Magazine Le Mensuel

Nº 3008 du vendredi 3 juillet 2015

à la Une

Philadelphie. La dolce vita made in America

On l’appelle Philly. Un surnom charmant pour une ville qui signifie amour fraternel et qui n’a pas volé son titre, puisque c’est elle qui a vu naître la confédération des Etats-Unis. On le devine: une ville riche en histoire. Très. Mais pas seulement.

Philadelphie est une ville riche tout court. Et dans tous les sens du terme. Il y a là de beaux paysages entre les deux rivages des deux rivières Delaware et Schuylkill, les grandes avenues bien dessinées, les jets d’eau gigantesques, colorés, les «squares» verdoyants, sans oublier les gratte-ciels qui, jusqu’en 1987, n’avaient pas le droit de monter plus haut que la statue de William Penn (fondateur en 1682 de la ville), la plus grande sculpture au sommet d’un édifice, érigée sur le magnifique hôtel de ville, style Napoléon III. Il y a les 31 sculptures publiques à travers la ville qui rendent hommage à Benjamin Franklin, un grand scientifique qui a découvert (entre autres) le paratonnerre, mais surtout un grand politicien à qui sont dédiés un pont majestueux, un institut, un parc et un magnifique musée.
D’ailleurs les musées pullulent dans la première capitale des Etats-Unis qui a vu naître non seulement le premier au pays, mais aussi la première bibliothèque publique et la première école des beaux-arts. On se rappellera du musée de Rodin, du musée interactif pour enfants (Please Touch Museum), du Museum of art (où une effigie à Sylvester Stallone, en Rocky, se dresse sur les marches) et, surtout, de l’incontournable Barnes Foundation. Du nom de ce pharmacien qui a fait une fortune colossale en vendant une goutte ophtalmique, et qui a offert à sa ville des dizaines, voire des centaines, de tableaux d’impressionnistes célébrissimes: Renoir (121 tableaux), Cézanne (69), Matisse (59), Picasso (46), Van Gogh, Rousseau…
L’art est partout dans la métropole de l’Etat de Pennsylvanie: installations sur les esplanades (célèbre parc Love), splendide loge maçonnique, fresques murales gigantesques partout sur les façades des bâtiments (plus de 3 500 murales). La musique fait partie aussi de la fête dans la ville qui s’enorgueillit d’un orchestre symphonique et d’un opéra réputés mondialement.
La 5e plus grande ville du pays est une agglomération paisible d’un million et demi d’habitants, au climat clément, qu’on déguste en marchant, un cheesesteak en main (spécialité gastronomique no 1 de Philly). Elle a en sus le privilège d’être un paradis pour le shopping, puisque les vêtements et les chaussures sont hors taxe (dans l’idée initiale d’accommoder riches et pauvres). Dans cette métropole vivante et vibrante, on est loin des centres d’achat anonymes usuels. Les rues animées aux noms d’arbres (Chestnut, Walnut…) sont truffées de boutiques «à la parisienne» (plus de 2000), de restaurants (tout un quartier italien), de pubs, de cafés (250 extérieurs), mais aussi d’échoppes d’artisans et de designers (vestige d’une ville qui était très largement industrielle). Pas étonnant que la ville regorge de jeunes branchés. Très convoitée, beaucoup de New-Yorkais ont choisi d’y vivre (68 minutes en train) loin de leur Manhattan trépidant ou même de Washington, la ville voisine que ses habitants jugent trop austère.
Mais il n’y a pas qu’eux. Les touristes pullulent. On les voit se promener sur la rue Pine, pittoresque à souhait, et traverser la plus vieille rue piétonne du pays ou se revigorer d’aliments ethniques dans les nombreux food trucks. On les retrouve aussi attardés dans le plus vieux carré diamantaire ou déambuler dans le Reading Terminal Market. C’est là, dans le cœur du New Jersey, qu’on découvre un des plus anciens marchés des fermiers qui regorge de victuailles de toutes sortes provenant de plus de 70 coins du monde. Notamment des préparations allemandes, dont de délicieux bretzels que propose, en chignon serré, tablier blanc et costume du siècle passé, la communauté Amish (qui parle toujours allemand) et qui vient de Lancaster, à 150 km de là, où ils vivent tout à fait en dehors du modernisme (ne conduisent pas de voiture, n’ont pas d’électricité et se chauffent au bois).
Les Américains déboulent de tout le continent pour revivre, dans ce qui est le berceau de l’indépendance, les premières pages de l’Histoire des Etats-Unis. En plein City Center, un quadrilatère de maisons historiques (Parlement, convention, bureau de poste, Independence Hall…) rappelle que c’est ici, à Philly, symbole de la tolérance, que les treize colonies britanniques ont fait sécession de la Grande-Bretagne. Ce 4 juillet 1776, une énorme cloche a sonné la déclaration d’indépendance (rédigée par Thomas Jefferson, dont une université porte le nom). Symbole de  la ville, la Liberty bell, qui a sonné l’égalité de tous, est conservée dans une maison de verre. Un mémorial visité avec beaucoup d’émotion sous l’œil toujours vigilant des policiers… Parce que, comme partout en Amérique, malgré l’héritage de liberté de la Constitution signée en 1787 et ses amendements, notamment par Lincoln qui a aboli l’esclavage, les tensions entre les communautés blanche et noire demeurent latentes.
Est-ce pour cela que le pape a décidé de s’y rendre pour la rencontre mondiale des familles du 22 au 27 septembre 2015? Deux millions de visiteurs y sont attendus venant de 150 nations… Destination ou détour mémorable.


Gisèle Kayata Eid, Philadelphie – Etats-Unis

 

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