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Nº 3005 du vendredi 12 juin 2015

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Financiers, experts, académiciens et hommes d’affaires en état d’alerte. Pour une économie d’efficience

La première conférence organisée au Liban et sur le Liban par le groupe Euromoney a été marquée par un partage des avis des experts sur la conjoncture économico-financière et ses perspectives.

Si la résilience économique du Liban n’est plus un fait à démontrer, il n’en demeure pas moins que les facteurs politico-sécuritaires internes et exogènes combinés rendent les paris difficiles sur le temps nécessaire pour voir la fin du tunnel. Et c’est là où le bât blesse. Toujours est-il que banquiers, experts, académiciens et hommes d’affaires ont pointé, à l’unanimité, un doigt accusateur vers les hommes politiques, qui semblent loin d’être conscients des réelles menaces qui planent sur l’avenir économique du pays et de sa population.
 

Le gonflement de la dette
Suffisamment cérébrale, Alia Moubayed, économiste en chef chez Barclays, s’est interrogée sur les raisons qui font que le Liban est sans Loi de finances depuis plus de dix ans, alors que la conjoncture régionale était pacifiée. Ceci dit, elle se demande comment les institutions d’un pays peuvent-elles fonctionner correctement en l’absence d’un master plan, d’une vision nationale et d’une autre sectorielle. «Nos responsables politiques mettent les bœufs devant la charrue. Ils argumentent au sujet des postes de dépenses futures que permettrait l’exploitation des ressources pétrolières du Liban, avant même de prendre des décisions exécutives afin de générer des revenus». L’économiste fait référence à Israël, qui a défini une stratégie claire concernant ses gisements pétroliers. L’Etat hébreu a décidé, dans une première étape, de satisfaire la demande de son marché local et de passer ensuite à l’étape suivante, qui est celle de l’exportation. Aujourd’hui, fait-elle remarquer, Israël est à la deuxième phase et en passe d’exporter son pétrole vers l’Egypte et bientôt vers la Jordanie. Le Liban, pendant ce temps, est encore à attendre sur le quai «des jours meilleurs». Par ailleurs, elle est revenue plusieurs fois à la charge, mettant l’accent sur un dysfonctionnement des établissements publics et la propension de la corruption parmi les fonctionnaires comme conséquences de l’inexistence d’une politique économique, dont les contours sont bien définis et qui mettrait en avant une bonne gouvernance sans faille. Alia Moubayed a enfin insisté sur l’amorce d’une réforme des finances publiques en jugulant graduellement le déficit budgétaire qui constitue, à son avis, la priorité.
Un Etat ne peut survivre éternellement avec un déficit chronique. «Ce qui me fait le plus peur est le gonflement de la dette publique et l’identité des acteurs qui détiennent cette dette», a déclaré Louis Gargour, responsable auprès de LNG Capital. L’expert a, d’autre part, donné de la voix en s’interrogeant sur le sort des finances de l’Etat une fois que le Liban serait contraint de relever la structure de ses taux d’intérêt pour s’accorder à l’augmentation des taux prévus aux Etats-Unis. Répliquant avec optimisme et un calme déconcertants, Marwan Barakat, directeur des recherches à Bank Audi, a considéré qu’il n’y avait aucune raison de s’alarmer outre mesure pour le moment, apportant les preuves par les chiffres que le montant de la dette est amplement couvert pas les liquidités détenues des principaux créanciers, à savoir la Banque du Liban et les banques commerciales. Il a insisté sur le fait que le pays du Cèdre, malgré cinq années particulièrement difficiles, se positionne dans une conjoncture de ralentissement économique et non de récession. La croissance économique n’a jamais été nulle. Les avances aux secteurs privés sont dynamiques et les profits des banques sont quasiment stables vu l’exigence de capitalisation imposée par Bâle III. Marwan Barakat souligne que la Banque centrale a joué un rôle vital dans la dynamisation des crédits octroyés à l’économie, en injectant des liquidités sur le marché bancaire à des taux subventionnés, reconnaissant que 50% des prêts accordés par Bank Audi aux acteurs économiques l’ont été grâce à cette ingénierie financière.

 

Liban et Singapour
Freddie Baz, responsable de la stratégie à Bank Audi, a considéré qu’une volonté réelle des politiques de briser l’inertie se traduirait, entre autres, par le démarrage de l’exploitation d’un seul bloc de gisement pétrolier qui serait à même de générer des revenus substantiels pour le Trésor et d’accroître le Produit intérieur brut (PIB) par habitant. Selon lui, ceci est plausible si l’on se souvient qu’avant 1975, le PIB libanais représentait 70% de celui de Singapour. Aujourd’hui, le PIB de la cité-Etat avoisine les 300 milliards de dollars, contre moins de 50 milliards pour le Liban.
Au cours d’une deuxième session des débats, les deux banquiers Saad Azhari, président du groupe Blom, et Freddie Baz ont évoqué les expériences concluantes des activités de leurs banques respectives. Le numéro un de la Blom Bank a parlé en termes élogieux de la stratégie d’expansion appliquée par sa banque dans la région, à savoir en Syrie, en Egypte et en Jordanie, observant que, malgré la situation économique difficile en Syrie, les clients syriens ont continué dans leur grande majorité à rembourser leurs prêts et les créances douteuses sont, par conséquent, insignifiantes. Dans le même esprit, Baz a indiqué l’expérience concluante de sa banque en Turquie, affirmant que la volatilité de la monnaie turque est en même temps sa force. Abordant le sujet des nouvelles technologies et de l’économie de la connaissance, cheval de bataille du gouverneur de la Banque centrale à court, moyen et long termes, le directeur de la stratégie à Bank Audi a déclaré que son établissement de crédit a alloué une enveloppe de 200 millions de dollars pour la perfection des technologies bancaires. Sur un autre plan, le financement des start-up n’est plus un problème grâce aux incitations de la Banque centrale, mais le problème est l’existence d’une idée porteuse et d’un mentor, a souligné Baz. Sur le même sujet, Saad Azhari a relevé que «le métier de la banque demeure un métier essentiellement basé sur les relations humaines et les nouvelles technologies sont à utiliser abondamment au niveau des procédés et des mécanismes de travail». A une question posée par Richard Banks, consultant auprès d’Euromoney, le président du groupe Blom s’est prononcé pour «une économie efficiente, clé de voûte de tout essor, qui reposerait sur une taxation souple sur les profits des sociétés et les revenus des individus». Un tel mécanisme encouragerait l’introduction des sociétés à la Bourse de Beyrouth et à la création de nouveaux outils permettant de coter également les start-up.

 

La consommation interne  
Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a opté pour une dynamisation à outrance de la consommation interne afin de pallier la carence de la demande importée, booster la croissance et renforcer la résilience du pays. Il a rappelé que le nombre des débiteurs est passé de 35 000 en 1993 à 700 000 aujourd’hui. D’après lui, il existe au Liban trois principaux secteurs stratégiques sur lesquels les Libanais peuvent compter pour construire un meilleur avenir: le gaz et le pétrole, le secteur financier et l’économie de la connaissance. Son plan de travail s’est articulé autour de la création d’une synergie entre le secteur financier et celui des NTIC. Pour la troisième année consécutive, la BDL a emprunté aux banques près de 1,5 milliard de dollars à un taux de 1% pour financer des projets d’énergie renouvelable, de l’environnement et immobiliers (projet Neerea). Cette initiative aurait généré la création de quelque 6 000 emplois. Pour ce qui est des start-up, Salamé a révélé que l’application de la circulaire 331 a permis aux banques d’accorder des financements de l’ordre de 200 millions de dollars à des start-up et des fonds de capital-risque, alors qu’une quarantaine de compagnies sont dans les pipelines.

Liliane Mokbel

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