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Nº 3008 du vendredi 3 juillet 2015

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Samir Frangié, président du CN du 14 mars. «Au Liban, ni vainqueur ni vaincu»

Samir Frangié est élu président du Conseil national du mouvement du 14 mars. Dans une rencontre avec Magazine, il parle de ce conseil et de ses principaux objectifs.
 

Peut-on parler d’une intifada au sein du 14 mars?
Je préfère utiliser au lieu d’intifada au sein du 14 mars l’expression «intifada dans l’intifada», qui est en fait un slogan lancé par Samir Kassir et qui est le titre d’un article qu’il a publié un mois avant sa mort. C’est plus une tentative de redonner vie au mouvement du 14 mars et, pour être plus précis, de redonner vie à cet esprit qui était là, en 2005. C’est plus un renouvellement qu’une intifada. En revanche, l’objectif de ce rassemblement est de lancer une nouvelle intifada: celle de la paix qui viendrait mettre fin à pratiquement un demi-siècle de conflits. Je pense que l’objectif de ce Conseil national devrait être celui-là et nous allons travailler sur cette base.

Quelles sont les chances de succès de ce conseil puisque les partis politiques en sont absents?
Je voudrais revenir en arrière. En 2005, ce sont les indépendants qui ont constitué l’écrasante majorité dans la manifestation du 14 mars. Ce sont les indépendants qui sont aujourd’hui la cible de ce Conseil national. Notre objectif est de renouer avec cette société civile, moderne et ouverte. La coordination avec les partis politiques  se fera dans le cadre du secrétariat général du 14 mars. Je pense que si le Conseil national arrive à tracer des objectifs clairs et à faire participer le plus grand nombre, il pourra apporter quelque chose de qualitativement nouveau, pas seulement au sein du 14 mars, mais dans la vie politique libanaise.

Vous dites dans l’une de vos déclarations que le clivage 8-14 mars est dépassé…
Ce clivage a dominé la vie politique de 2005 à aujourd’hui. La situation qui prévaut en Syrie a complètement changé la nature même de ce clivage. Le 8 mars a perdu. Avec la chute attendue du régime syrien, il y a un échec clair d’une politique défendue par le 8 mars et, notamment, par le Hezbollah. Mais cette défaite, et c’est là le paradoxe, ne signifie plus la victoire du 14 mars. On n’est plus dans la situation où une partie perd et l’autre gagne. Ne peut gagner désormais que l’ensemble du pays, c’est-à-dire, la défaite du 8 mars devrait permettre le retour du pays à cette fin de guerre que nous n’avons pas pu réaliser à cause de la présence syrienne. Il faut revenir à l’accord de Taëf, en prenant en considération qu’il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Tous les Libanais sont vainqueurs. Le principe du vainqueur et du vaincu est une relance de la violence. C’est là où je dis qu’il faut désormais aller de l’avant et substituer au clivage 14-8 un autre clivage: entre ceux qui ont tiré les leçons de la guerre et veulent vivre ensemble, égaux dans leurs droits et devoirs, ceux qui comprennent l’importance de la relation avec l’autre et ceux qui continuent à être prisonniers de leur ghetto communautaire et considèrent l’autre comme une menace existentielle. C’est vers ce nouveau clivage que nous allons pousser les choses.

Est-il vrai que les chiites proches du 14 mars étaient absents?
C’est vrai qu’ils n’étaient pas tous présents, mais une partie était là. Je ne saurai dire les raisons. Mais celui qui a présidé la séance, Ghaleb Yaghi, est chiite.

Avez-vous des craintes concernant la sécurité ou la reprise éventuelle des attentats?
Il faut créer à tout prix un filet de protection au moins au niveau de la société civile car avec ce qui se passe en Syrie, on ne sait pas quand un attentat peut être commis et on ne connaît pas les réactions à celui-ci. En une journée, trois continents ont été visés par des attentats. On ne peut écarter cette éventualité chez nous. Il faut éviter que la guerre reprenne chez nous. C’est la bataille pour la paix que nous allons mener au sein du Conseil national. Mais cette tâche n’incombe pas à nous seuls, elle incombe aussi à tous les organismes dans la société civile qui luttent contre la violence sous toutes ses formes. Tout le monde doit coopérer, car la violence communautaire est de la même nature que la violence contre les femmes, les étrangers ou la nature. La bataille à mener est contre la violence. Il faut que toutes les organisations concernées s’entraident pour créer ce filet de sécurité.

Quels sont vos projets d’avenir?
Nous sommes en train de constituer les différentes commissions et les organisations régionales. Nous préparons la tenue d’un congrès à la fin de l’été.

Propos recueillis par Joëlle Seif

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