L’affaire Assir défraie les chroniques judiciaires et remplace, provisoirement certes, les problèmes quotidiens à la «Une» des médias. Elle provoque une polémique politique dont le pays se serait bien passé.
Ceux qui se disent les seuls protecteurs de leurs communautés respectives et même du pays ont dû rabattre le caquet devant la réussite des services qui ont dévoilé et arrêté le cheikh recherché, malgré un déguisement, œuvre d’un professionnel chevronné. Tout semblait parfaitement mis en place pour permettre à Ahmad el-Assir de quitter le pays incognito. Malgré les critiques dont les services chargés d’assurer la sécurité du pays, en partant de l’aéroport de Beyrouth, sont si souvent la cible, ils se sont montrés à la hauteur de leur mission, capables de déjouer les pires scénarios de polars. Il ne reste plus qu’à espérer une suite judiciaire à la hauteur des actes dont est accusé le cheikh incriminé et qu’aucune fausse note ne vienne ternir la suite d’une telle réussite.
Toujours sceptiques, et si souvent de mauvaise foi, les politiciens de tous bords se sont empressés de chercher les raisons qui ont dicté cette opération à ce moment précis. Il leur fallait trouver la faille pouvant alimenter leur mauvaise foi. Ils se sont rabattus sur le timing de ce haut fait, qu’ils ne s’expliquent pas. Est-ce en riposte au discours de sayyed Hassan Nasrallah et à sa menace à l’index brandi, celle des moments cruciaux? La coïncidence est difficile à analyser dans une logique aussi peu scientifique que celle des Libanais.
L’Armée libanaise, elle, n’est pas en reste. Ses performances souvent silencieuses, elle avance chaque jour ses pions sécuritaires jusqu’à Ersal et dans toutes les régions du pays. En reconnaissance des dangers que courent les soldats, la république décapitée n’a pas eu la possibilité de leur rendre officiellement hommage le 1er août. Quelques initiatives indépendantes et régionales organisées par les citoyens eux-mêmes y ont pallié.
Ceci étant, revenons à nous moutons véreux. A ce jour, tous les problèmes, ou presque, sont toujours sans solutions et pour cause. Ceux des déchets, des quartiers privés d’eau et d’électricité, le manque de médicaments indispensables dans certains cas, et on en passe. Ne rappelons pas de nouveau ces dialogues stériles menés dans des chambres noires… non par discrétion, mais par manque de clarté. Les communiqués qui se veulent rassurants et qui, faute de sincérité, deviennent si confus que les citoyens, toutes catégories sociales confondues, en perdent leur latin en essayant en vain de comprendre ce qui se passe réellement entre ces murs et, surtout, à quoi aboutissent ces Conseils de ministres stériles reportés de semaine en semaine. Le Liban vit à la merci de ceux qu’on qualifie de hauts responsables, qui ne sont ni «hauts» et encore moins responsables. Mais cette semaine, un dossier encore plus crucial peut-être que les autres, s’impose. Celui de la rentrée très prochaine et donc la scolarisation. Est-ce que des statistiques du ministère de l’Education nationale permettent de savoir combien d’enfants et de jeunes traîneront dans les rues, faute de moyens? Quelle génération aurons-nous formée? Des chômeurs? Ou dans le meilleur des cas, des ouvriers dans le bâtiment s’ils ne sont pas remplacés par des mains-d’œuvre étrangères moins coûteuses. Combien de jeunes bacheliers pourront-ils rejoindre les universités? Combien seront-ils suffisamment formés pour devenir professionnels et préparer leur avenir? La nostalgie nous reprend malgré nous et nous ramène à l’âge d’or où les jeunes des pays de la région se disputaient des places dans les facultés du Liban et s’en vantaient dans le monde. Aujourd’hui, nos émigrés réussissent brillamment dans les pays où ils se sont exilés, il y a des décennies, ou même plus récemment à la fin du siècle dernier. Ils opèrent dans les instituts de recherches, dans la finance, dans l’hôtellerie et dans tous les domaines où leur savoir-faire est reconnu. Mais nos parlementaires, souvent incultes ou presque, rechignent encore, volontairement ou non, à rendre leur nationalité à nos émigrés. Craignent-ils donc la concurrence ou les résultats des prochaines législatives si tant est qu’elles ne soient encore une fois remplacées par une nouvelle autoprorogation?
Mouna Béchara