Le festival de rue, Nehna wel amar wel jiran, nous convie tous à prendre part à cet événement artistique, rassembleur et gratuit, les 28, 29 et 30 août, sur les escaliers du Vendôme à Mar Mikhael. Une histoire de confiance, de partage et de relations humaines…
C’est à la fois une histoire d’intimité et de grand public, une histoire d’art et de rencontre, une multitude de rencontres à l’échelle de la chaleur humaine. Organisé par le collectif Kahraba, compagnie de spectacle vivant, et Tarte aux poires, opérateur culturel et organisateur d’événements, le festival de rue Nehna wel amar wel jiran est une histoire qui porte bien son nom, à l’orée du rêve et du quotidien.
Il y a plus de cinq ans, quand le collectif Kahraba a installé ses locaux dans l’une des vieilles maisons situées sur les escaliers du Vendôme, à Mar Mikhael, les voisins ont été piqués de curiosité: mais que transportent donc ces jeunes nouvellement arrivés dans le quartier? Rien que des éléments de scénographie qu’ils utilisent pour leurs spectacles. La curiosité des voisins est d’autant plus aiguisée qu’ils n’ont jamais eu l’occasion d’entrer dans une salle de théâtre, et ne le feront pas malgré l’invitation du collectif Kahraba. Une seule solution pourrait combler ce vide: c’est aux membres du collectif d’aller vers eux. Ils montent donc un spectacle juste pour eux, en compagnie d’un petit public et de certains amis. «Cela a créé un rassemblement chaleureux, familial, qui nous a donné envie de développer et d’aller encore plus loin», affirme Rima Maroun, membre fondatrice du collectif et du festival lors de la conférence de presse du lancement de l’événement qui a eu lieu à Tawlet. Une conférence en elle-même conviviale, chaleureuse, humaine, à l’image du festival, né dans la spontanéité, le partage et la confiance, et qui célèbre cette année sa 4e édition, du 28 au 30 août, sur les escaliers Vendôme.
La confiance, c’est surtout ce contact établi de part et d’autre qui permet de renouveler cette expérience, de la renforcer, de la porter à une nouvelle échelle, ensemble, tous ensemble. C’est cette confiance-là qui pousse les habitants du quartier à ouvrir la voie d’accès à leurs jardins, toits et maisons pour y tenir des performances, qui les incitent à s’impliquer dans l’organisation du festival à plus d’un niveau, en présentant notamment sur les stands de nourriture leurs spécialités concoctées par quelques cuisinières du quartier. Parce qu’il s’adressait à eux au départ, ils se le sont tellement approprié que cette année, un jour, en l’absence des membres du collectif, ils se sont interposés eux-mêmes au lancement de travaux sur les escaliers et ont pu obtenir le report de la date jusqu’au lendemain du festival.
Nehna wel amar wel jiran, un festival «qui n’a pas été importé au cœur du quartier», mais y est né, s’y est épanoui, développé, confortant les habitants dans la sensation d’être ceux qui convient, qui accueillent les visiteurs, plus de 2 000, qui «ne sont pas traités comme des consommateurs», tient à ajouter Aurélien Zouki, directeur artistique du festival.
Ce sont en effet les relations humaines qui distinguent cet événement; entre les organisateurs et les habitants, avec les visiteurs, mais aussi avec les artistes contributeurs à qui il est demandé d’être une partie prenante de l’événement, de par sa nature même. Portés tous ensemble par des rêves, des ambitions partagées d’être dans cette générosité, cette simplicité, cette gratuité. Parce que tous les artistes sont bénévoles, qu’ils soient libanais ou étrangers, établis ou émergents, acteurs, danseurs, performeurs, musiciens… «Toute une palette de gens qui se retrouvent dans cette dimension culturelle gratuite, accessible à tous». En réunissant sous un même chapiteau des artistes de disciplines différentes, des artistes qui n’ont pas l’habitude de travailler dans le même espace, les organisateurs tentent de briser les barrières qui pourraient exister entre les disciplines et les artistes eux-mêmes, dans l’espoir de créer des moments de rencontre, des volontés de collaboration qui pourraient générer des projets communs, non seulement au niveau local, mais aussi à l’international.
Une édition riche
Cette année, en effet, forte du succès grandissant du festival et de l’engouement de tous, la programmation est d’autant plus riche qu’elle accueille des artistes de l’étranger, France, Espagne, Italie, Allemagne… Certains prennent même «le risque de remodeler leurs propres créations, comme le soulève Eric Deniaud, membre fondateur du collectif et du festival, ce qui nécessite d’être sur place plusieurs jours à l’avance afin de rencontrer les artistes avec qui ils vont collaborer et les voisins qui les accueillent».
Pour rendre cet événement possible, tout un réseau de collaborateurs et partenaires se sont associés, des structures bien établies comme les théâtres Monnot et Tournesol… afin de prendre part à cet événement qui sort des sentiers battus, et s’exposer ainsi à une autre «forme de visibilité, via un festival touchant à l’émotionnel, la création, l’humain, un festival pied-à-terre», d’après le producteur de Tarte aux poires.
La chaîne de collaboration s’étend cette année avec la mise en place d’une plateforme professionnelle, Programme-PRO-, qui aura lieu du 27 au 31 août, permettant à des artistes et opérateurs culturels, locaux et internationaux, de découvrir et discuter les nouveautés de la scène artistique contemporaine au Liban, «afin de briser encore plus les frontières et de favoriser l’échange à l’international des artistes indépendants qui, aujourd’hui, sont en train de forger la scène artistique libanaise», comme l’explique Geoliane Arab, manager culturelle et chargée de développement culturel, en charge de l’organisation de ce programme. Avec des moments forts, des rencontres, des discussions, des présentations de projets en cours de nombreux artistes libanais et syriens, «on a essayé de mettre dans ce programme la même énergie conviviale et humaine qui se trouve sur les escaliers le soir».
Cette énergie qui distingue Nehna wel amar wel jiran s’est reflétée à travers les nombreuses donations sur la plateforme de crowdfunding zoomaal à laquelle a participé le collectif pour rendre possible cet événement. Les fonds ont été récoltés, zoomaal ayant doublé la somme de chaque cotisation, plus de 200, une grande partie émanant de personnes qui ont soutenu le festival en fonction de leurs moyens. «La difficulté, ajoute Eric Deniaud, c’est qu’il ne s’agit pas d’un festival prestigieux, mais d’un festival qui propose une alternative indispensable dans un pays. Il y a un vrai travail à inventer».
Venez tous, enfants et adultes, entre amis ou en famille, les 28, 29 et 30 août, sur les escaliers du Vendôme à Mar Mikhael, pour prendre part au festival Nehna wel amar wel jiran.
Nayla Rached
Programme artistique
Théâtre Collecting homes: stories of cities with missing walls (Yara Bou Nassar et Paed Conca) – Tota Tota… and the story begins (Ettijahat Independent Culture, association Shams, collectif Kahraba) – Where can I find someone like you Ali? (Raeda Taha et Lina Abyad) – Rituels pour une reconnaissance (troupe de théâtre des femmes éthiopiennes de l’Association Amel).
Danse contemporaine Wunschkonzer (Maura Moraless) – Mahalli (Danya Hammoud) – Bach: version courte (María Muñoz) – L’incontro (Maria Muñoz, Raffaella Giordano, Mal Pelo, Sosta Palmizi) – Accoudés au vent (Agial children dance troup, Aïn el-Heloué).
Musique et chant Duo Herminée Nurtpelian & Joseph Kai – Fantaisie en fa mineur pour piano 4 mains (étudiants du Conservatoire national supérieur libanais de musique avec Nicolas Maalouf et Joseph Kai) – Musique de chambre (Cadence String Quartet, étudiants du conservatoire avec Nicolas Maalouf et Joseph Kai) – Concert de musique folk arménienne (Garabala) – Al-Hawa Charqi (ensemble de musique orientale du conservatoire) – 3a Habl el-Hawa (Hanane Yazigi, Mona Karam, Maria Sikias, Nour Fakhoury et Oussama Mhanna).
Conte Contes des 9 continents (Praline Gay Para – compagnie Pavé Volubile) – Le prince heureux (conte musical d’après l’œuvre d’Oscar Wilde présenté par l’ensemble Elsewhere, avec Colin Pip Dixon, Arnaud Ghillebaert et Aïda Sabra).
Performance Intervention plastique sur les palissades de l’escalier Vendôme (Joseph Kai et Karen Keyrouz) – Origami géant (Herminée Nurtpelian) – Fileuse (solo aérien de Cécile Mont-Reynaud et Carole Abboud).
Projection Yaraqa (vidéo-danse présentée en première par Yaraqa) – Projection de films réalisés par différentes équipes constituées d’enfants de travailleurs migrants au Liban, dans le cadre du concours Voice4change.