C’est une performance époustouflante, un concert magnifique que le grand Charles Aznavour a offert à son public, venu l’applaudir de partout, ce samedi 1er août, dans le cadre du Festival de Batroun.
Ils étaient plus de 5 000 personnes ce soir-là à écouter cette véritable légende vivante. A 91 ans bien sonnés, le grand Charles Aznavour n’a rien perdu de sa voix, de son incomparable présence sur scène et de son humour. Pendant une heure et demie, sans aucune pause ou entracte, il a interprété ses plus beaux tubes devant un public ravi de le retrouver égal à lui-même.
Accompagné de six musiciens et une choriste, il a chanté, dansé et plaisanté, tantôt debout, tantôt assis sur sa fameuse chaise noire. Après avoir commencé par sa chanson Les émigrants, il s’est adressé au public en disant qu’il était ravi d’être de retour. «Je suis venu une première fois au Liban il y a 60 ans et aujourd’hui vous allez m’écouter avec cette voix cassée, qui a été tellement critiquée à mes débuts par la presse française. Je n’ai plus de mémoire du tout et je me sers d’un prompteur. Je suis le seul artiste qui ose le dire». Ainsi le ton était donné. Il enchaîne ses plus belles chansons Paris au mois d’août, Mourir d’aimer… L’interaction avec le public est très forte. Souvent entre deux chansons, il s’arrête pour lui parler et communiquer avec lui. Du haut de ses 91 ans, il parle de la jeunesse et du temps qui s’enfuit. «Quelle grande richesse d’avoir 20 ans. Il faut boire sa jeunesse jusqu’à l’ivresse, elle s’enfuit si vite».
Devant un public réjoui, qui connaît parfaitement les paroles et l’accompagne, il interprète des chansons qui ont plus de 40 et 50 ans mais toujours aussi magnifiques. Des tubes qui font partie de la mémoire collective. Il aborde des thèmes différents, parle des parasites, «ces gens que l’on reçoit chez soi, qui dînent à votre table et couchent avec votre femme». Il leur dédie la chanson Mon ami, mon Judas. Les tubes se suivent. L’émotion est palpable dans l’air. Non je n’ai rien oublié, Ave Maria. Avec son fameux Désormais, le public est en délire. Au lieu des briquets, ce sont les téléphones qui s’allument, essayant de capter ces instants magiques.
L’un après l’autre, les plus beaux succès se suivent Il faut savoir, La mamma, Mes amis, mes amours, mes emmerdes, She, Les plaisirs démodés, Mon émouvant amour… Toujours avant-gardiste, cet homme qui n’a pas peur des mots et qui, depuis longtemps déjà, a parlé de l’homosexualité, interprète sa fameuse chanson Comme ils disent. Il se laisse aller et danser aux airs des Deux tziganes et Emmenez-moi. Quittant la scène, il revient sous une salve d’applaudissements, un mouchoir à la main, pour interpréter l’indétrônable La bohême devant un public en liesse. Charles Aznavour a bien montré ce soir-là que malgré son âge, il reste incontestablement l’une des plus grandes vedettes du monde.
Pourtant, la seule fausse note de cette magnifique soirée était la mauvaise organisation de cet événement. Les points négatifs à relever étaient nombreux, notamment l’embouteillage monstre, l’absence de panneaux indicatifs, le manque de navettes et, surtout, l’accès très étroit qui a provoqué la chute de plusieurs personnes, ainsi que la disposition des chaises, rendant la vue de la scène très difficile. Si le Festival de Batroun a la prétention d’être de niveau international, il devrait sérieusement revoir les modalités d’organisation. En quittant les lieux, nombreux étaient les assistants qui ont manifesté leur mécontentement, accusant les organisateurs d’avoir gâché toute la beauté d’un concert historique.
Joëlle Seif