Pour l’inauguration de sa 30e édition, Beiteddine Art Festival invite le ténor péruvien Juan Diego Flórez, accompagné de la soprano Joyce el-Khoury. Une soirée enrobée d’un écrin de velours sonore.
Somptueux et accessible à la fois. Un délicieux mariage de ces sensations prenantes qu’on ne vit pas souvent simultanément durant les soirées d’opéra. Pourtant, ce fut le cas, avec le ténor Juan Diego Flórez qui a partagé la scène avec la soprano libano-canadienne Joyce el-Khoury, accompagnés par l’orchestre philharmonique Gioacchino Rossini.
Du Rossini tout en musique en ouverture de La Cenerentola et du concert. Sous la direction impressionnante du chef d’orchestre, Christopher Franklin, la soixantaine de musiciens font entonner leurs instruments respectifs en osmose avec la nuit en pénombre surplombant la scène du palais de Beiteddine.
Voilà le moment que nous attendions tous: l’entrée en scène de Juan Diego Flórez, sous une salve d’applaudissements. Le public lui était déjà conquis d’avance et son charisme ne fera que nous envoûter davantage à mesure que le concert s’effeuille. Il ne fait pas les choses de manière ordinaire, Juan Flórez. Enfant rebelle de l’opéra, éternel adolescent peut-être, sans doute, il y a toujours comme la fraîcheur de la première fois dans sa voix, dans sa manière d’être sur scène, dans le répertoire choisi, dans le contact avec le public, au-delà de toute la virtuosité et la superbe de la voix. Le plaisir de la musique semble intact chez lui, toujours nouveau, toujours en perpétuelle découverte, toujours en émerveillement continu. Et c’est contagieux, tellement contagieux que les sourires se sont imprégnés sur tous les visages.
Programme éclectique pour cette soirée inaugurale du mercredi 29 juillet: Rossini évidemment, celui à qui il doit une grande partie de son succès, mais aussi Dvorak, Offenbach, Gounod, Puccini, Delibes… De sa voix de ténor, effeuillant les multiples sensations d’un voyage sonore, entre le grave et le suraigu, entre l’émotion et l’humour, la puissance et l’éthéré, Juan Diego Flórez fait vibrer le public au fil des partitions qu’il entonne: La belle Hélène, Faust, Roméo et Juliette… et un frémissant Werther de Massenet. Moment d’émotion intense quand il donne corps aux lamentations du jeune Werther: «Pourquoi me réveiller».
Des moments de solo empreints d’émotion, entrecoupés par les solos de Joyce el-Khoury, tout aussi chargés d’intensité, véhiculée à merveille à travers sa voix de soprano. Dès sa première entrée sur scène, avec le magnifique Rusalka de Dvorak, ou quelques moments plus tard, avec Les filles de Cadix de Delibes, elle s’instaure en parité, en complicité, en complémentarité avec Flórez. Deux voix au firmament de leur virtuosité, deux voix qui s’accordent parfaitement dans le duo Nuit d’Hyménée tiré du Roméo et Juliette de Gounod.
Entre la scène et le public, un courant de communion indicible s’établit. Une ambiance de confiance presque. Cela est dû, en grande partie, aux magnifiques voix sûrement, mais aussi à l’aisance avec laquelle les artistes se meuvent sur scène, au charisme qu’ils dégagent, à la simplicité qu’ils incarnent. Au bout d’une heure et demie de concert, le public ne cesse d’en redemander, ovations, martellement des pieds, applaudissements, les artistes se font un plaisir de revenir sur scène. A quatre reprises! Quatre encore! Un fait rare, très rare, pour un concert d’opéra. Pour un concert qui marque en grande beauté le lancement de la 30e édition du Beiteddine Art Festival.
Nayla Rached