Malgré l’imbroglio politique interne et un environnement régional secoué par la violence, le Liban est à l’abri d’une crise monétaire, même s’il souffre d’autres distorsions économiques, telle une consommation interne atone.
A priori, l’écartement d’une probable crise monétaire est synonyme de stabilité sociale et de confiance des résidants et non-résidants dans l’économie nationale. En effet, à part le fait qu’à la fin de chaque mois la demande sur la livre devient plus forte en raison du besoin des agents commerciaux d’avoir des liquidités en monnaie nationale pour s’acquitter de leurs dus envers l’Etat en termes de TVA, le marché de change demeure stable durant le reste du mois. D’autant que le fixing de la valeur de la livre libanaise face au billet vert se maintient dans la limite de la fourchette définie par la Banque du Liban (BDL), écartant ainsi toute nécessité d’une intervention de sa part sur le marché. Ce qui constitue une preuve irréfutable de la détente du marché de change. Au dernier jour du mois de juillet, l’offre abondante du dollar américain a eu pour conséquence un recul marqué de l’intérêt interbancaire livre libanaise/dollar américain passant de 1 506 L.L.-1 508 L.L. à 1 504 L.L.-1 505 L.L. Sachant par ailleurs que le pays du Cèdre n’a aucune emprise sur les décisions internationales qui imposent des sanctions à certains pays ou établissements financiers empêchant de traiter avec des organismes bien déterminés et d’utiliser certaines monnaies. Le Liban demeure lié à l’application de ses lois en conformité avec la légalité internationale. Signalons que la souveraineté de l’économie nationale passe par la sauvegarde de la valeur de la monnaie nationale et surtout de son utilisation.
La réputation de la stabilité monétaire s’est construite au fil des ans, engendrant une confiance qui ne s’est pas démentie à ce jour. Dans les faits, la croissance des dépôts bancaires s’est élevée entre 6% et 7% au cours des cinq premiers mois de l’année, soit près de 3,5 milliards de dollars. Une masse considérée suffisante par la BDL pour subvenir à la demande de financement des secteurs public et privé. De son côté, l’agence Moodys’ s’attend à ce que le flux de capitaux vers le Liban se poursuive, soulignant que les dépôts bancaires des clients représentent aujourd’hui plus de 80% des engagements des établissements de crédit. Ces fonds sont étoffés par les transferts des expatriés, qui s’élèveraient à près de 17% du PIB à un rythme annuel. Pour sa part, la Banque mondiale s’attend à ce que ces transferts atteignent cette année 9 milliards de dollars, ou 19% du PIB.
Néanmoins, là où le bât blesse, est la consommation interne atone des Libanais. D’autant que la Banque centrale s’attelle, depuis trois années, à assurer des initiatives et incitations financières pour doper la demande de consommation interne, tout en ayant réussi à élargir son bilan sans engendrer une inflation ou faire planer un quelconque danger sur la livre. La consommation interne atone a laissé ses traces sur les secteurs productifs de l’économie. Ainsi, le montant des intérêts subventionnés des prêts aux agents des secteurs productifs a totalisé 146,4 millions de dollars au premier trimestre de 2015, en recul de 25,4%, de 196,2 millions de dollars sur la même période un an auparavant. Le secteur industriel a accaparé la plus grande partie des prêts subventionnés, avec 60% ou 87,9 millions de dollars, suivi par le secteur du tourisme 31% ou 45,4 millions de dollars et l’agriculture 8,9% ou 13,1 millions de dollars.
Liliane Mokbel