George Mattar magnifie la lettre noun à la galerie Farra Design Center, jusqu’au 7 août. Une exposition haute en couleur et en significations.
Quand l’EI (Etat islamique) a saccagé les maisons des chrétiens en Irak et inscrit sur les décombres la lettre N pour les identifier, George Mattar a vu dans cette lettre noun pour nassara (chrétiens) le début d’un projet spirituel. Dans le «noun» recourbé plutôt que la mort et la destruction, il a voulu y créer un espace d’amour, de générosité et d’espoir.
Il n’en fallait pas plus pour que cet artiste, diplômé de l’Esib en ingénierie architecturale, soit inspiré pour créer des acryliques de toute beauté. Dans cette dernière exposition inédite et inattendue, ses œuvres viennent confirmer la démarche d’un artiste multidisciplinaire qui mixe la sculpture et la peinture et qui met, encore une fois, la création au service de la spiritualité. Après ses fameux derviches tourneurs déclinés sous toutes les formes d’inventivité et d’originalité, George Mattar puise, pour cette cinquième exposition privée, dans la symbolique de la 14e lettre de l’alphabet arabe, les ferments d’une nouvelle production.
Dans l’alphabet arabe, cette lettre est considérée comme représentant el-hût, la baleine ou le poisson. Sa forme ressemble à l’arche de Noé qui porte en elle tous les éléments et germes qui auraient servi à la restauration du monde après le déluge. Le point du noun désigne la semence d’immortalité et le noyau indestructible qui échappe à toutes les dissolutions extérieures. Il représente symboliquement le cœur ou le fœtus dans l’utérus. La légende veut que ce soit d’ailleurs en sortant du ventre de la baleine que le prophète Jonas, appelé justement Dhûn-noun, soit ressuscité. Cette nouvelle naissance présuppose la mort, deux aspects inséparables, deux faces opposées d’une même réalité. Ce n’est pas pour rien que le noun dans l’alphabet suit immédiatement le mîm, complètement replié sur lui-même et qui signifie la mort, el mawt.
De quoi méditer, mais surtout admirer.
Gisèle Kayata Eid