Les festivals «battent leur plein», ou du moins se poursuivent, malgré la morosité ambiante, la déprime générale, la fatigue, la lassitude. Mais il n’y a pas que les festivals qui font bouger la musique. Dans les rues, dans les bars, sur le Net, la vie se fait musique, une musique «made in Lebanon».
The Best of SoapKills
Quand Beyrouth se reconstruisait en musique
L’album à peine inséré dans le lecteur de CD, et voilà que les souvenirs affluent. Fin des années 90, début 2000. Beyrouth. La reconstruction ne se fait pas qu’à coups de bétonneuses arbitrairement, pour effacer, raser les traces d’une guerre dévastatrice; la scène culturelle est vidée, dévidée, prête à ouvrir les bras… C’est là, peut-être, surtout, qu’il fallait s’activer. Bâtir du nouveau, tout en restant ancré dans le contexte du pays.
Le duo SoapKills se forme; la chanteuse Yasmine Hamdan et le musicien Zeid Hamdan. «Le savon tue». La scène underground commence à se mettre en place. Une chanson puis une autre, le public accroche, se met à attendre les prestations du groupe, nées presque spontanément dans des cadres inattendus. Certaines chansons deviennent de tubes. C’est que SoapKills a su opérer un mélange très attractif, comme on dit communément, entre l’Orient et l’Occident, la musique arabe classique et le trip-hop. La voix traînante et caressante de Yasmine épouse les arrangements de Zeid. Le duo détonne, avec toutes les difficultés bien sûr, au Liban avant de s’exporter à l’étranger.
Trois albums sortent dans les bacs: Bater (2001), Cheftak (2002), Enta fen (2005). Et autant de titres inoubliables: Leh Zaalen, Cheftak, Aranis, Koulloundif, Herzan… Le cours de la vie sépare le groupe, chacun poursuivant une carrière solo. Mais récemment le label de Yasmine Hamdan, Crammed Discs, qui a publié son dernier album, Ya Nass, propose de sortir un best of des SoapKills. Il a fallu replonger dans les souvenirs, les archives, où tout n’était pas archivé. L’album est sorti dans les bacs il y a quelques semaines: une sélection de 14 titres, contenant certaines de leurs chansons phares, ainsi que deux inédits. Le livret accompagnant l’opus permet de remonter de visu à travers le temps, à travers d’anciennes photos du groupe, prises essentiellement par des amis, et qu’il a n’a pas été facile de retrouver. Avec la chanson Galbi figurant sur la compilation «You gotta move! 15 Tracks of the best new music» du CD gratuit offert avec Uncut Magazine, The Best of SoapKills, une magnifique plongée dans cette véritable révolution musicale à l’échelle du pays qui ne cesse de charmer. n
Aberrance de Gurumiran
Au-delà des genres
Avec la piste Dreamer débute l’album Aberrance de Gurumiran: un beat fort, des sonorités électroniques disséminées, une voix grave qui fuse, surplombant l’ensemble qui se forme au fur et à mesure. Une première piste planante qui se ménage des pics où perce un entêtant rythme. Surprenant, inattendu. Inclassable. Dès le premier morceau, Aberrance s’inscrit dans le cadre des albums qu’on ne peut ranger dans un genre précis. Qui surprennent, toujours, à chaque écoute. Même si, dans les dernières pistes, perce un flottement répétitif.
Un nouveau nom, en carrière solo, sur la scène musicale locale, même s’il s’y active depuis longtemps déjà. Gurumiran, de son véritable nom Miran Gurunian, est connu comme l’un des membres fondateurs de Blend, groupe pionnier du rock libanais, avec qui il a écrit et coproduit l’album Act One. Il a également collaboré avec Eileen Khatchadourian et Tania Saleh entre autres, avant de prendre part à l’aventure de Pindoll… C’est dire le parcours éclectique de cet audiophile, guitariste, DJ, compositeur, producteur, auteur.
Dreamer, English Tea, Sweat Lord (Gospel in 808), Home, She is… neuf pistes composent ce premier album solo de Gurumiran. «Aberrance est une réflexion personnelle sur différents événements qui ont refaçonné la vie du musicien». Du personnel offert en échange, en communication, chaque chanson dégaine une ambiance différente, multiple, qui continue de s’effeuiller en une kyrielle de sensations, entre la légèreté, l’éthéré, l’humour, la mélancolie, l’âme rêveuse et la tête relevée.