Trente ans après son premier passage au Festival de Beiteddine, Marcel Khalifé est revenu sur la même scène, entouré de ses deux enfants, désormais musiciens, marchant sur sa trace, Rami au piano et au clavier électronique et Bachar aux percussions. A leurs côtés, l’accordéoniste Julien Labro, venu de Toronto, le violoncelliste égyptien Hassan Mootaz et Ismaïl Racha à la clarinette.
Son répertoire, célèbre dans tout le monde arabe, a fait la joie des spectateurs venus nombreux pour l’applaudir. S’adressant aux enfants accompagnés par leurs parents, il leur dédie plusieurs chansons dont Kanet el-helwayé, «avant que la nuit ne s’avance et qu’ils s’endorment», précise-t-il. Devant son fidèle parterre qui ne raterait pour rien au monde ses concerts, le chanteur engagé a enchaîné plusieurs de ses titres dont Wo3oud mina el-assifa, al-Assifa, Rita wal boundouqiya, Ya bahria, Souqout el-Qamar, Beiny w baynak, al-Jisr, Jawaz el-safar, en hommage au peuple palestinien pour, dit-il, «ne pas oublier la Palestine avec tout ce qui se passe dans la région autour de nous».
L’artiste interviendra à plusieurs reprises demandant par exemple aux spectateurs des premiers rangs de chanter avec le reste du public. Il a joué avec beaucoup d’émotion une partition musicale en disant: «Nous ne devons pas oublier les vrais révolutionnaires». Des chansons d’amour aussi, d’autres dédiées à la femme. Pendant près d’une heure 45 minutes, l’artiste va tenir en haleine son public vacillant entre des bouffées de nostalgie et de rébellion. Le répertoire de Marcel Khalifé reprend des textes écrits par de grands poètes dont Mahmoud Darwiche, Samih el-Kassem, Talal Haïdar… devenus de grands classiques qui ont résisté à l’usure du temps. «Depuis trente ans, lance l’artiste à son public séduit, nous avons commencé avec le Festival de Beiteddine et le spectacle était tellement grandiose. Même l’ami Walid Joumblatt – présent ce soir-là en tant que fervent admirateur n’hésitant pas à ovationner Marcel Khalifé debout – faisait en ce temps-là partie des organisateurs plaçant les spectateurs sur leurs sièges tant le flot de mélomanes était nombreux. Lorsque je me suis mélangé tout à l’heure au public, j’ai rencontré un homme qui avait dix ans à cette époque-là et qui était venu au concert. Aujourd’hui, il a 40 ans et il est parmi vous accompagné de ses enfants». Beiteddine a vibré, le temps d’une soirée, aux rythmes des chansons d’un artiste engagé, fervent défenseur des droits de l’homme et notamment des Palestiniens dont il a porté et porte toujours la cause. D’ailleurs parmi le public, on pouvait apercevoir des admirateurs venus des pays arabes dont la Palestine, la Syrie, l’Egypte, le Maroc, la Tunisie… les spectateurs enchantés sont sortis à la fin du tour de chant encore une fois séduits par l’homme tout habillé ce soir-là en blanc, entouré de ses six musiciens, fredonnant une ultime fois les chansons qui les ont interpelés.
Danièle Gergès