Magazine Le Mensuel

Nº 3010 du vendredi 17 juillet 2015

POLITIQUE

Au 14 et au 8 mars. Rien ne va plus entre les alliés

La dernière bataille du général Michel Aoun, qui a pour titre la récupération des droits des chrétiens, ne semble pas faire l’unanimité des partenaires au sein du même rang. Un vent froid semble souffler sur la relation entre les alliés, que ce soit entre le général Michel Aoun et Sleiman Frangié d’une part, ou entre Saad Hariri et Samir Geagea d’autre part.
 

La relation entre le général Michel Aoun et le député Sleiman Frangié a certainement connu des jours meilleurs. Durant la période actuelle, les observateurs enregistrent une certaine «tiédeur» dans la relation entre les deux hommes. Sleiman Frangié apparaît plus proche à la position de Nabih Berry qu’à celle de Aoun, appuyant l’ouverture d’une séance parlementaire extraordinaire et refusant l’arbitrage de la rue. Le chef des Marada s’est également prononcé contre un «référendum chrétien» et le projet de fédération, brandi par le leader du CPL. Il est bon de relever que le ministre Rony Araiji, représentant les Marada au gouvernement, n’était pas présent à la dernière réunion du Conseil des ministres et qu’il est sur le point de signer le décret appelant à l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire.
Selon des sources informées, Sleiman Frangié aurait adressé des critiques virulentes à l’encontre du référendum chrétien sur lequel Aoun et Geagea se sont entendus. D’ailleurs, il en a fait part au député Ibrahim Kanaan, dépêché auprès de lui par le général Aoun. Frangié estime que le leader du CPL n’aurait rien à gagner, bien au contraire, il aurait tout à perdre, en cas de la tenue de cette consultation populaire, même s’il arrive en tête du classement. Pour le leader des Marada, ce référendum dévoilerait le recul de la popularité du général Aoun de 70% en 2005, à 40% en 2009 et à 25% aujourd’hui. Ceci signifie, selon Frangié, que le général Aoun ne représente plus la majorité chrétienne qui lui permettait de monopoliser la décision chrétienne et de limiter la représentation de celle-ci à sa propre personne. D’autre part, ce référendum montrerait une grande réduction de l’écart entre Aoun et Geagea. Aoun resterait toujours en première place et Geagea en deuxième place, mais l’écart entre les deux hommes est considérablement réduit. Le chef des Forces libanaises ne s’intéresserait pas au référendum pour ce qui a trait à la présidence de la République, mais pour ce qui en est de la représentation chrétienne. Tout ce qui l’intéresse serait de montrer à tous son poids représentatif réel.
Pourtant, le leader des Marada, dans sa dernière conférence de presse, a réitéré sa position concernant sa candidature à la présidence de la République: il n’est pas candidat tant que le général Aoun maintient la sienne. Dans des propos qui pourraient être interprétés de manière équivoque, comme s’il déniait au Courant patriotique libre et à son chef leur bataille pour la récupération des droits des chrétiens, Frangié affirme: «Aucun chrétien aujourd’hui n’est contre le droit des chrétiens». Il s’est aussi prononcé contre la fédération. «On ne peut pas en tant que chrétiens dire aujourd’hui à nos partenaires que nous refusons de vivre avec eux. Comment pourraient-ils accepter que le président de la République, le commandant en chef de l’armée et le gouverneur de la Banque centrale soient maronites à l’ombre d’un tel discours?». Frangié s’est également voulu rassurant envers Saad Hariri et Nabih Berry en affirmant: «Lorsque nous réclamons les prérogatives du président de la République, nous ne permettrons pas que l’on porte atteinte aux autres présidences». Et pour la première fois, le chef des Marada a exprimé tout haut ce qu’il dit tout bas depuis trois ans: le général Aoun devrait coordonner, même très peu, avec ses alliés. «Lorsque nous sommes consultés sur un projet politique et que nous nous mettons d’accord, nous serons aux premiers rangs aux côtés du CPL, comme nous avons toujours l’habitude de le faire. Mais pour cela, il faut que les décisions soient prises en concertation et que nous n’en soyons pas notifiés quelques heures à l’avance. Nous sommes d’accord sur le principe, mais pas sur les moyens». Interrogé sur le rôle du ministre Gebran Bassil, il a répondu: «Je suis obligé de collaborer avec n’importe quelle personne désignée par le général Aoun, même si celle-ci est une planche ou un bout de bois», en allusion au ministre Bassil.  

 

Le silence des alliés
Du côté du 14 mars, le Courant du futur manifeste une contrariété et un ressentiment envers ce qu’il appelle «le silence des alliés chrétiens» concernant les propositions de Aoun et l’escalade de ses positions. Le Futur leur reproche d’adopter une attitude similaire se rapportant à plusieurs affaires, notamment l’ouverture d’une séance parlementaire extraordinaire et l’allusion à la fédération sous couvert d’une décentralisation administrative et financière. Des sources au Courant du futur estiment qu’à travers son dialogue avec les Forces libanaises, Aoun a réussi à les écarter politiquement, alors qu’elles étaient considérées comme le fer de lance du 14 mars contre Aoun. Selon les sources précitées, le dialogue Aoun-Geagea est utile et bénéfique. Mais le plus important serait la traduction de celui-ci sur le plan de l’élection présidentielle. Il incomberait à Samir Geagea de convaincre Michel Aoun de se retirer de la bataille et d’accepter l’idée d’un président consensuel. Ces milieux considèrent que Geagea a accéléré sa rencontre avec Aoun avant que celui-ci n’aille plus loin dans son escalade et qu’une rencontre entre les deux hommes ne devienne plus possible, les efforts de six mois partant ainsi en fumée. Il était impératif de rendre publique «la déclaration d’intentions» et d’achever la première étape du dialogue qui tourne la page du passé et consacre la réconciliation.

Joëlle Seif
 

L’initiative de Nasrallah
Des sources informées ont annoncé que les contacts étaient en bonne voie entre les alliés et «les alliés des alliés» au sein du 8 mars dans une tentative sérieuse de mettre fin au conflit qui a éclaté au grand jour et qui concerne le mouvement de protestation conduit par le CPL, auquel sont opposés le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef des Marada, Sleiman Frangié.
Ces sources ont également dévoilé que sayyed Hassan Nasrallah a pris personnellement une initiative qui pourrait être couronnée de succès dans les prochains jours. Les vacances de la fête du Fitr pourraient voir une rencontre tripartite, qui réunirait Nasrallah, Berry, Aoun et qui pourrait se transformer en une réunion quadripartite, à laquelle se joindrait également Frangié. Tous les sujets de discorde seront abordés, allant de la coordination entre les alliés, à la position à l’intérieur du gouvernement jusqu’à l’échéance présidentielle, croit-on savoir.

Rapprochement Bassil-Gemayel
Dans la foulée des félicitations à Saïfi, à l’occasion de l’élection de Samy Gemayel à la tête du parti Kataëb, deux visites ont particulièrement suscité l’intérêt des observateurs. La première est celle d’une délégation du Hezbollah, menée par le député Ali Fayad, dans une indication de la volonté du parti de Dieu de développer ses relations avec la nouvelle direction du parti. La seconde étant celle du ministre Gebran Bassil, qui confirme l’absence de conflit entre le CPL et les Kataëb. Rien n’empêche les deux partis de se concerter. La visite de Bassil, qui intervient après la visite de Samir Geagea à Saïfi, revêt un caractère particulier. Elle tend à montrer au parti Kataëb que la déclaration d’intentions signée entre les Forces libanaises et le CPL n’est pas dirigée contre lui et ne cherche pas à l’isoler, l’écarter ou le marginaliser. Elle ne veut pas dire non plus que le tandem Aoun-Geagea résume à lui seul la scène politique chrétienne. La discussion entre les deux hommes a porté, entre autres, sur la crise gouvernementale. Bassil a assuré que le CPL poursuivra son escalade quelles que soient les conséquences. Samy Gemayel aurait manifesté son ressentiment concernant la tentative de résumer la scène politique chrétienne au duo CPL-FL. Il a parlé d’une concomitance de positions avec le CPL sur la législation d’exception. En revanche, la position du parti Kataëb concernant la situation du gouvernement est différente de celle du CPL. Malgré leur accord sur le mécanisme de fonctionnement du gouvernement, Gemayel ne soutient pas Aoun dans l’inscription des nominations sécuritaires à la tête de l’ordre du jour du Conseil des ministres.

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