Après des mois de négociations acharnées, l’Iran et les pays des 5+1, réunis à Vienne, sont parvenus à un accord final sur le nucléaire iranien. Quelles seront les répercussions de cet accord sur le Liban? Magazine a sondé l’opinion des représentants politiques des différents partis locaux.
Nagi Gharios
député du Courant patriotique libre (CPL)
«Les résultats de cet accord ont besoin de temps pour se décanter. Ce dernier a été durement négocié au cours des vingt-deux derniers mois et ce n’est pas quelques heures après l’annonce de sa consécration que les choses vont changer au Liban et dans la région. En attendant, sur le plan libanais, nous devons œuvrer pour nous entendre sur les échéances internes. Il faut savoir qu’un président sans couleur et sans saveur ne servira pas les intérêts du pays. D’autre part, qu’il y ait accord ou pas, rien ne peut influencer les revendications justifiées du CPL, en l’occurrence un partage équitable du pouvoir. Seuls un président fort et un rééquilibrage du pouvoir entre toutes les communautés sont susceptibles de sauver le Liban. Conjuguons nos efforts dans ce sens et ne comptons plus sur l’étranger pour décider à notre place».
Antoine Zahra
député des Forces libanaises (FL)
«Le Hezbollah va partir du principe qu’il est gagnant, et se comporter comme tel. Il sera donc encore plus intransigeant en ce qui concerne l’élection d’un président de la République. Dans un autre registre, il pèsera de tout son poids pour maintenir le statu quo interne, étant occupé à faire la guerre en Syrie. Il souhaite éviter tout effondrement de la structure interne qui assure actuellement un minimum de stabilité. Il pousse en parallèle ses alliés à réclamer un congrès fondateur qui lui donnerait plus de pouvoir politique, sans qu’il ne porte pas une responsabilité directe dans cette revendication. Il essayera de prendre un maximum d’acquis sous prétexte qu’il a désormais un poids considérable en tant que communauté et que résistance. Mais ce scénario n’a pas de chance de réussir faute de consensus interne sur ce sujet».
Ahmad Fatfat
député du Courant du futur
«Cet accord est un tournant stratégique dans la région. On peut le comparer aux accords de Camp David. Quand ils ont été signés, le monde a cru à la paix et, en fait, il y a eu la guerre. Ne soyons donc pas hâtifs dans notre évaluation. Attendons de voir dans quel sens la politique iranienne évoluera à l’intérieur même du pays: si les conservateurs ont le dernier mot ou non et quelle sera l’attitude de l’Iran face aux développements régionaux. Les choses peuvent évaluer dans différents sens. Elles se décanteront d’ici trois mois: si l’Iran décide de s’ouvrir au monde et sur la région, on assistera au Liban à l’élection d’un président de la République, peut-être à une réconciliation nationale. Si l’Iran veut renforcer son emprise sur certains verrous qu’il contrôle, le Hezbollah se trouvera dans une position de force. D’ailleurs, Mohammad Raad l’a laissé entendre lorsqu’il a proféré sa menace: «L’avant-accord nucléaire n’est pas comme l’après-accord. Attendons pour voir».
Fadi Habre
député Kataëb
«Il est certain que l’après-accord nucléaire ne sera pas comme l’avant-accord, dans le sens où le début de la levée des sanctions, qui pourrait intervenir dès 2016, permettra à l’Iran de s’épanouir et de s’ouvrir au monde. Je pense que le but principal de l’initiative du président iranien se place là. Le nouvel Iran ne pouvait plus supporter de ployer sous toutes les sanctions. Avec cet accord, et sur le plan externe, son rôle stratégique se déploiera encore plus. Au Liban, il y aura certainement des changements. Je pense que le pays va sortir de sa phase d’attentisme. Mais les répercussions ne seront pas négatives parce que toutes les forces politiques sont conscientes de l’équilibre des forces sur le plan populaire, communautaire, confessionnel, militaire… et ceci est garant de la stabilité puisqu’aucun pôle ne peut étendre son hégémonie sur le pays. Nous ne devons pas manquer la chance d’une entente nationale franche et sincère, puisque nous n’avons pas d’autres choix et qu’une certaine maturité politique prévaut chez tous.
Propos recueillis par Danièle Gergès
Motus et bouche cousue!
Le Hezbollah, que nous avons contacté, préfère ne pas se prononcer actuellement sur la question. Il en est de même pour les responsables d’Amal qui souhaitent ne pas commenter les répercussions de cet accord sur le Liban. Quoique, disent-ils, le chef du Parlement Nabih Berry soit optimiste et s’attend à des répercussions de cet accord se traduisant bientôt au Liban, notamment au niveau de la présidentielle. Hagop Pakradounian, secrétaire général du parti Tachnag, a fait part, lui aussi, à Magazine de son souhait de ne pas donner son avis sur le sujet.
Les responsables du Parti socialiste progressiste (PSP) prétendent être occupés par l’affaire des déchets de Naamé, mais le chef du parti, Walid Joumblatt, a donné son avis à l’hebdomadaire al-Anba’ analysant que cet accord a été contracté après près de 100 ans de la conclusion des accords de Sykes-Picot «sur les cendres du monde arabe qui se noie dans le chaos, les tueries et la destruction». «Nous ne devons pas ignorer, dit-il, que puisque les intérêts se rejoignent entre les grandes puissances, nous assisterons à l’émergence de nouvelles alliances pour combattre ce qu’on appelle «le terrorisme»… de nouvelles lignes ont été dessinées pour le Moyen-Orient avec une ignorance des Arabes et de leur rôle dans la région…
Les responsables des Marada semblent, eux aussi, préoccupés par le dossier des déchets, mais leur chef Sleiman Frangié a déclaré au journal as-Safir qu’il s’attendait à des retombées positives sur le Liban. «Ceux qui misaient sur l’extérieur vont devenir plus sages, des solutions vont se profiler qui placeront le Liban sur la bonne voie, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne passerons pas par des phases difficiles».