Magazine Le Mensuel

Nº 3014 du vendredi 14 août 2015

POLITIQUE

Entre partisans et détracteurs. Le fédéralisme en questions

Que veulent les différents camps politiques chrétiens? La question revient sur le tapis à l’intérieur des divers partis chrétiens. C’est le général Michel Aoun qui a avancé l’idée d’une concertation autour du projet d’un fédéralisme comme plafond d’entente politique. Il y a renoncé faute d’y être encouragé.

La question que pose Michel Aoun est celle de savoir ce que nous, chrétiens, avons obtenu depuis vingt ans que les Syriens ont évacué le pays. «Si nous ne parvenons pas à obtenir nos droits, insiste-t-il, il nous faut aller vers un nouveau régime… Si les chrétiens veulent un véritable partenariat, il leur faut amender l’accord de Taëf et en assumer la responsabilité. Nous ne disons pas que nous souhaitons le fédéralisme, mais ils nous y encouragent et nous l’imposent. Cette proposition a besoin d’une entente libanaise».
Cette déclaration a été suivie du discours du chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, pour qui rien n’empêche d’aller vers la confédération ou la décentralisation administrative que nombre de pays ont adoptées pour gérer leurs différences. La confédération ne signifie pas une division communautaire ou autre, mais renforce les minorités et conserve à chaque région ses particularités.
Le député Sleiman Frangié, quant à lui, refuse l’idée même du fédéralisme quelle que soit l’appellation qu’on lui attribue: confédération ou décentralisation administrative. Pour lui, toutes ces formules ne font qu’aggraver la situation. «De quel fédéralisme parlons-nous? demande-t-il: est-ce celui qui va de Wadi Chahrour à Zghorta? Que vais-je dire alors aux fils du Akkar, de Rmeich, de Zahlé ou même de Jezzine? Puis-je leur dire d’émigrer ou de s’éliminer? Le député Frangié ajoute: «Nous ne pouvons vivre que dans un Liban uni. Si nous rêvons d’un pays divisé, nous commettons encore de graves erreurs car, en tant que chrétiens, nous ne pouvons pas dire à notre partenaire que nous refusons de vivre avec lui. Dans ces conditions accepterait-il un commandant de l’armée ou un gouverneur de la Banque centrale maronites?
Les Forces libanaises s’étonnent, de leur côté, surtout du timing inapproprié pour reconsidérer la formule libanaise. Ceci, disent-elles, ne renforce pas les chrétiens mais au contraire les affaiblit. C’est pourquoi les FL se prononcent pour l’amélioration par un amendement de l’accord de Taëf et sa bonne application avant de le condamner. Dans ce contexte se situe la décentralisation administrative et financière qui a pris une place importante dans la déclaration d’intentions approuvée par les Forces libanaises et le Courant patriotique libre.
De fait, le projet fédéral est posé dans les milieux chrétiens politiques et intellectuels parmi d’autres projets et options. Dans les cercles informés qui analysent en profondeur ces débats et les raisons de leur timing, on déclare: «Même après être arrivés à un accord à Taëf, devenu constitution et réalité politique, la question obsessionnelle est restée posée chez nombre de chrétiens: quel Liban voulons-nous? L’application partielle de l’accord conclu à Taëf et le poids des forces qui existaient à l’époque de la tutelle syrienne ont porté les chrétiens à accuser des failles dans les équilibres libanais politiques et confessionnels et à réclamer une correction de la situation. Ils n’ont jamais exprimé le souhait de sortir de l’accord de Taëf, mais ont toujours appelé à sa totale application en ce qui concerne la sauvegarde des spécifications et des équilibres politiques et confessionnels, ainsi qu’à la correction de la situation, à commencer par la remise en question des privilèges de la présidence de la République lui permettant d’assumer ses responsabilités et l’élaboration d’une loi électorale garantissant une impartialité réelle et efficace.
Les chrétiens se plaignent d’une situation anormale qui sévit depuis vingt ans sans aucun changement au cours des dix dernières années, autrement dit depuis l’évacuation syrienne du Liban. Le régime et les structures politiques libanaises instaurés par les Syriens sont toujours présents et les chrétiens ne sentent aucune différence spéciale dans la façon dont ils sont traités. Ainsi, les commandements musulmans ont continué à profiter des gains et des avantages qu’ils avaient acquis sous la tutelle syrienne comme s’ils avaient été définitivement acquis et non circonstanciels.

Chaouki Achkouti

Related

Kataëb: an 78. De la nécessité d’élire un président

Mandats militaires et sort du cabinet. Hariri et Nasrallah acteurs principaux

Attentat du Drakkar. Trente ans après, le souvenir encore vivace

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.