aux jeunes face à l’écran?
«Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années 70. Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace». C’est par cette citation de Michel Serres, philosophe, historien des sciences et homme de lettres français, que Pierre Léna, astrophysicien et professeur émérite à l’Université Paris-Diderot, a commencé son intervention. Introduisant le concept de neuromythe, Léna explique que la génération d’aujourd’hui, ou les «natifs numériques», est plus performante surtout au niveau de la recherche d’informations. Le terme «natif numérique» décrit la génération (génération Y) de ceux qui sont nés entourés d’écrans de différentes natures. Pour cette génération, il n’y a rien de «nouveau» dans les nouvelles technologies, ce sont les technologies de leur quotidien. «Néanmoins, cette description ne dit rien à propos des compétences. Nous sommes tous nés dans un bain d’écriture sans que cela fasse de nous des lecteurs ‘‘naturels’’ et encore moins de grands écrivains à 6 ans: on apprend à lire et à écrire grâce à l’instruction». Un rapport récent produit au Royaume-Uni par UCL pour la British Library et JISC a analysé de manière non systématique la littérature sur les compétences informatiques de la génération Y et conduit des études sur l’utilisation des outils de recherche par les jeunes utilisateurs. Beaucoup de mythes y sont démontés, y compris celui de la compétence: la génération Y ne sait pas nécessairement conduire une recherche sur Internet de manière efficace. Léna estime que la fausse impression de compétence que les très jeunes enfants suscitent quand ils ont entre les mains une tablette, un ordinateur, un téléphone pourrait être l’effet du design de ces mêmes interfaces, qui sont faites pour une utilisation manuelle intuitive. «Ceci pourrait aussi nous leurrer et nous faire sentir compétents, alors que nous ne le sommes pas, donc nous freiner dans l’acquisition d’une compétence réelle».

Une nouvelle situation culturelle
«L’être humain a inventé l’écriture, puis le livre, pour prendre en relais et amplifier certaines de ses capacités mentales et sociales. Il a aussi inventé les écrans, pour prendre en relais et amplifier ce que la culture du livre imprimé laissait de côté. Ces deux cultures sont partiellement indépendantes de leur support et véhiculent leurs repères et leurs valeurs», certifie Serge Tisseron, corédacteur de l’Avis de l’Académie des sciences, sur L’Enfant et les écrans et auteur de plusieurs essais. Il en résulte donc de ces deux cultures quatre révolutions:
Dans la relation aux savoirs.
Dans la relation aux apprentissages.
Dans le fonctionnement psychique.
Une révolution des liens et de la sociabilité.

Natasha Metni
 

Des cultures complémentaires
Les deux cultures dont parle Tisseron restent toutefois complémentaires, chacune ayant ses dangers et ses avantages. Alors que la culture du livre permet de s’approprier sa propre histoire en s’en faisant le narrateur, celle des écrans favorise la capacité de faire face à l’imprévisible. Quant aux dangers, la culture du livre entraîne une réduction des compétences aux apprentissages par cœur, tandis que celle des écrans aboutit à une certaine dispersion (la pensée zapping) et à la formation d’une personnalité immergée dans chaque situation nouvelle, sans recul cognitif ni temporel et, donc, sans conscience de soi.

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