En temps de ralentissement économique, le nombre d’emplois diminue et les initiatives entrepreneuriales foisonnent. Le domaine des nouvelles technologies attire particulièrement les Libanais, qui y ont marqué des points. Leur dynamique n’a pas laissé indifférents Américains et Britanniques.
Les Américains, par le biais d’une entité du secteur privé, la Chambre libano-américaine de commerce (AmCham Lebanon), et d’une autre entité publique Usaid, l’agence gouvernementale américaine pour le développement, et les Anglais par l’intermédiaire d’un projet du gouvernement géré par l’ambassade de Grande-Bretagne, ont décidé de s’impliquer de plain-pied dans le domaine des start-up libanaises et d’en faire un des leviers de leurs économies respectives.
David Hale, ambassadeur des Etats-Unis au Liban, a estimé que «des opportunités en or pour les investissements peuvent se présenter même dans des pays où une instabilité politique prévaut». Le diplomate avait tenu ses propos lors de l’annonce de la 1ère conférence des start-up libanaises, qui a eu lieu au Big Apple, à New York City, sous le patronage de Bank Audi et Fransabank. Une conférence organisée par AmCham Lebanon, en coopération avec Mégaphone et bénéficiant du soutien de l’ambassade des Etats-Unis à Beyrouth. La journée a été suivie par 250 participants, près d’une cinquantaine de start-up libanaises et plus d’une centaine de représentants de sociétés de capital-risque, d’investisseurs étrangers et d’expatriés libanais. «C’est la première initiative du genre dans la mesure où il s’est agi lors de cette journée d’un B to B entre les parties concernées permettant une interaction directe entre elles», a souligné le président d’AmCham Lebanon, Sélim Zeeni. Il a ajouté: «Cet événement a permis aux jeunes entrepreneurs libanais de partager leurs expériences et leurs acquis avec leurs homologues américains et leurs potentiels pourvoyeurs de fonds et, surtout, de s’inspirer des modèles américains de gestion des start-up».
Par cette démarche, AmCham Lebanon aspire à promouvoir la culture de l’innovation, en encourageant les jeunes à prendre plus de risque et dans le même temps en poussant les hommes d’affaires, les gouvernements, la société et les individus à soutenir et à récompenser cet entrepreneuriat, qui est synonyme de risques et d’aléas.
Dans le même esprit, Usaid, en partenariat avec Berytech, a récemment lancé le fonds Insure and Match Capital Fund d’un montant pouvant atteindre dans les prochaines cinq années près de 15 millions de dollars. L’objectif du fonds est de soutenir les jeunes entrepreneurs libanais qualifiés et créatifs, mais qui font face à des difficultés en termes de financement.
L’ambassadeur de Grande-Bretagne, Tom Fletcher, a lancé dernièrement une initiative, UK Lebanon Tech Hub, visant à la formation d’un pont entre les communautés des start-up au Liban et en Grande-Bretagne. L’idée est de mettre en réseau l’expertise et les investisseurs anglais avec les start-up libanaises. Cette plateforme est basée au Beirut Digital District. Colm Reilly, P.-D.G. du projet d’une durée de deux ans, a précisé qu’UK Lebanon Tech Hub est formé de cinq étapes. A priori, un accélérateur international sélectionnera 45 sociétés libanaises à fort potentiel de croissance. Ce nombre passera à 15 lors de la deuxième phase, qui permettra à ces sociétés d’aller à l’international en se rendant à Londres. A la troisième étape, le programme Capacity Building & Signposting se chargera de la formation et de l’entraînement des jeunes entrepreneurs en termes d’une meilleure connaissance de la structure de l’investissement dans l’industrie des technologies. Ce programme permettra également à ces start-up de se mettre en contact avec des fournisseurs et des clients établis à Londres et au sein de la diaspora libanaise. A la quatrième et cinquième phase du projet, une stratégie de développement du partenariat entre la Grande-Bretagne et le Liban ciblera les universités au pays du Cèdre susceptibles de promouvoir l’esprit entrepreneurial et mettra en place un plan marketing et de communication pour les start-up accompagnées.
En 2013, le système économique des start-up a reçu un sérieux coup de pouce de la part de la Banque du Liban. Celle-ci a injecté des liquidités de l’ordre de 500 millions de dollars dans un fonds souverain sur base de la circulaire 331, portant sur le financement des start-up. Aujourd’hui, trois sociétés de capital-risque (VC), à savoir Middle East Venture Partners (MEVP), Berytech Fund et Leap Ventures ont levé au moins 50 millions de dollars chacune. MEVP est dotée de 75 millions de dollars et continue de croître. Elle investit dans des start-up basées au Liban, mais également en Jordanie, en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis et en Egypte. MEVP est l’une des premières VC dans le monde arabe qui ont commencé à prendre des participations dans les start-up à partir de 2010, investissant entre 50 000 et 200 000 dollars par projet. Wamda Capital a fait son entrée sur le marché avec des fonds d’un montant de 55 millions de dollars tout comme Y Venture Partners (YVP), un nouvel acteur créé et géré par Abdallah et Gaith el-Yafi. Il est vrai que les investissements dans le secteur des NTIC au Liban restent à un faible niveau. Néanmoins, ce secteur est prometteur. Henry Asseily, partenaire associé de Leap Ventures et fondateur de Shopzilla, a réussi à vendre cette dernière à 500 millions de dollars.
L’amélioration de la connexion
La vitesse moyenne d’Internet au Liban est de 3,11 Mbps, bien en dessous de celle dont bénéficient les Emiratis, soit de 27,9 Mbps. Selon certaines estimations, l’expansion au double de la bande passante pourrait tirer à la hausse le PIB de 0,6%. Un pourcentage sain pour un marché émergent, situé dans une région frappée par la violence et victime de la crise des réfugiés syriens. Afin d’améliorer la vitesse de la connexion Internet, le Liban a été raccordé au câble sous-marin Indian-Middle East-Western Europe (IMEWE). Toutefois, le pays du Cèdre a maintenu sa position dans le cadre du classement d’Ookla sur base de la vitesse d’Internet, soit la 177e position d’un total de 200 pays couverts par l’enquête. La raison est simple puisqu’elle est d’ordre politique. Abdel-Menhem Youssef, à la tête d’Ogero, une organisation mixte des secteurs public et privé, et président de l’Autorité de régulation des télécoms, bloque l’utilisation et la distribution des câbles qui ont été raccordés à IMEWE. Aujourd’hui, moins de 10% de la capacité disponible des câbles Internet opérationnels sont mises à la disposition du marché. Or, un expert dans le domaine des télécoms a confié à Magazine qu’un délai de douze mois serait suffisant afin que chaque ménage soit branché à une fibre, à la condition que le câble marin IMEWE soit entièrement fonctionnel. Cette même source a considéré qu’il y aurait un conflit d’intérêts au sein du ministère des Télécoms vu les missions dont est chargé Abdel-Menhem Youssef.
Liliane Mokbel