Dans une interview accordée à Magazine, Ammar Houry, député de Beyrouth pour le Courant du futur, considère que les jeunes ont, certes, manifesté pour protester contre l’affaire des déchets, mais «cette manifestation a été récupérée dans le but de créer un vide dans toutes les institutions étatiques conduisant à l’élaboration d’un nouveau pacte national».
Quel est votre avis concernant la manifestation organisée par le collectif «Vous puez»? Cette protestation populaire ne prouve-t-elle pas que la classe politique n’est plus capable de diriger le pays?
Les demandes des manifestants sont justifiées. Le citoyen est en droit de s’insurger et de réclamer ses droits élémentaires: l’eau, l’électricité, le recyclage des déchets… mais il faut reconnaître également que si l’affaire des déchets qui traînent dans les rues a été la principale raison de ces manifestations, les organisateurs sont partis dans tous les sens et on ne savait plus exactement ce qu’ils voulaient. Très vite, cette manifestation a été récupérée dans le but de créer un vide dans toutes les institutions étatiques pour mener à un nouveau pacte national. Dans un autre registre, les casseurs, qui n’agissent en aucune façon de manière individuelle comme certains l’ont prétendu, ont délibérément tenté de détruire le centre de Beyrouth, prouvant la haine et le mépris qu’ils ressentent envers cette ville depuis des années. Cette ville qui constitue un modèle de convivialité et de civilité. Les ordres sont venus de personnalités haut placées et le chaos était voulu et organisé.
Dans les médias et sur les réseaux sociaux, on a pointé du doigt les partisans de Nabih Berry dans cette affaire. Qui accusez-vous précisément?
Tout le monde sait qui se tient derrière ces fauteurs de troubles. Ce sont ces forces politiques prêtes à tout pour créer un vide au niveau de l’Etat. Mais, quoi qu’il arrive, nous sommes opposés à tout nouveau pacte national. Une telle initiative fragiliserait le pays et nous ne l’accepterons pas. Je demande aux instances militaires et judiciaires d’arrêter et de juger les personnes qui ont mis la ville à feu et à sang. Il est de leur devoir également de dénoncer publiquement les forces qui se tiennent derrière ces gens-là. Qui leur en a donné l’ordre? Qui les couvre? Je pense qu’il est préférable que les manifestants évacuent les rues pour permettre aux forces de sécurité d’arrêter les fauteurs de troubles.
Les organisateurs de «Vous puez» ont réclamé la démission du gouvernement qui, à leur avis, ne sert plus les intérêts du citoyen mais ceux des politiciens. Le peuple n’a-t-il pas le droit de faire entendre sa voix?
Toutes les forces politiques ont maintenu leur appui au chef du gouvernement Tammam Salam. Celui qui ne le fait pas actuellement suscite chez nous des doutes sur ses réelles intentions envers les institutions et envers le pays.
Des manifestations ont eu lieu dans diverses régions à majorité sunnite pour apporter un appui au gouvernement. Est-il sain de donner aux manifestations une connotation confessionnelle, alors que le rassemblement populaire de Riad el-Solh a dépassé tous les clivages politiques, communautaires, régionaux ou autres?
Il est difficile de contrôler la rue une fois qu’elle échappe. C’est pourquoi tout le monde doit être sage dans cette phase délicate. Les manifestants de «Vous puez» doivent s’en tenir à l’affaire des déchets et de l’environnement et ne pas la politiser.
Les forces politiques refusent de prêter l’oreille aux revendications du peuple. Elles ont demandé qu’un mur soit érigé entre le Sérail et les routes y accédant et elles se sont de nouveau partagé les parts de gâteau en ce qui concerne la collecte des déchets. Cette attitude provocante ne contribue pas à calmer les choses…
Je préfère ne pas répondre à cette question. Attendons pour voir l’évolution des événements.
Propos recueillis par Danièle Gergès