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Nº 3006 du vendredi 19 juin 2015

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Les druzes face à leur destin. Nous sommes prêts à nous défendre!

Le massacre de vingt druzes dans la région de Jabal el-Sammak, à Idlib, au nord de la Syrie, a été vivement condamné. Mais ce carnage, qui a provoqué un grand émoi au sein de cette communauté au Liban et en Syrie, ne semble pas pour autant avoir ébranlé la résilience de ses membres qui disent avoir toujours foi en leur avenir.
 

Un même sentiment semble prévaloir à Aley, une ville libanaise à majorité druze, et à Soueida, à plusieurs centaines de kilomètres de là, où se trouve le bastion de la communauté dans le Jabal el-Arab, en Syrie. «Nous ne quitterons pas notre terre et nous la défendrons quelle que soit la faction qui nous attaque», affirme le docteur Farès, un habitant de Soueida, contacté par téléphone.
Dans cette région, qui abrite le plus grand nombre de druzes au Moyen-Orient, (plus de 500 000 selon le ministre Akram Chéhayeb), les habitants se disent toujours confiants. «Nous disposons d’un avantage démographique dans le secteur de Soueida et une offensive lancée dans cette région serait donc beaucoup plus difficile et coûteuse que celle contre Qalb Laouzé», signale Raëd Chaya, un jeune de la région. Ce dernier assure que la majorité de la population est armée et prête à se défendre. «Soueida n’est pas Idlib», ajoute-t-il. A titre de comparaison, il y aurait environ 21 000 druzes, résidant dans près de 18 hameaux, dans le secteur d’Idlib, à majorité sunnite.
Dans un article publié par le site Syria Direct, en mars dernier, les habitants de cette région du nord de la Syrie avaient déclaré s’être convertis en raison des pressions exercées par le Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda. Ils avaient rapporté les mesures contraignantes imposées par les combattants étrangers du groupe, en contradiction avec l’approche des membres syriens de la mouvance, qui se montraient plus respectueux des traditions locales.
Une réalité mise en exergue lors des derniers événements de Qalb Laouzé. Le massacre se serait produit à l’instigation de l’émir tunisien du groupe sunnite extrémiste, qui avait «tenté de saisir la maison d’un résidant druze qui, selon lui, était un partisan du régime», selon le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel-Rahman. Le Front al-Nosra a assuré, via l’un de ses comptes Twitter, vouloir sanctionner ses membres responsables de la tuerie.
Les druzes de Soueida se disent toutefois dubitatifs face aux assurances du front. «Nous n’avons pas confiance dans cette faction et notamment en l’absence de mesures concrètes», explique un cheikh druze de Soueida, sous couvert d’anonymat. D’autres, comme l’opposant Jabr el-Choufi, s’exprimant par téléphone à partir de la Turquie, estiment que la vision très sectaire d’al-Nosra envers les minorités n’aurait d’autre but que «de remplacer une dictature (celle du président Bachar el-Assad) par une autre datant d’un autre âge».
Certaines garanties offertes au niveau régional et local semblent toutefois rassurer les druzes de Soueida. Chaya souligne les bonnes relations entretenues par les druzes avec certains groupes rebelles au sud de la Syrie. D’autres, comme le Dr Farès, espèrent que les pressions exercées par les pays arabes éviteront des dérapages. Plusieurs émissaires auraient été dépêchés par le leader druze Walid Joumblatt au Qatar, en Turquie et en Jordanie, à la suite de la tuerie d’Idlib. Le député Akram Chéhayeb a toutefois réfuté les rumeurs faisant état d’un deal avec Ankara visant à faciliter l’exode des druzes d’Idlib vers la Turquie, dans le cas d’un renouveau des tensions communautaires. «Les druzes n’ont pas quitté leur terre en Palestine, ou au Liban, ils ne la quitteront pas non plus en Syrie», déclare le député, qui ajoute que la communauté en Syrie doit rejoindre «son environnement naturel, celui de ses frères de Hauran».

 

Discours contradictoires
Les druzes de Syrie, eux, se disent prêts à se défendre contre toute éventualité, adoptant parfois un discours assez contradictoire. Ainsi, selon Chaya, les druzes de Syrie soutiendraient à la fois l’armée syrienne et l’Etat, sans pour autant soutenir le régime. «Lors de l’attaque de l’aéroport de Thaalé, les jeunes ont combattu auprès de l’armée. Les druzes sont prêts à se battre pour défendre leur territoire», ajoute le jeune homme. Mais de manière concomitante, près de 20 000 conscrits druzes auraient refusé de rejoindre l’armée syrienne, selon Choufi.
«Quelles que soient leurs sympathies politiques, que ce soit pour le régime ou l’opposition, une grande partie des druzes ont opté pour une politique de distanciation», assure Choufi.
Au Liban, le discours est à peu près le même. «La guerre qui a lieu en Syrie a des implications mondiales et régionales au-delà des intérêts des druzes. Ils ne doivent pas s’en mêler tant qu’ils en ont la possibilité», insiste un membre de la famille Chéhayeb.
Selon le Dr Wassim Adnan, les membres de la communauté doivent se montrer neutres dans le conflit syrien, car ils ne disposent pas de soutien international. «Durant la guerre du Liban, les druzes ont été appuyés successivement par l’URSS et la Syrie. Les druzes de Syrie n’ont pas d’alliés vers qui ils pourraient se tourner, contrairement aux rebelles et au régime Assad. De plus, ils ne peuvent pas compter sur ce dernier dont le pouvoir est sur le déclin, car cela entraînerait leur massacre dans le cas de la chute du régime», assène ce quadragénaire, ancien combattant.
Un massacre que certains druzes considèrent être dans l’intérêt du régime, qui a adopté une politique de polarisation des extrêmes. Selon des sources syriennes, l’armée syrienne aurait opposé une faible résistance à l’Etat islamique à Palmyre, se situant à quelques heures de route de Soueida en passant par la Badia, le désert. «Les bédouins se trouvant aux confins de Soueida sont à la solde à la fois du régime et de l’Etat islamique», estime Choufi.
La bataille de Thaalé a montré que les druzes sont prêts à se battre dans le cas d’une prise de leur territoire. Un scénario qui pourrait se répéter dans le secteur de Jabal el-Cheikh (le mont Hermon), où l’armée de Haramoun, conduite par le Front al-Nosra, a mis en garde les druzes de ne pas intervenir.

 

Assad «garant des minorités»
Au Liban, un cadre du Parti socialiste progressiste (PSP) s’attendrait à des répercussions sur les druzes de Syrie en raison des prises de position radicales de certains membres de la communauté, comme celle du responsable syrien Wafiq Nasser. «Les actions de ce dernier ou celles du général Issam Zahreddine (de l’armée syrienne), pourraient mener certains sunnites à demander la vengeance aux habitants de Soueida. Cela est malheureux, mais c’est le propre de toutes les guerres», explique le cadre du PSP.
Le prince Talal Arslan a, lui, appelé à se ranger aux côtés du régime Assad, seul garant des minorités. «Oublions nos intérêts personnels. La bataille nécessite une solidarité et une unité avec la Résistance (libanaise du Hezbollah) et l’armée (syrienne)».
Le cadre du PSP estime, pour sa part, que malgré ces prises de position, cela ne veut pas dire que les druzes de Syrie ne survivront pas au conflit. «Comme nous, ils en ont la capacité. Nous avons été confrontés à la guerre et combattu des forces inimaginables, mais nous sommes toujours là», insiste-t-il.

Mona Alami
 

Saisie d’armes à Soueida
Des militants armés druzes auraient empêché un convoi du régime, composé de six camions transportant des roquettes, de quitter la province de Soueida, selon le site Web Suwayda Khabar. Le régime procédait au déplacement des roquettes d’une brigade de radar apparemment en direction de Damas lorsque des partisans armés du Mouvement des cheikhs de la dignité ont saisi les camions et les ont emmenés vers une destination inconnue. Cette mouvance serait dirigée par le cheikh Waheed el-Balhous.

Les druzes israéliens
Selon le site breakingisraelnews, citant le député du Likoud Ayoub Kara, la communauté druze en Israël aurait recueilli plus de 10 millions de shekels pour sa branche syrienne, une somme qui sera consacrée à l’achat des armes et d’autres produits de première nécessité. L’argent a été transféré par la Jordanie en raison de l’absence de relations commerciales et bancaires entre Israël et la Syrie. Le site a souligné que, la semaine dernière, lors de la visite du chef d’état-major des armées américaines, Martin Dempsey, les hauts responsables israéliens ont soulevé la question de la protection de la communauté druze en Syrie, y compris éventuellement la création d’une zone tampon humanitaire près de la frontière. Walid Joumblatt a, cependant, insisté que les druzes de Syrie n’ont pas besoin de l’aide d’Assad ou d’Israël. Il a estimé que le massacre des druzes à Idlib était un incident isolé.

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